Avec la révision du traité Inde-Maurice, le secteur du global business local devra se réinventer, insiste Nousrath Bhugeloo. La Chief Business Development Officer chez ABAX préconise une réorientation vers l’Afrique.
Pour le ministre Roshi Bhadain, Maurice n’avait pas le choix que d’accepter les nouveaux amendements sur le traité Inde-Maurice. Or, Rama Sithanen, ancien ministre des Finances, parle, quant à lui, de « désastre pour le pays ». Vos commentaires ?
Tout le monde aurait souhaité que le traité reste et que Maurice puisse en bénéficier. Malheureusement, la révision du traité a été faite et nous ne pouvons rien faire à ce niveau. Le ‘global business’ ne doit plus se reposer sur les traités. Il est maintenant très important pour Maurice de revoir son ‘business model’, d’offrir d’autres services et de s’orienter vers d’autres marchés. Or, l’Afrique représente pleins d’opportunités pour le pays.
La presse indienne est à blâmer, selon vous, dans toute cette affaire…
En effet ! Nous avons été la cible de la presse indienne. Elle a non seulement politisé le débat, mais a donné une mauvaise impression que Maurice était le seul gagnant du traité et que l’Inde perdait des revenus par notre faute, alors que ce n’était pas vrai du tout.
Les opérateurs craignent que le nouveau traité Inde-Maurice sonne le glas du ‘global business’ notamment suivant les amendements aux articles 11 et 13. Quel sera l’impact réel sur le secteur ?
Les entreprises mauriciennes qui ont des activités sur l’Inde seront affectées. Car,à partir de 2019, il faudra s’attendre à une baisse en termes de nouveaux investisseurs et d’activités pour ces sociétés. D’où la nécessité pour le secteur de se réinventer et de se tourner vers d’autres marchés.
[blockquote]« La révision du traité est une grande perte. Nous ne pouvons, toutefois, pas revenir en arrière. »[/blockquote]
Doit-on craindre également des pertes d’emplois ?
Oui et non ! Tout va dépendre de la stratégie qu’adoptera chaque société. Si certaines compagnies poursuivent uniquement leur stratégie sur l’Inde, il peut y avoir des pertes d’emplois, car elles devront faire une croix sur de nouveaux investisseurs. Toutefois, la question de pertes d’emplois ne devrait pas se poser si elles bougent vers d’autres marchés et si Maurice se positionne comme un centre financier pour les investisseurs indiens qui veulent faire du business sur le continent africain.
Se tourner vers l’Afrique est-elle notre unique voie de secours ?
Bien sûr ! Nous n’avons d’ailleurs pas le choix. Le pays a toujours su faire preuve de réactivité et trouver des solutions. Cela avait déjà été le cas quand le Protocole sucre a pris fin. L’avenir n’est donc pas si morose qu’on le pense. Si nous savons jouer correctement nos cartes, nous pouvons attirer des investisseurs et des entrepreneurs qui visent l’Afrique.
Toutefois, il faudra beaucoup d’investissement et de patience. Nous allons aussi devoir nous montrer plus efficients et plus compétitifs que les Pays-Bas, Luxembourg ou encore les Îles Jersey. Je crois dans le potentiel du pays en tant que plateforme financière. Maurice peut devenir le Singapour de l’Afrique. Nous devons pour cela bâtir des relations solides avec les gouvernements africains, avoir des ambassades très fortes en Afrique tout en établissant des relations ‘win-win’ et en donnant des services à valeur ajoutée à nos clients. La révision du traité est, certes, une grande perte quoique le nouveau traité offre certains avantages pour Maurice, surtout au niveau de la restructuration de la dette. Nous ne pouvons, toutefois, pas revenir en arrière. Il faut regarder vers l’avenir. Or, c’est l’Afrique notre avenir. Il y a, certes, des défis à relever sur ce marché, mais il y a aussi pleins d’opportunités.
Actuellement, Maurice et Singapour sont en concurrence directe. Les investisseurs en Inde transitant par ces deux juridictions totalisent environ 17 milliards de dollars. Avec le nouveau traité, serons-nous toujours en mesure de concurrencer Singapour ?
D’après plusieurs hommes de loi, les avantages dont bénéficiait Singapour feront également partie du passé, car le traité Inde-Maurice est lié avec celui de l’Inde-Singapour. Dans ce cas, Singapour ne sera plus notre concurrent direct. Par contre, nous devons faire face à d’autres concurrents comme les Pays-Bas, Chypre, entre autres.
N’aurait-il pas été plus profitable pour Maurice de basculer sur le GAAR, qui entre en vigueur l’année prochaine, une régulation qui prévoit, entre autres, que seulement les structures offshore ne démontrant pas de substance devront s’acquitter de la ‘capital gains tax’ ?
Il faut savoir que le GAAR a été renvoyé à plusieurs reprises. Dans l’éventualité où le GAAR entre en scène, tous les pays qui ont signé des traités avec l’Inde se retrouveront sur le même palier. L’enjeu est tout à fait différent.Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !