Après des années de tensions entre le Bureau du DPP et l’ancien Attorney General, l’arrivée de Gavin Glover suscite l’espoir d’une nouvelle ère de coopération. Cela devrait notamment passer par des amendements, et le nouvel Attorney General sera également attendu sur de nouvelles lois réformistes.
«Je n’ai pas l’intention de m’im-miscer dans les affaires du bureau du DPP... » Cette déclaration du nouvel Attorney General Gavin Glover, à l’issue de sa prestation de serment à la State House, le vendredi 29 novembre, pourrait marquer le début d’une ère nouvelle pour le Bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP). Une institution qui, pendant de longues années, sous le gouvernement mené par le Mouvement socialiste militant (MSM), a été au cœur de tensions politiques en vue d’affaiblir son indépendance.
L’une des tentatives les plus marquantes a été la proposition de la mise sur pied d’une Prosecution Commission à travers un amendement à la Constitution afin de limiter les pouvoirs du DPP. Cette initiative a cependant été avortée en 2016, à la suite de la démission du Parti mauricien social démocrate (PMSD) du gouvernement d’alors. La situation s’est crispée de nouveau lorsque le MSM a vivement critiqué la décision du DPP de ne pas contester la libération sous caution de l’activiste Bruneau Laurette et de l’avocat Akil Bissessur, qui étaient tous deux accusés par la Special Striking Team (SST) d’avoir été impliqués dans des affaires de drogue.
Cette hostilité a atteint un nouveau sommet avec la création de la Financial Crimes Commission (FCC), dont les prérogatives incluaient la poursuite, un pouvoir que de nombreux juristes ont jugé incompatible avec la Constitution, qui réserve exclusivement cette prérogative au DPP. Face à cette menace, le DPP a engagé des actions légales pour contester la FCC Act, estimant que la loi-cadre de la FCC est anticonstitutionnelle.
Dans ce contexte de tensions et de batailles juridiques, la nomination de Gavin Glover au poste d’Attorney General est perçue par de nombreux observateurs comme un tournant crucial. Contrairement à son prédécesseur, Maneesh Gobin, Gavin Glover semble vouloir marquer une rupture nette. Le sentiment parmi les juristes est que Gavin Glover, par sa personnalité et son expérience, pourrait rétablir un climat de coopération et de respect mutuel entre le Bureau du DPP et le gouvernement.
Parmi les voix qui saluent cette nomination, on retrouve celle de l’ancien juge Vinod Boolell. Selon lui, l’arrivée de Me Gavin Glover pourrait véritablement redonner au Bureau du DPP l’autonomie nécessaire pour remplir pleinement sa mission. L’avocat Richard Rault abonde dans le même sens. Selon lui, Gavin Glover, fin connaisseur de la procédure pénale, saura « séparer le bon grain de l’ivraie » en prenant les décisions nécessaires pour garantir les principes constitutionnels.
Tous deux estiment que l’arrivée de Gavin Glover pourrait marquer un retour aux fondamentaux de la Constitution, notamment en ce qui concerne la suprématie de l’article 72, qui définit les pouvoirs exclusifs du DPP en matière de poursuites. « Je pense que Gavin Glover va symboliser une ère où l’on reviendra aux principes de base de la Constitution, en reconnaissant la primauté de cet article essentiel », déclare Me Richard Rault.
L’ancien juge Vinod Boolell va plus loin. « J’ai récemment pris part à un symposium organisé par le Bar Council, où j’ai exprimé la nécessité de revoir et de consolider cet article de la Constitution. Il est essentiel de garantir l’indépendance totale du DPP », souligne-t-il.
La révision de ces pouvoirs permettrait non seulement de rétablir la séparation des pouvoirs, mais aussi de garantir que l’État de droit soit respecté sans interférences politiques, fait ressortir Me Richard Rault. Selon lui, la consolidation de l’autonomie du DPP et la clarification de ses prérogatives sont des étapes cruciales pour la stabilité du système judiciaire mauricien, mais aussi pour renforcer la confiance des citoyens dans leurs institutions.
Dans le même temps, Me Richard Rault espère que les pouvoirs accordés par l’ancien gouvernement à la FCC, notamment celui de pouvoir initier des poursuites pénales, soient rapidement révoqués. Pour lui, cette « dérive » constitue une remise en cause directe de la primauté du Bureau du DPP, qui, rappelle-t-il, est le seul organe constitutionnellement habilité à conduire des actions judiciaires. Pour lui, aucun autre organisme ne peut usurper ce pouvoir sans violer les principes fondamentaux de l’État de droit.
Le plaidoyer du DPP
Me Rashid Ahmine a réclamé plus de pouvoirs dans les enquêtes sur les affaires pénales. Le DPP est intervenu lors de la conférence annuelle organisée par la Mauritius Bar Association (MBA), le vendredi 29 novembre 2024. Il a demandé que l’article 72 de la Constitution soit renforcée pour accorder plus de pouvoirs au DPP.
Il a aussi évoqué l’importance de l’indépendance de son bureau, estimant que « the DPP should not be affected by any external factor. He must take his decision in accordance with the Constitution, he must act independently with the justice system ».
Me Rashid Ahmine a notamment évoqué des abus par les law enforcement agencies, déplorant que certaines enquêtes soient réalisées sans que le DPP soit informé. En renforçant les pouvoirs conférés au Bureau du DPP, il estime que les enquêtes seront menées dans le cadre légal.
L’Attorney General attendu sur le Freedom of Information Act
Le Freedom of Information Act constitue un défi important pour le nouvel Attorney General. Ce projet, inscrit en priorité dans le programme de l’Alliance du Changement, vise à garantir une plus grande transparence de l’État et à renforcer l’accès à l’information pour les citoyens. Dans ce contexte, la pression sera forte pour que l’Attorney General fasse avancer cette réforme qui pourrait transformer le paysage politique et administratif du pays. Ce dossier, aux enjeux démocratiques majeurs, sera observé de près, non seulement par les médias et les acteurs de la société civile, mais aussi par les institutions internationales, qui valorisent les progrès en matière de transparence et de gouvernance.
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