C’est sa deuxième défaite consécutive à des élections générales. En 2014, l’électorat du no 5 (Pamplemousses/Triolet), le fief de Navin Ramgoolam, avait massivement refuser d’élire le leader du PTr. Cette fois-ci, le roi lion a migré au no 10 (Montagne-Blanche/Grande-Rivière-Sud-Est). Mais le résultat a été le même : un rejet de l’électorat à son élection. Désormais, la question que se posent plus d’un est : Ramgoolam, quel avenir ?
Jean Claude de l’Estrac explique que dans les démocraties matures, la question ne se pose même pas. « Quand le leader d’un parti entraîne ses troupes à une défaite électorale, il cède la place, il s’en va. Quand, de plus, il est personnellement battu, il en tire les conséquences, il reconnaît qu’il n’est plus un atout pour son parti », affirme-t-il.
Selon l’observateur politique, ce principe n’a jamais été respecté par aucun de nos leaders politiques. « Je ne vois pas Navin Ramgoolam faire exception. Mais en revanche, les dirigeants du Parti Travailliste ne pourront pas faire l’économie d’une analyse politique, se posant la question de savoir si un Navin Ramgoolam, si fragilisé, si fatigué, si vieilli - il aura 78 ans en 2024 – devra encore conduire le parti aux prochaines élections. La question s’était déjà posée avant les dernières élections, mais les travaillistes restaient persuadés que l’héritage ramgoolamien était toujours un atout. Navin Ramgoolam en était sûr. Ils le sont peut-être moins aujourd’hui », poursuit notre interlocuteur.
Jean Claude de l’Estrac ajoute, par ailleurs, qu’il y aura aussi, sans doute, « une considération tactique ». « Les travaillistes et le MMM, tous deux dans l’opposition parlementaire pour cinq longues années, vont peut-être se rapprocher, malgré l’écorce PMSD. Et à la fin, possiblement une alliance électorale sans Navin et sans Paul ! Politique fiction ? Pas sûr ! » conclut-il.
Trilock Dwarka estime « qu’il s’agit beaucoup plus de la défaite du Dr Navin Ramgoolam que celle du Parti Travailliste, qui a payé le prix de ses propos déplacés comme de son style de vie à la tête de l’État mauricien ».
Ainsi, l’observateur précise que les rouges ont deux options. « C’est soit la descente aux enfers après une défaite accablante ou un début de redressement », soutient notre interlocuteur.
Même son de cloche chez l’observatrice Manisha Dookhony. « Une des raisons pourquoi le Parti Travailliste a subi une défaite, c’est à cause de Navin Ramgoolam. Une fois qu’il n’a pas été élu, il aurait dû step down et laisser la place à un nouveau dirigeant. Ce n’est pas parce qu’on s’appelle Ramgoolam qu’on doit rester leader », évoque notre interlocutrice.
Pour elle, les deux défaites consécutives du leader des rouges démontrent que l’électorat ne veut plus de lui. « C’est évident. Toutefois, à Maurice, il y a encore cette perception qu’on ne jette pas un leader. C’est un signal fort envoyé par l’électorat, qui n’est pas d’accord avec le leadership de ce parti », indique Manisha Dookhony. Désormais, c’est aux membres du PTr de décider qui ils veulent mettre en place car, dit-elle, « nul n’est irremplaçable » et que ce parti n’appartient pas à Navin Ramgoolam.
Elle précise cependant que le Parti Travailliste a toute une histoire et que la défaite de Navin Ramgoolam doit être matière à réflexion. « Il faut une réforme majeure au sein du parti, aussi bien que changer d’approche, pour inciter des jeunes à se joindre au PTr », lance cette dernière.
Manisha Dookhony est d’avis que l’électorat a évolué et veut du sang neuf sur l’échiquier politique. Elle cite l’exemple du MSM, qui a « eu le courage » d’aligner plus de néophytes, dont 23 ont été élus. « Si on veut construire un avenir, il faut en finir avec les dinosaures », souligne-t-elle.
Elle croit aussi qu’en sus de changer de leadership, qu’il faut également changer de philosophie pour attirer plus de jeunes, ainsi que des femmes, à se joindre au parti. « Il y a un devoir de changer d’approche, car c’est un fait qu’aujourd’hui, les jeunes se sentent aliénés avec la politique. Alors que les femmes, on ne les voit que pour des congrès pour femmes ou pour des dépôts de gerbes », déplore l’observatrice.
Shakeel Mohamed : «La question ne se pose pas»
La question de légitimité de Navin Ramgoolam comme leader du Parti Travailliste ne se pose pas. C’est ce qu’affirme Shakeel Mohamed. D’ailleurs, cela n’a pas été discuté. « On procède étape par étape », lance-t-il. Toutefois, il est prêt à assumer les « responsabilités » qui lui seront conférées par le parti. « Croiser le fer avec le Premier ministre du jour, cela m’intéresse », dit le député rouge.
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