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Nazeem Junggee : de Maurice à Vancouver, une nouvelle vie épanouissante

Nazeem Junggee et sa petite famille sont heureux d’être au Canada. Pour Nazeem Junggee, s’installer au Canada est la meilleure décision qu’il pouvait prendre pour sa famille.
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Depuis son installation au Canada avec sa famille en avril 2023, Nazeem Junggee écrit un nouveau chapitre de sa vie. Il confie qu’il ne pouvait plus rester à Maurice, face au manque de méritocratie. Cette décision, ajoute-t-il, est la meilleure qu’il pouvait prendre pour sa famille.

«Je me sens revivre au Canada. » Du jour au lendemain, il y a un an et demi, Nazeem Junggee décide de tout plaquer pour s’installer avec sa famille à Vancouver. « Le choix a été clair », dit-il. « J’ai pris conscience que si je devais faire des sacrifices et lutter, autant le faire dans un pays où la méritocratie prime, au lieu de le faire dans un pays où, en dépit des efforts, je ne vais pas réussir », précise-t-il.

Pourtant, à Maurice, il avait des projets. Après sa rencontre avec Anousha, en 2009, qui deviendra son épouse, le couple fonde en 2010 sa propre compagnie d’impression. Au fil des années, ils accomplissent de nombreux jalons : ils achètent une maison, fondent une famille, gèrent des projets nationaux d’envergure, représentent Maurice à l’international, remportent des prix pour l’entrepreneuriat… Nazeem Junggee a même l’occasion de participer au Obama Leadership Program au Dartmouth College, aux États-Unis. 

Mais brusquement, il commence à perdre des contrats, notamment avec le ministère des Arts et du Patrimoine culturel. Une situation que Nazeem Junggee impute à son engagement politique. Il avait, en effet, rejoint En avant Moris, pour essayer d’apporter un changement dans la manière de faire de la politique à Maurice, et faisait entendre sa voix dans différents forums, dont des émissions radiophoniques. « Nous obtenions des contrats antérieurement en fonction de nos compétences, de la qualité de notre travail et du prix proposé. Mais du jour au lendemain, cela a été supprimé sans aucune justification », affirme-t-il. 

N’obtenant plus de commandes, Nazeem Junggee s’enquiert de la situation. Il comprend alors que son nom avait été rayé de la liste des prestataires de services. Un coup dur qui renforce sa désillusion dans le système politique mauricien. « M’engager en politique, participer à des débats à la radio et organiser des événements à Rose-Hill m’a fait réaliser à quel point l’opportunisme et la vision à court terme étaient omniprésents. La corruption politique et le manque de méritocratie étaient décourageants. »

Las de cette situation, il décide, après concertation avec son épouse Anousha, de s’installer à Vancouver, au Canada, où les formalités de migration sont plus faciles. Pour Nazeem Junggee, c’est sans doute la meilleure décision qu’il pouvait prendre pour sa famille. « Je ne veux pas paraître cynique ou décourager les autres, mais je crois que le travail acharné doit être récompensé sur la base du mérite, pas sur les relations. J’ai choisi de vivre dans un pays où je ne suis pas jugé par mon nom, mes origines ou mes croyances religieuses », souligne-t-il. 

Nazeem Junggee révèle avoir reçu des « reproches » quant à sa décision d’abdiquer face à cette épreuve. Mais, fait-il valoir, il n’est pas comme le Mahatma Gandhi, et n’est pas non plus disposé à sacrifier sa vie pour son pays. Mari et femme travaillant dans la même entreprise, il ne pouvait supporter que leur gagne-pain ait pris un sérieux coup. « Ma vie et celle de ma famille tournaient autour de l’entreprise que nous avions fondée. Je me suis dit que cela ne valait pas le coup de prendre autant de risques pour une situation dont on ne sait pas si elle va changer. »

Les préparatifs pour traverser les océans pour aller à l’autre bout du monde leur ont pris seulement six mois. C’était en avril 2023. « Nous avons vendu notre maison, notre entreprise et tous nos biens. Et par chance, tout s’est déroulé comme nous l’avions planifié. Cela a été un gros risque, mais nous l’avons pris malgré tout. »

L’adaptation n’a pas été difficile pour la famille. D’ailleurs, Nazeem Junggee se demande même pourquoi ils n’ont pas pris la décision d’émigrer au Canada plus tôt. « La vie est difficile certes, mais comme partout il faut travailler pour avancer. » Aujourd’hui, il se sent mieux reconnu. 

Et pourquoi Vancouver plus précisément ? Cette ville, bien que l’une des plus chères du Canada, offre davantage d’opportunités, répond-il. Le climat est aussi plus plaisant, avec peu de neige en hiver. « Nous avons fait le pas vers le Canada avec deux enfants, une fille de deux ans et une autre de 11 ans. Je ne voulais pas que l’extrême température soit un obstacle à notre installation. Cela allait gâcher nos projets », soutient-il. 

Sa benjamine, ajoute-t-il, découvre encore le monde et parle déjà bien l’anglais. Elle se sent bien dans la garderie où elle a été admise. En ce qui concerne sa fille de 11 ans, elle a eu l’avantage d’avoir fréquenté la Clavis International Primary School, où l’anglais est la langue d’enseignement. Cela a favorisé son intégration à l’école au Canada. 

Nazeem Junggee souligne également que le Mauricien est assez ouvert en général et arrive à se faire des amis assez facilement. « Il y a aussi notre histoire qui fait que les gens se connectent rapidement. Le fait que l’on vienne d’une petite île dans l’océan Indien et que l’on connaisse un grand pays comme le Canada suscite de l’admiration. »

Son épouse Anousha et lui se sont installés dans un pays avec leurs compétences et expériences. Ce qui leur a permis d’obtenir rapidement du travail. « L’expérience de travail est extrêmement importante au Canada et cela ouvre la porte à diverses opportunités », dit-il. Et maintenant que la famille s’est installée, Nazeem Junggee n’a nullement le désir de rentrer à Maurice. Du moins, pas de sitôt.

Le quartier ne fait pas l’homme

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Ce n’est pas une localité qui change une personne, c’est elle qui a la possibilité de la transformer, affirme Nazeem Junggee.

Originaire de Camp-Levieux, Nazeem Junggee a grandi au sein d’une famille modeste. Sa mère était femme au foyer et son père, vendeur de pains. Malgré leur éducation limitée, ses parents l’ont grandement soutenu dans ses études. Après avoir terminé son cycle secondaire au St Mary’s College en 2003, il a commencé à travailler immédiatement comme graphiste au sein du journal Le Matinal. 

En 2007, il a reçu une bourse partielle pour fréquenter une école d’art privée à San Francisco grâce au soutien d’un oncle vivant en Californie. « Bien que j’aie dû retourner à Maurice en 2009 en raison de la crise économique, ces deux années aux États-Unis ont alimenté ma passion pour l’art et le design », dit-il. De retour à Maurice, avant de fonder sa propre entreprise en 2010, il a travaillé avec de grandes entreprises médiatiques en tant que designer, photographe et dans la production d’imprimés. 

Si certains de ses amis habitant le même quartier que lui ont mal tourné, Nazeem Junggee fait ressortir que ce n’est pas une région qui détermine le devenir des habitants. « Je me suis souvent entendu dire que c’est la région ou le quartier où on habite qui ‘gat zanfan’. » Il parle d’un stéréotype non fondé. Il en est la preuve. De même, plusieurs amis qui ont grandi avec lui mènent une vie correcte et ne sont pas pris dans les fléaux ou d’autres problématiques. « C’est trop facile de dire cela. Si tel était le cas, tous les enfants auraient pris un mauvais chemin », martèle-t-il.

Une région peut aussi produire des enfants qui brillent, insiste-t-il. « On ne peut pas jeter tout le blâme sur les fréquentations d’un enfant, en supposant qu’en gravitant autour de personnes qui fument, par exemple, qui consomment de l’alcool ou de la drogue, il fera forcément la même chose », fait-il comprendre. C’est aussi cela qui l’a incité à s’engager en politique pour essayer d’apporter un changement de mentalité dans le quartier, confie Nazeem Junggee.

Il en est convaincu : ce n’est pas une localité qui change une personne, c’est elle qui a la possibilité de la transformer. Il déplore cependant que trop souvent l’accent est mis sur les mauvais exemples et l’attention est focalisée sur les tragédies, au lieu de la réussite de certains qui, en dépit de la région où ils habitent, arrivent à percer.

Primé aux Salazar Awards

Cela fait seulement un an et demi qu’il s’est installé au Canada et déjà Nazeem Junggee a su faire montre de son talent à travers les Salazar Awards. Il s’agit d’un événement prestigieux présenté annuellement par « DesCan Vancouver » pour honorer les étudiants en design talentueux et inspirants de la Colombie-Britannique, au Canada. Établi en 1985 par « The Society of Graphic Designers of Canada » (GDC), les Salazar Awards sont devenus une plateforme significative pour les designers émergents.

Comme la plupart des étudiants, Nazeem Junggee a soumis son travail créatif et a été ravi d’être reconnu parmi tant de pairs talentueux. « C’est une revanche sur la vie, car à un moment, j’avais la capacité et une passion pour faire ce que je fais, mais faute de moyens financiers, notamment, je n’ai pas pu le faire aux États-Unis », confie-t-il. Ce chapitre de sa vie était ainsi resté inachevé.

Désormais, alors qu’il a repris le chemin des études, il ne peut se contenter de 97 points sur 100 pour un projet. « Je peux tout reprendre à zéro et concourir à nouveau. Cela peut sembler excessif, mais il se trouve que j’ai une grande détermination et je ne vais pas me satisfaire de notes moyennes. Je vise l’excellence. »

Nazeem Junggee ajoute que le travail qu’il a accompli pendant 10 ans à Maurice, et toutes les économies accumulées, leur donne la possibilité aujourd’hui de vivre au Canada et de faire face à la vie. « J’ai trop lutté pour avoir cet argent, je ne peux donc pas me permettre d’avoir un ‘B’ aux examens. Je mets ainsi beaucoup d’efforts dans tout ce que je fais. »

Remporter ce prix est aussi une satisfaction personnelle pour lui. « C’est un moment de fierté immense, surtout en venant d’un petit pays dont beaucoup de personnes au Canada n’ont même pas entendu parler. En tant que créatif, voir son travail reconnu est toujours un sentiment spécial. Je suis extrêmement concentré et déterminé à terminer mon baccalauréat, et cette reconnaissance me motive encore plus. » 

Âgé de 39 ans, il explique qu’il recevra son baccalauréat à 40 ans. Son message est le suivant : « Ne limitez pas votre vision ; voyez au-delà de l’horizon. Le monde est plein d’opportunités qui n’attendent qu’à être saisies. » 

Pour lui, il n’est jamais trop tard pour poursuivre ses rêves. « La vie peut être difficile, et il y a eu des moments où elle semblait injuste. Cependant, je me suis battu pour revenir et je n’ai jamais abandonné », dit-il. 

Il souligne également que le choix de son partenaire de vie est crucial. « Choisissez bien votre partenaire. Entourez-vous de personnes qui vous soutiennent et croient en vos rêves, car elles jouent un rôle important dans votre parcours vers le succès. » Selon lui, la persévérance et un bon système de soutien peuvent aider à surmonter n’importe quel obstacle.

Maurice en constante campagne électorale

Après son installation au Canada, Nazeem Junggee avoue qu’il s’était déconnecté des nouvelles mauriciennes pendant un certain temps, car « elles devenaient toxiques pour moi ». « La vie ici au Canada est belle, et se concentrer sur des choses que je ne peux pas changer semble inutile », ajoute-t-il. 

Prendre connaissance du récent Budget 2024-25 à Maurice n’a fait que confirmer sa décision de quitter le pays. « Il me semble qu’à Maurice, nous sommes constamment en campagne électorale. Les politiciens semblent toujours préoccupés par les stratégies qui leur permettront de garantir leur réélection », déplore-t-il. Cela se manifeste par des initiatives populistes et des annonces spectaculaires qui visent à attirer l’attention des électeurs, mais qui manquent souvent de substance et de suivi concret, observe-t-il.

Après une expérience en politique, Nazeem Junggee explique qu’il n’aurait pas aimé être candidat. « À ce stade de ma vie, j’ai tourné la page de la politique mauricienne. Bien que je sois content d’avoir essayé d’apporter du changement, le pays m’a, en fait, changé. Je suis content de ma décision de me concentrer sur ma famille et ma carrière ici au Canada. Je me sens paisible et je profite beaucoup mieux de la vie », affirme-t-il.

Il est cependant d’avis que la diaspora mauricienne devrait avoir la possibilité de voter. Mais il doute que beaucoup participeraient. « Mettre en place un système transparent et efficace pour une population si petite pourrait ne pas valoir l’effort et le coût », selon lui.

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