Jayden, 8 ans, ne partage pas l’insouciance des enfants de son âge. Né sans anus, il doit porter en permanence des couches. Sa maman espère qu’un jour, son fils retrouvera son autonomie.
Publicité
Jouer et s’amuser, c’est un luxe que ne peut se permettre Jayden, qui habite un faubourg de Port-Louis. En cause, sa santé. Il est né sans anus à l’hôpital Dr A G Jeetoo à Port-Louis et a dû être transféré à l’hôpital Nehru à Rose-Belle. « Tout était collé à l’intérieur, sa vessie, ses intestins et autres. Au troisième jour de sa naissance, il a subi une opération de huit heures et on lui a mis un sac. Il a passé plus d’un mois à l’hôpital. À un an, il a subi une autre intervention. Le médecin a essayé de déboucher l’anus, mais c’était plus compliqué que prévu. On lui a fait une colostomie pour faire passer la selle. Il a subi encore une opération à trois ans et demi. Le médecin a tout réparé et Jayden n’a plus de sac », relate sa maman, Mary (27 ans).
Depuis, il porte des couches et reste sur le qui-vive, désireux de rester propre à toute heure de la journée. Ainsi, ses parents doivent acheter en moyenne quatre paquets de couches par semaine, à Rs 275 l’unité. « On n’est pas pauvre. On est une famille modeste. Mon époux et moi travaillons à notre propre compte. Cependant, l’achat de couches commence à peser lourd. En tant que travailleurs indépendants, on éprouve des difficultés pour bénéficier d’une allocation sociale pour les couches de Jayden. Cela nous aurait été d’une grande aide », explique Mary.
En effet, le garçon a droit à la visite d’un médecin de la Sécurité sociale et il touche une pension d’invalidité, mais il n’a pas d’allocation pour les couches. « Jusqu’ici, on se débrouillait, sauf que la situation est devenue difficile depuis que j’ai perdu mon contrat. Je livrais du piment écrasé à une personne qui m’a informée qu’elle n’en avait plus besoin. Mon époux, Jean-Daniel (29 ans) est chauffeur de camion et fait des courses. On dépense en moyenne Rs 6 000 pour les couches de Jayden et Rs 7 500 pour sa scolarité », indique notre interlocutrice.
Les problèmes financiers du couple ne s’arrêtent pas là. Mary fait ressortir que son fils ne peut plus poursuivre ses traitements avec le médecin qui l’avait opéré à sa naissance, car celui-ci exerce désormais dans le privé. Son époux et elle ne peuvent se permettre de payer des consultations dans une clinique privée.
Le regard des autres
Pour les problèmes liés à l’argent, des solutions peuvent être trouvées. Néanmoins, là où le bât blesse, ce sont les soucis psychologiques de Jayden. Ce dernier éprouve de la honte de porter des couches à son âge. « C’est non seulement physiquement difficile, mais psychologiquement aussi. Il ne sait même pas quand il ira à la selle, ne ressentant aucune sensation à ce niveau, car ses muscles ne sont pas développés au niveau des intestins », confie la maman. Elle souligne qu’à l’école, c’est aussi difficile pour Jayden. Il doit se changer lui-même, car les enseignantes ne veulent pas le faire. « Toutefois, le personnel se montre attentionné envers lui et c’est bien. Il est là-bas depuis bébé et la directrice l’accepte comme il est », fait-elle ressortir.
Malgré tout, au fur et à mesure qu’il grandit, la situation devient gênante pour son fils. « Il me demande quand il va arrêter de porter des couches et ressentir quelque chose. J’essaye de l’encourager, mais au fond de moi, je sais que ce n’est pas possible. Je lui demande de faire preuve de patience et je lui dis que tout va finir par s’arranger. Je sais qu’il y a des moments où ça ne va pas. Je sens la peur et la honte qu’il ressent. Il se renferme sur lui-même et s’énerve facilement », ajoute Mary. Son époux et elle font de leur mieux pour aider Jayden afin qu’il évacue le stress qui l’habite.
Le moral au plus bas
Elle confie : « Il est au plus bas moralement. Les questions des inconnus, les regards lancés par ces derniers, sans oublier les commentaires méchants, tout cela l’affecte considérablement. En tant que parents, nous avons mal au cœur. Il doit toujours dépendre de quelqu’un, même s’il apprend à se changer », se désole Mary.
Elle ajoute : « J’ai vu qu’à l’étranger qu’il existe des solutions pour le problème qui affecte Jayden et je garde espoir qu’il pourra être autonome un jour. J’en ai parlé à ses médecins, mais on nous a expliqué que malheureusement, il n’est pas possible de faire ce type d’intervention à Maurice. J’espère que l’hôpital va considérer le fait qu’il existe des solutions et que l’État va nous aider pour que Jayden puisse se rendre à l’étranger. On est dans l’attente d’un miracle. »
Malheureusement, il n’y a pas que Jayden qui souffre de graves problèmes de santé. Son petit frère, qui a fêté ses deux ans le dimanche 19 juin, est également sous traitement à l’hôpital du Nord. « Il a deux petits trous dans le cœur et son aorte s’est rétrécie. Dieu merci, il n’a pas besoin de chirurgie pour le moment », souligne la maman.
Mary et son époux font de leur mieux pour que leurs deux fils ne manquent de rien. Jayden aime bien jouer et il affectionne surtout les animaux. Récemment, Jean-Daniel lui a offert un chiot afin qu’il décompresse. Il aime aussi s’amuser avec ses animaux en plastique et apprécie les chevaux. « Il voudrait apprendre à monter à cheval, mais c’est hors de nos moyens. On lui a donc acheté un tapis avec des chevaux sur lequel il s’assoit pour jouer et faire des trucs qu’il voit sur YouTube », dit Mary.
Les personnes qui souhaitent aider le couple peuvent leur offrir des couches. « Les couches deviennent chères. Il y a des modèles réglables et réutilisables pendant cinq ans. Pour le moment, on ne peut pas les acheter, car ces couches coûtent environ Rs 10 000 », ajoute la maman, qui précise qu’elle ne veut profiter de personne, mais peut donner la marque de ces couches réutilisables, s’il est possible à quelqu’un d’en acheter pour Jayden.
Dr Vinita Poorun, pédiatre : «C’est très rare»
Une malformation ano-rectale, c’est-à-dire naître sans anus est rare, mais peut arriver. Il s’agit d’une malformation quand le rectum ne se sépare pas correctement de l’appareil urinaire, surtout chez les garçons. C’est ce qu’explique la Dr Vinita Poorun, pédiatre.
« À Maurice, on recense deux à trois cas sur les 12 000 naissances par an. Il est difficile de dire quelles sont les causes de cette malformation. Elle peut être associée à une déficience de la mère, par exemple, en acide folique, si elle est anémique ou souffre d’une quelconque infection pendant la grossesse », explique la pédiatre.
Elle ajoute que la malformation ano-rectale est détectable à la naissance. Cependant, elle précise qu’il y a des cas qui sont détectés des semaines après la naissance. « Normalement, il faut attendre que l’enfant passe à la selle avant de l’envoyer à la maison. Auparavant, la règle c’était qu’on insérait un thermomètre dans l’anus, mais cette pratique n’est pas recommandée, car c’est un geste invasif. De plus, elle peut causer des infections, car la selle n’est pas stérile », ajoute notre interlocutrice.
Une fois détectée, il faut connaître le type de malformation. Cela va des cas très sévères aux cas moins sévères. « Dans les cas moins sévères, il y a une petite membrane entre le rectum et l’anus. Il suffit de créer un passage. Or, il y a les cas sévères, où l’espace est grand. Ce qui nécessitera une chirurgie quand l’enfant est en âge d’être opéré. Entre-temps, une colostomie est effectuée pour pouvoir évacuer la selle », indique cette dernière.
Elle souligne qu’il y a des cas comme celui du petit Jayden où les muscles ne sont pas développés et que la personne n’a aucune sensation quand elle va à la selle. « Il est recommandé de vider son rectum le matin et le soir à l’aide d’un suppositoire ou d’un lavement. Il y a également des repas spécifiques qui n’ont pas de résidus, donc pas de selles, et la personne peut être relativement sèche », dit-elle.
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !