Le jour du dépôt des candidatures, ce jeudi 11 juillet, s’annonce particulier, avec une abstention totale de l’opposition parlementaire. Pour beaucoup, cette élection partielle a des allures de trompe-l’œil.
Le gouvernement a exprimé jusqu’ici sa détermination à mener à bien l’élection partielle dans la circonscription n°10 (Montagne-Blanche/Grande-Rivière-Sud-Est). Cette élection, prévue depuis plusieurs mois, est perçue par le gouvernement comme une occasion de démontrer son engagement envers le processus démocratique. Des annonces officielles et des préparatifs logistiques ont été effectués, témoignant de l’intention du gouvernement de respecter ses engagements électoraux. Toutefois, malgré ces déclarations, une grande partie de l’opinion publique et de nombreux observateurs politiques sont convaincus que cette élection partielle sera annulée à la dernière minute, cédant la place aux élections générales imminentes.
Le scepticisme de la population est en grande partie alimenté par un précédent notable : en 2019, l’ex-ministre des Affaires étrangères, Vishnu Lutchmeenaraidoo, avait démissionné de son poste, laissant vacant son siège de député au n°7 (Piton/Rivière-du-Rempart). Le gouvernement avait alors promis une élection partielle en novembre, mais peu de temps avant la date prévue, le Parlement avait été dissous, et des élections générales avaient eu lieu en novembre 2019. Ce revirement a laissé un goût amer à de nombreux citoyens, qui craignent une répétition de ce scénario.
Cette fois-ci, l’élection partielle au n°10 ne semble pas avoir capté l’attention de l’opposition parlementaire. L’alliance Parti travailliste (PTr)-Mouvement militant mauricien (MMM)-Nouveaux Démocrates (ND) a publiquement déclaré qu’elle n’alignera pas de candidat. Cette décision stratégique vise à concentrer ses ressources financières et logistiques sur les élections générales, jugées plus importantes.
L’observateur politique et historien Jocelyn Chan Low est particulièrement critique à l’égard de cette élection partielle, qu’il décrit comme un « trompe-l’œil savamment orchestré » par le gouvernement pour désorienter l’opposition. Selon lui, l’organisation de cette partielle n’a pour but que de duper l’opposition, détournant son attention des véritables enjeux. « Le gouvernement se projette déjà vers les élections générales, conscient que l’augmentation des coûts de fret et la hausse des prix des denrées alimentaires pourraient rapidement dissiper le ‘feel good factor’ créé par le Budget récent et ses allocations sociales qui ont été réajustées », dit-il
Jocelyn Chan Low avertit également qu’il ne serait pas surprenant de voir le gouvernement annoncer soudainement les élections générales, prenant l’opposition de court. « Cette stratégie pourrait être particulièrement déstabilisante pour l’alliance PTr-MMM-ND, qui n’a pas encore réglé ses différends internes concernant l’allocation des tickets et le partage des responsabilités ministérielles. Une annonce imprévue sur les élections générales pourrait ainsi complètement désorganiser l’opposition, renforçant la position du gouvernement », ajoute-t-il.
Le constitutionnaliste Milan Meetarbhan souligne, pour sa part, que si le Parlement n’est pas dissous avant le 9 octobre, l’élection partielle au n°10 devra bel et bien avoir lieu. En revanche, si le Parlement est dissous avant cette date, le pays se dirigera directement vers des élections générales. Selon lui, le mois d’octobre sera donc déterminant pour le paysage politique mauricien. « Nous serons fixés très tôt, probablement dès la première semaine d’octobre, concernant la direction que prendra le pays sur le plan politique », explique-t-il. Ce dernier ne manque pas de rappeler que la dissolution du Parlement est la prérogative du Premier ministre, qui pourrait choisir cette option pour diverses raisons stratégiques, notamment pour prendre de court l’opposition ou pour tirer parti d’une conjoncture politique favorable.
Évoquant la probable tenue de l’élection partielle, Milan Meetarbhan note que le MSM pourrait tirer parti de l’absence des principaux partis politiques lors de cette élection partielle pour facilement remporter la victoire. Selon lui, une telle situation permettrait au MSM de renforcer sa position et de créer un impact psychologique significatif au sein de l’opinion publique. « Sans la concurrence des partis d’opposition majeurs, le MSM pourrait non seulement s’assurer une victoire facile, mais aussi utiliser ce succès comme un levier pour consolider son influence politique avant les élections générales », dit-il.
La logistique mise en place
Le Nomination Day aura lieu ce jeudi entre 9 heures et 15 heures au Bel-Air SSS. En conséquence, les élèves de cet établissement n’auront pas cours ce jour-là.
Les candidats auront jusqu’au dimanche 14 juillet pour retirer leurs candidatures.
Pour cet événement, la commission électorale mobilisera une trentaine d’officiers. On observe déjà un déploiement notable aux Casernes centrales et au Bel-Air SSS.
Concernant le coût de l’élection partielle, il est à noter que la dernière partielle au n°18 (Belle-Rose/Quatre-Bornes) avait coûté pas moins de Rs 74 millions. Pour les prochaines élections générales, le budget total prévu s’élève à Rs 330 millions.
Lors des débats parlementaires lors du Committee of Supply, le Premier ministre Pravind Jugnauth a répondu à une question du député du MMM Rajesh Bhagwan en indiquant qu’un budget de Rs 16 millions a été alloué pour l’élection partielle et une somme de Rs 239 millions pour les élections municipales.
Présentation d’Avineshwar Dayal à Caroline : Ambiance en demi-teinte
À Caroline, le mercredi 10 juillet, le secrétaire général du MSM, Maneesh Gobin, a officiellement présenté l’avocat Avineshwar Dayal comme candidat à l’élection partielle. Lors du congrès politique organisé à cette occasion, bien que la foule n’ait été présente, l’ambiance était néanmoins en demi-teinte. Les différents orateurs, parmi lesquels le Deputy Speaker Zahid Nazurally, le député Ismael Rawoo, et les ministres Deepak Balgobin et Sudhir Maudhoo, ont eu du mal à galvaniser l’audience.
Le ministre Maudhoo a tenté d’interpeller la foule en demandant : « Kifer zot tou krispe koumsa ? », tandis que le ministre Balgobin peinait à obtenir une réaction. « Sirkonskripsion n°10, zot lamem ? Pa pe tann zot », a-t-il lancé. En parcourant certains recoins de la circonscription ce mercredi, il était difficile de croire que le Nomination Day était imminent.
Durant leurs discours, les ministres ont tenté à plusieurs reprises de justifier la tenue de cette partielle, mais sans réussir à convaincre pleinement le public présent. Les interventions ont été particulièrement marquées par des attaques répétées contre le leader du PTr, Navin Ramgoolam. Le ministre Deepak Balgobin l’a notamment accusé de dépenses extravagantes, affirmant qu’il avait séjourné à l’hôtel pour Rs 600 000 et acheté des parfums Chanel à Paris pour Rs 400 000, sans préciser la période.
En outre, des murmures de mécontentement se sont fait entendre parmi les participants au congrès, certains critiquant le choix du candidat et d’autres exprimant leur désapprobation lors de l’intervention de Zahid Nazurally.
Malgré les efforts des orateurs, le sentiment général de la foule est resté mitigé à la veille du Nomination Day.
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