La polémique enfle depuis qu’un collégien de 18 ans s’est vu refuser l’accès à un établissement scolaire parce qu’il n’est pas vacciné contre la COVID-19. Ses parents estiment que son droit à l’éducation prévu par la Constitution a été bafoué. Deux hommes de loi ont été sollicités pour leur avis.
Assis dans sa chambre, Dan Pydannah a l’air inquiet. Pendant deux jours, le collégien de 18 ans n’a pas été en classe, contrairement à ses amis. Pourtant, il attendait lui aussi avec impatience le retour des cours en présentiel. Il se faisait une joie de retrouver ses camarades. Mais au lieu de cela, il lui a été demandé de quitter la salle de classe. La raison : il n’est pas vacciné contre la COVID-19.
Dan dit avoir eu honte. Fatigué de tout ce qui se passe autour de lui, il ne souhaite qu’une chose : pouvoir se rendre au collège. « J’ai toujours aimé l’école. Je demande aux autorités de revoir cette décision car je ne veux pas avoir à rester à la maison juste à cause du vaccin », confie-t-il.
Sa mère, Olesya Pydannah, explique que les parents ont d’abord le droit d’être contre le vaccin. « Le problème est que les autorités n’ont fait aucune évaluation médicale avec ces enfants pour savoir s’ils sont tous aptes à se faire administrer ce vaccin », se justifie-t-elle.
Puis elle note des contradictions dans les mesures annoncées. « D’une part, le ministre de la Santé vient annoncer que pour ceux qui ont été testés positifs, le vaccin ou la booster dose n’est pas obligatoire pour le moment car leurs anticorps ont été boostés. Par contre, de manière générale, il n’y a pas de flexibilité en ce sens », déplore-t-elle.
Autre point avancé par Olesya Pydannah : tous les membres de sa famille ont été positifs à la COVID-19 fin décembre. « Les enfants avaient un peu de toux. Nous, les adultes, n’avons presque pas eu de symptômes. Là encore, nous avons pris en considération les conseils des autorités et comme nous n’avions pas de symptômes, nous ne sommes pas allés à l’hôpital », raconte-t-elle.
Elle précise que c’est grâce à des Rapid Antigen Tests qu’ils ont su qu’ils étaient positifs. « Nous ne sommes pas sortis. Nous nous sommes soignés. Sachant que nous avons développé des anticorps, nous ne pouvons pas faire de vaccins pour le moment », souligne-t-elle.
Les parents de Dan Pydannah ont décidé de ne pas en rester là. « Le droit à l’éducation est garanti par la Constitution. Ne pas autoriser mon fils à se rendre en classe c’est bafouer son droit à l’éducation. La Quarantine Act ne peut pas être supérieure à la Constitution », disent-ils. Olesya Pydannah indique qu’elle a consulté ses hommes de loi pour déposer une plainte en cour afin que son fils puisse se rendre au collège.
Précisions de la ministre de l’Éducation
Lors d’une conférence de presse le vendredi 28 janvier, la ministre de l’Éducation, Leela Devi-Dookun Luchoomun, avait dit que « le vaccin reste obligatoire pour les élèves ayant 18 ans et plus » pour pouvoir accéder à l’établissement scolaire. En ce qui concerne ceux de moins de 18 ans, le vaccin n’est pas rendu obligatoire. Cependant, elle demande aux responsables des collèges d’encourager les enfants à se faire vacciner contre la COVID-19.
La mère :«L’établissement refuse de nous remettre une lettre officielle »
Les parents ont demandé une lettre officielle du collège pour expliquer pourquoi leur enfant n’a pas le droit d’accéder à l’établissement. « Je me suis déplacée pour rencontrer la rectrice. Je lui ai dit qu’elle devait me remettre une lettre pour expliquer pourquoi ils ont demandé à mon fils de quitter sa salle de classe et de ne pas venir à l’école. Mais elle refuse de me donner ce document, avançant qu’elle ne peut pas faire une lettre pour justifier les décisions du gouvernement », explique Olesya Pydannah.
Les parents ont donc décidé que l’enfant continuera à se rendre en classe tous les jours tant qu’il n’y aura pas de documents officiels provenant du collège pour expliquer cette décision.
Le Défi Quotidien a tenté d’obtenir la version de la rectrice. Elle n’a cependant pas répondu à notre appel.
Me Erickson Mooneeapillay : «La cour devra se prononcer»
L’avocat Erickson Mooneeapillay avance qu’il est important avant tout important d’apporter la précision suivante : « Il n’y a aucune décision de justice en ce qui concerne les enfants et la COVID-19 à Maurice où la Cour a dû trancher. La Cour européenne des droits de l’homme s’est, elle, prononcée sur un cas de vaccin pour protéger de la rougeole. Donc, en ce qui nous concerne, la cour devra se prononcer si un cas est logé, car pour le moment, on ne peut pas dire qu’il y a une décision claire et nette. »
Il ajoute que selon son avis personnel, il y a en ce moment « une dictature sanitaire, presque généralisé ». Il trouve inacceptable que certaines personnes, qui contribuent elles aussi aux fonds publics, soient privées d’accès à certains espaces payés de l’argent public. « C’est une contraction du système. »
Me Sanjeev Teeluckdharry : «Il faut une division constitutionnelle à la Cour suprême»
Sanjeev Teeluckdharry rappelle que tout le monde a les mêmes droits constitutionnels, incluant celui à la vie privée et à l’intégrité physique. « On ne peut pas obliger une personne à se faire vacciner, ni à suivre un traitement si elle n’en a pas envie », dit-il. Il cite l’Inde et l’Amérique, expliquant que ces deux pays ont d’ailleurs statué en ce sens.
« À Maurice, malheureusement, les cas liés aux vaccins sont renvoyés à chaque fois. Le ministre ne fait qu’apporter de nouveaux changements et on n’avance pas. Il faut préciser que ce vaccin n’a pas connu de tests obligatoires. »
En ce qui concerne Dan Pydannah, il avance que ces mesures sont inscrites dans des « regulations » et ne font donc pas partie de la loi. « Le ministre a uniquement signé des ‘regulations’ qui n’ont pas été débattus à l’Assemblée nationale. Ces règlements n’ont pas passé le test de la constitutionnalité. C’est dommage que la Cour prenne du temps à statuer sur les cas liés aux vaccins alors que c’est une affaire urgente. La Cour suprême se doit d’avoir une division constitutionnelle pour les affaires urgentes, comme c’est le cas pour les divisions familiales et commerciales », conclut-il.
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