La cour d’appel des Seychelles compte désormais un nouveau juge en la personne du juge Prithviraj Fekna. Discret mais loin d’être timide, ce professionnel se dit prêt à relever le défi qu’il qualifie comme une opportunité en or pour s’exposer à une expérience internationale et continuer à apprendre. Incursion dans la vie de cet homme au parcours exemplaire.
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Derrière son ordinateur, on découvre quelqu’un à l’allure sévère mais une fois qu’il se lance, c’est tout autre chose. « J’ai tendance à trop parler, il faudrait m’arrêter… », dit le juge Prithviraj Fekna, 54 ans, en riant. Il commence à raconter son petit bout de chemin pour devenir le professionnel qu’on connaît. En premier lieu, il explique les procédures à suivre pour se présenter comme candidat au poste de juge de la cour d’appel des Seychelles.
« J’ai postulé car cela représentait un défi pour moi. Dans la profession légale, on ne finit jamais d’apprendre et j’ai continué à m’épanouir que ce soit académiquement et professionnellement », confie l’homme issu d’une famille modeste dont il est le benjamin. En effet, ce poste de juge de la plus haute instance des Seychelles n’est pas donné à tout le monde. Il requiert des qualifications très élevées. C’est après huit ans d’expérience en tant que juge de la Cour suprême de Maurice que le juge Prithviraj Fekna a pu saisir l’opportunité de postuler comme juge de la cour d’appel des Seychelles.
«Le dernier mot est crucial»
Suite à des échanges bilatéraux entre Maurice et Seychelles concernant le judiciaire, le chef juge de Maurice reçoit un avis d’appel à candidatures pour ce poste. Ce dernier envoie par la suite cet avis à tous les juges. C’est ainsi que le juge Prithviraj Fekna a postulé avec le consentement du chef juge. Il a été retenu après avoir passé un entretien en avril 2019. « C’est une opportunité inestimable de pouvoir apprendre d’un nouveau système juridique. C’est aussi un défi intellectuel car leur façon de travailler et d’écrire des jugements diffèrent de ceux de Maurice », soutient le juge Prithviraj Fekna qui dit croire en l’innovation. Il ajoute qu’il est primordial de trouver un bon équilibre c'est-à-dire d’apporter des idées nouvelles tout en étant respectueux du système déjà en place.
« Apporter du sang neuf est important non pas pour chambouler le système mais pour faire bouger les choses tout en respectant la jurisprudence du pays de même que les attentes de la population et sa façon de penser, souligne le juge Prithviraj Fekna. C’est une grande responsabilité quand vous réalisez que ce que vous dites est le dernier mot et qu’il est crucial… »
«La perfection n’existe pas»
Le juge Prithviraj Fekna est catégorique : « Aucun pays ne peut prétendre avoir un système judiciaire parfait. Chaque juridiction a ses propres défis à relever et fait de son mieux possible pour améliorer le système car la perfection n’existe pas. » Cette même conviction, il en a fait usage lors des procès qui l’ont le plus marqué personnellement, notamment l’affaire du meurtre de l’Irlandaise, Michaela Harte en cour d’assises, le procès de Jiaved Ruhomatally pour le meurtre de Gérald Lagesse, ou encore, le procès de Pierre Guy Noel (l’affaire MCB/NPF) quand il siégeait en cour intermédiaire. Des procès durant lesquels il a eu l’occasion de faire bouger la jurisprudence à Maurice. Il y en a aussi d’autres où il a éprouvé une grande satisfaction après avoir réussi à raisonner et réconcilier les parties concernées.
D’autre part, cet ancien lauréat du collège Royal de Curepipe, dit aimer le côté intellectuel des choses. « J’aime bien penser que je suis un professionnel, lance-t-il dans un rire. The big challenge comes when cases demand reflection. » Il estime qu’un juge doit pouvoir s’exprimer et travailler sans crainte. Il ne croit pas, ajoute-t-il, dans la médiocrité car cela ne laisse pas la place au progrès. Il use d’une citation pour soutenir ses dires : «Aim for the stars, you’ll reach the moon !»
La journée de Prithviraj Fekna commence par son incontournable tasse de thé. Ce breuvage non seulement l’apaise mais agit comme un déstressant après des procès éprouvants. Celui qui a prêté serment comme avocat en 1992, a vite gravi les échelons. Il a été tour à tour vice-président de la cour intermédiaire, président de la cour industrielle avant de rejoindre en 2009 la Cour suprême comme Deputy Master and Registrar. Début 2011, il agit comme Acting Master and Registrar et Juge à la Bankruptcy Division (Cour des Faillites). Le 5 septembre 2011, il est nommé juge à 46 ans. Prithviraj Fekna donne aussi des cours aux étudiants en droit.
Il se qualifie comme une personne simple qui prend du plaisir dans les « petites choses » de la vie. Ses passe-temps favoris sont la lecture, la télé et le sport. Il ne rate pas aussi une occasion de passer du temps avec ses deux griffons surtout après une journée en cour.
Le juge profite aussi de son temps libre pour se balader sur la plage ou apprécier un coucher de soleil. « Il faut savoir apprécier, apprendre à apprécier et être reconnaissant pour ce qu’on a.» Il cuisine de temps à autre par plaisir. Raffolant des menus typiques mauriciens comme « les sept caris » ou un bon « briani », Prithviraj Fekna souligne que c’est quand il s’est retrouvé seul en Angleterre à 18 ans pour des études qu’il a commencé à cuisiner et se mettre aux corvées ménagères. L’enfant gâté de la famille avait alors persévéré et il se dit fier de ce qu’il a accompli.
Prithviraj Fekna confie qu’il est féru de vieilles chansons indiennes dont les paroles sont très poétiques et dégagent beaucoup de profondeur contrairement aux « nouveaux hits où il y a trop de boom boom ». Il se décrit comme une personne très spirituelle et qui aime être entouré de sa famille. Il déteste la malhonnêteté de même que ceux qui abusent de leur pouvoir et blessent leur prochain. « Law should always be practised with morality, dit-il. Il faut maintenir l’intégrité pour être en paix avec soi. »
Prithviraj Fekna est aussi très engagé au niveau social à travers des oeuvres charitables. Il fait partie dans un groupe qui prépare des évènements pour des gens handicapés. Parallèlement, il apporte sa contribution dans un orphelinat dont son ami est le propriétaire.
« Je pense que la vie m’a bien traité. Je me sens privilégié. J’ai rencontré plein de gens qui m’ont donné les bons conseils au bon moment. Je reconnais la main de Dieu qui a ouvert des portes pour moi. J’accepte les moments difficiles tout comme j’apprécie les bons moments. I am a very happy person. » Le juge Prithviraj Fekna se dit très reconnaissant envers ses parents qui ont donné beaucoup d’importance à l’éducation. Il n’oublie pas de faire ressortir les valeurs humaines qu’il a acquises de ses parents et de sa famille qui l’ont toujours protégés et soutenus.
Il déplore le fait que l’art de la communication ou encore la communication humaine est en train de perdre de son importance dans la société d’aujourd’hui. «Treat others the way you would like others to treat you», conclut le juge Prithiviraj Fekna avant de retourner derrière son ordinateur pour vaquer à ses tâches. Cet homme se lance aujourd’hui dans un monde où des défis l’attendent et qu’il compte bien les relever.
Prestation de serment au Seychelles
Le juge Prithviraj Fekna a prêté serment, le 27 juin 2019, comme nouveau juge d’appel en cour d’appel des Seychelles. La cérémonie a eu lieu en présence du Président des Seychelles, Danny Faure, du vice-président Vincent Meriton, le Président de la cour d’appel des Seychelles Francis McGregor, le chef juge des Seychelles Mathilda Twomey, l’Attorney General Frank Ally ainsi que d’autres personnalités.
Sa première session en cour d’appel des Seychelles sera en août 2019 durant les vacances du judiciaire à Maurice. Il y exercera sur une base contractuelle. La cour d’appel des Seychelles compte désormais au total sept juges. Le juge Prithviraj Fekna succède ainsi à des anciens juges à la retraite qui ont déjà siégé à la plus haute instance des Seychelles. Notamment l’ancien chef juge Kheshoe Parsad Matadeen et l’ex-juge Bhushan Domah.
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