Interview

Narendrakumar Boodhram, responsable du Passport and Immigration Office : «Depuis janvier, 62 clandestins ont tenté de passer la frontière»

Dans cet entretien, l’assitant surintendant de police Narendrakumar Boodhram annonce que le Passport and Immigration Office sera entièrement informatisé. Le but : lutter contre la clandestinité qui prend, selon lui, des proportions alarmantes. Il estime qu’il existe pas moins d’une centaine d’étrangers en situation irrégulière à Maurice.

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« J’admets que leurs allégations à l’effet qu’ils seraient victimes de trafic humain donnent froid dans le dos. »

Comment se porte le Passport and Immigration Office (PIO) ?
Tout se passe bien. Ces deux dernières années ont été marquées par de grands changements qui se sont opérés au niveau de la direction. Les officiers affectés aux différents départements sont plus motivés que jamais. L’essentiel reste l’esprit d’équipe. Contrairement aux idées reçues, le rôle du PIO ne consiste pas seulement à mettre un tampon sur les passeports.

Il existe plusieurs départements chargés d’effectuer une multitude de tâches. À commencer par la section Comptoir, où se font les enregistrements pour les demandes de passeport. Il y a aussi les sections Objection ; Production ; Livraison ; Informatique ; Résidents ; Occupational Permit ; Spouse ; Overseas Mission ; Visas ; Memo ; Administration et Tracking. Sans oublier la section Frontières, qui compte des officiers affectés au port et à l’aéroport. Il y a aussi un département du PIO, qui est basé à Rodrigues.

Quels sont les défis auxquels sont confrontés les officiers de l’Immigration ?
Un de nos plus grands défis est le contrôle des frontières, au port et à l’aéroport. Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls. D’autres pays y sont également confrontés. Au moment de vérifier les documents de ceux qui essaient de passer la frontière, nous devons nous assurer que ces derniers sont de bonne foi.

Pour ce faire, les officiers mènent un exercice de profiling. Le but étant de s’assurer que tout étranger qui souhaite entrer au pays ne fait l’objet d’aucune enquête d’Interpol ou d’une autre organisation internationale. Depuis le début de l’année, 62 clandestins ont tenté de traverser la frontière en présentant de faux papiers. Ces personnes, dont la plupart sont originaires d’Afrique de l’Est, ont été aussitôt rapatriées.

Pourquoi choisissent-ils Maurice ?
Je tiens d’abord à préciser que deux à six clandestins se font intercepter aux frontières chaque jour. Les instructions sont claires : le rapatriement immédiat est applicable à tout le monde, indépendamment de la nationalité.

Pour répondre à votre question, je dirais que Maurice est à l’Afrique ce que la Suisse est à l’Europe. Notre pays a connu de nombreux développements. Il est politiquement stable. Le secteur de la construction préfère la main-d’œuvre étrangère. Le gouvernement ouvre les portes aux investisseurs. Des campus universitaires poussent comme des champignons. Tous ces éléments impressionnent ces étrangers, qui voient alors Maurice comme un eldorado.

Le PIO a récemment mis la main au collet de quatre clandestins népalais. Il y a un mois, 40 étrangers, en séjour illégal, ont été arrêtés. Y a-t-il beaucoup de clandestins qui sont toujours dans la nature ?
Nous estimons qu’ils sont une centaine à Maurice. Nombre d’entre eux sont des pseudo-étudiants. Il y a aussi ceux dont les visas touristiques ont expiré mais qui continuent malgré tout à séjourner au pays. Nous invitons le public à dénoncer ces clandestins en appelant sur notre hotline. En attendant, les officiers de la cellule de renseignements du PIO sont sur le terrain et des opérations devraient bientôt avoir lieu. La Tracking Team du PIO prévoit bientôt d’effectuer des descentes.

Quelques mots sur les Occidentaux qui sont en situation irrégulière à Maurice ?
Selon nos recoupements, ils séjournent à Maurice avec des visas de touristes. Ils sont une vingtaine et d’origine française, suisse et belge. Leur présence au pays a été répertoriée dans notre système informatique. On ne connaît pas les raisons exactes pour lesquelles ils séjournent de manière illégale à Maurice. Certains ont décroché un emploi dans le circuit hôtelier et d’autres vivent en concubinage. Mais ce phénomène est mondial. Beaucoup de Mauriciens sont rapatriés pour avoir vécu en situation irrégulière dans un autre pays. 

Votre avis sur les allégations de trafic humain formulées par les ouvriers népalais ?
J’admets que leurs allégations à l’effet qu’ils seraient victimes de trafic humain donnent froid dans le dos. L’affaire a été transmise au Central Criminal Investigation Department et le PIO n’a pas son mot à dire. Je tiens à faire ressortir que les officiers du PIO n’ont pas de sixième sens pour déterminer si un étranger fait l’objet d’un trafic au moment où il entre au pays. Dans le cas des ouvriers népalais (NdlR : arrêtés en situation irrégulière il y a un mois), leurs papiers ne comportaient pas d’anomalies. Nous avons donc tamponné leur passeport.

Quelles sont les solutions pour lutter contre la clandestinité ?
Pour réduire le nombre de clandestins au pays, il faut un changement en profondeur aux abords des frontières. Nous envisageons d’adopter l’Advance Information System et le Passenger Name Record System. Deux systèmes qui ont fait leurs preuves à l’étranger. Ils permettent aux services de l’immigration de savoir les antécédents de tout passager, autochtone ou pas, avant qu’il ne mette les pieds à Maurice.

Et dans la pratique ?
Nos confrères postés dans les départements de l’immigration de divers pays nous enverront tous les jours une liste des passagers qui sont sur le point de fouler le sol mauricien. Nous étudierons le profil de tous les étrangers. Les personnes suspectes ne seront pas autorisées à passer la frontière. Ce système nous permet d’annuler le vol de tout passager suspect.

Quand ce mécanisme sera-t-il opérationnel ?
Nous avons longuement médité sur ce projet. Cela fait deux ans que nous y pensons. Nous espérons le mettre en pratique d’ici la fin de l’année. Je le répète, l’Advance Information System et le Passenger Name Record System ont déjà fait leurs preuves dans d’autres pays.

Croyez-vous que ce soit la meilleure façon de lutter contre la clandestinité ?
Nous travaillons sur un autre projet. Il consiste à connecter les cartes SIM des étrangers au serveur du PIO. La connexion se ferait par le biais de leur passeport, lorsqu’ils achèteraient les cartes auprès des compagnies de téléphonie mobile. Lorsque l’étranger quitte le pays, la carte est immédiatement détruite. Cette méthode permettrait aussi à la police de retracer les conversations qu’ils ont eues s’ils étaient à Maurice pour des activités illégales. Des pourparlers sont en cours avec des entreprises en vue de concrétiser ce projet.

Parcours

L’assistant surintendant de police Narendrakumar Boodhram, âgé de 47 ans, est père de trois enfants. Il a fait ses débuts dans la police au sein de la Special Mobile Force. Il y a passé quatre ans. Il a ensuite été muté à l’Helicopter Squadron, où il a été pilote pendant 13 ans. En 2007, il a été catapulté à la Western Division, puis à la Southern Division en 2008.

De 2010 à 2015, il a été responsable du port. Depuis deux ans, il est responsable du Passport and Immigration Office. Narendrakumar Boodhram détient un BSc in Law with Management de la London School of Economics & Political Science. Il est aussi détenteur d’un MSc in Security and Risk Management de l’université de Leicester.

 

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