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Nando Bodha : «Rater 2024 condamnerait le pays à une décadence terrible»

Le leader du Rassemblement Mauricien souhaite un grand rassemblement des partis de l’opposition parlementaire et extra-parlementaire, ayant pour ambition d’apporter des changements fondamentaux en vue d’un avenir prospère et inclusif pour le pays. Cependant, il refuse catégoriquement une intégration de son parti seul au sein de l’alliance PTr-MMM-PMSD. Nando Bodha jette également un regard très critique sur la situation actuelle au Parlement.

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Pourquoi avez-vous décidé de contester le renvoi des élections municipales ? Et envisagez-vous de porter finalement l’affaire devant le Privy Council à la suite du rejet de votre motion par la cheffe juge Rehana Mungly-Gulbul le 16 juin ? ?
Nous vivons dans une démocratie... « Mauritius is a democratic and sovereign state ». Le droit de vote est sacré, tout comme l’obligation d’organiser des élections free and fair à chaque échéance. Le report des élections municipales est une violation de la démocratie. Pravind Jugnauth a agi comme un dictateur en privant les citoyens de la ville de leur droit, et cela sans aucune raison valable. Il n’a pas le droit de le faire. 

Le Rassemblement Mauricien (RM) a décidé de contester le report des élections municipales. La motion a été rejetée en Cour suprême, en première et deuxième instance. Nous avons alors porté l’affaire devant le Privy Council le 5 juillet, selon une procédure recommandée par Me Kailash Trilochun. Nous avons demandé un traitement d’urgence et rapide car il en va de l’essence même de notre démocratie. Pour information, le cas de Trinidad et Tobago a obtenu un jugement final du Privy Council en six mois.

C’est mon devoir d’aider à mettre en place une nouvelle génération de leaders politiques»

Votre parti, le RM, fait désormais équipe avec Linion Pep Morisien (LPM). Pourquoi entrer en alliance avec ce parti ?
LPM et le RM partagent les mêmes principes et idéologies pour «Maurice de Demain». L’heure est grave, notre patrie souffre d’un régime attaché au pouvoir et non pas au service de la nation. 

LPM et le RM travaillent ensemble sur un programme, contrairement aux autres qui s’acharnent autour des positions d’une éventuelle coalition. Notre vision est claire : le pays doit respirer. Le changement radical, c’est nous. 

Après 50 ans d’indépendance, le peuple a besoin d’un nouvel État et d’un nouveau projet de société. Il existe une belle synergie entre nos deux partis, et nous travaillons en équipe et dans le respect mutuel. La nouvelle génération exige un changement profond du système et du leadership à la tête du pays.

LPM a aussi approché le Reform Party de Roshi Bhadain. Seriez-vous en faveur d’une alliance entre LPM, le Reform Party et le RM ?
Nous voulons rassembler toutes les forces politiques, que ce soit parlementaires ou extra-parlementaires. Au niveau de LPM, c’est le même sentiment. Cependant, toute alliance devrait de faire dans le respect, le partage et dans l’intérêt de la population. L’essentiel est de créer un programme commun qui sera un document avec un engagement sacré.

Qui, dans ce cas, devrait être candidat au poste de Premier ministre ? Vous aviez dit, le 5 mai dernier, que vous étiez prêt à éventuellement partager le fauteuil de Premier ministre avec lui. Or le Reform Party a fait un sondage la semaine dernière selon lequel une forte majorité serait en faveur de Roshi Bhadain comme unique Premier ministre en cas d’alliance LPM-RM-Reform Party.
C’est la méthode Roshi. Je l’ai vu à l’œuvre en tant que candidat, ministre, député et dans l’Espoir. Je sais, nous savons, de quoi il est capable. Le reste c’est sans commentaire.

L’Espoir était la locomotive idéale pour évincer Pravind Jugnauth et apporter un vrai changement»

Mais l’éventualité d’un Prime ministership partagé reste d’actualité ?
Il faut qu’on arrive à trouver une formule dans le respect et le partage. Le programme compte avant tout. Nous avons besoin d’hommes de bonne volonté qui travailleront en équipe avec un objectif précis pour le bien de la population. Personne ne souhaite qu’il y ait de rupture. La loyauté, l’humilité et l’esprit de solidarité sont essentiels.

Votre parti était engagé dans les négociations entre le PTr-MMM-PMSD et vous n’en faites plus partie à la suite des raisons que l’on connaît. Aujourd’hui, quel regard jetez-vous sur les pourparlers entre ces trois partis ?
Pour moi, l’Espoir était la locomotive idéale pour évincer Pravind Jugnauth et apporter un vrai changement. Je dois avouer qu’en novembre de l’année dernière, lorsque Paul Bérenger m’a proposé de participer aux négociations, j’avais catégoriquement refusé.  Je suis ravi de l’avoir fait,  car sinon le RM et moi aurions galéré pendant sept mois en attendant le bon vouloir de Ramgoolam, alors que le pays est en crise et en état d’urgence. On connaÎt leurs priorités, ils sont encore en train de débattre de leur programme ! (NdlR, entretien réalisé avant la concrétisation de l’alliance PTr-MMM-PMSD)
Je le répète, je ne vois pas Ramgoolam diriger une alliance gagnante, et encore moins apporter les changements profonds que le peuple et la nouvelle génération attendent. Il y a deux ans, Paul Bérenger disait, et je cite, « Ni Pravind Ni Navin, li dan le pays sa ». Paul Bérenger a changé, mais  ni Navin ni Pravind, sa volonte-la, li touzour dan pei, et je dirai même encore plus fort.

Pensez-vous qu’une alliance PTr-MMM-PMSD peut tenir la route ?
Je ne crois pas qu’une formule du passé puisse changer l’avenir. Nous sommes à la fin d’un cycle de 50 ans que nous ne pouvons pas prolonger jusqu’en 2029. Nous savons qu’à l’intérieur des trois partis, beaucoup ne sont pas d’accord avec cette formule. Attendons de voir la suite des événements. 

Une alliance est faite pour durer. Toute rupture serait un traumatisme pour le peuple et le pays. Qu’est-ce qui va se passer entre Ramgoolam et Bérenger, le temps nous le dira ! Ma

is, il y a urgence... Rater 2024 condamnerait le pays à une décadence terrible. Nous ne pourrons pas nous relever de l’état de mafia, de l’économie de la drogue, de la fuite des cerveaux de nos meilleurs talents, de la corruption de toutes nos institutions et de la mort de notre démocratie.

Êtes-vous prêt à réintégrer cette alliance ?
La réponse est non. Par ailleurs, ce n’est pas une question d’alliance mais de programme et de volonté réelle de changement.

Seriez-vous en faveur d’un front commun des partis de l’opposition parlementaire et extra-parlementaire, d’autant que chacun promet plus ou moins la même chose c’est-à-dire une refonte totale du système ?
C’est ce que nous proposons et c’est notre cheval de bataille. Il faut se débarrasser de ce gouvernement à tout prix ! Nous sommes en communication avec toutes les formations politiques, y compris parlementaires, de l’opposition pour un grand rassemblement, et là, le LPM et le RM forment une fondation solide sur laquelle on peut bâtir une « Dream Team » avec les compétences, la conviction et le sens du devoir. 

Nous savons aujourd’hui qu’une grande majorité de la population ne se retrouve pas dans les partis traditionnels. Ils ne veulent pas non plus du leadership actuel, d’où la vague « Ni Navin Ni Pravind ». Il nous appartient de proposer une alternative pour un nouveau cycle politique. 

Nous, au LPM et au RM, proposons résolument cette alternative qui garantira le vrai changement radical. Notre mission... Agir avec intégrité, honnêteté, égalité et méritocratie. Si l’on va vers une bataille à trois, il faut que ce soit une alternative avec un leadership, un programme qui fait rêver, et c’est le peuple qui choisira.

C’est une caricature tragique du parlement»

Une des interrogations au sein de la population est : peut faire du neuf avec du vieux ? Les principaux leaders politiques aujourd’hui, tels que vous, ont évolué dans le système actuel depuis plusieurs décennies. Quelle est donc la garantie que vous pourriez amener un réel changement en profondeur ?
J’ai servi sous quatre premiers ministres et j’ai beaucoup appris. Et j’ai beaucoup à partager. C’est mon devoir d’aider à mettre en place une nouvelle génération de leaders politiques. Nous sommes à la fin d’un cycle, il faut passer le flambeau. D’ailleurs, au niveau du RM et du LPM, nous avons une équipe d’hommes et de femmes avec beaucoup d’expérience et de compétence, ainsi que ce feu sacré qui anime les patriotes. Cela crée une belle synergie et de nouvelles personnalités et des soldats souhaitent adhérer à notre combat.

La performance du King’s Counsel (KC) Timothy Straker lors de l’appel de Suren Dayal devant le Privy Council lundi a été diversement commenté. Que pensez-vous de la stratégie adoptée ?
Premièrement, c’est une bonne chose que le Privy Council soit notre Apex Court. Nous réalisons aujourd’hui combien c’est précieux, car il en va de la crédibilité de notre système judiciaire et de notre démocratie basée sur la séparation des pouvoirs. L’État de droit est la fondation essentielle pour la survie même de notre démocratie, et encore plus avec tout ce qui se passe aujourd’hui, avec à la tête un État Mafia. 

Je ne souhaite pas me prononcer sur la qualité des plaidoiries et la pertinence des arguments avancés. Cependant, en laissant tomber un certain nombre de « grounds of appeal » et en se concentrant uniquement sur des arguments de « Briber » et « Treating », le KC Timothy Straker a quelque peu affaibli son cas. 

Je suis également confiant que les Law Lords vont profiter de ce cas pour établir les guidelines et redéfinir les responsabilités de toutes les institutions, de sorte que les prochaines élections puissent se dérouler dans les meilleures conditions. Des élections free and fair sont des éléments vitaux pour notre système démocratique.

En tant que parlementaire d’expérience. Quel est votre opinion sur ce qui se passe au Parlement ?
Le Parlement a perdu sa dignité et ses lettres de noblesse. La suspension et « The Naming and Shaming » sont pratiqués à chaque séance pour museler l’opposition parlementaire, qui constitue pourtant la voix du peuple. C’est une caricature tragique d’un Parlement qui a été pourtant une des Assemblées nationales les plus augustes pendant si longtemps.

Il faut revoir complètement les Standing Orders et le fonctionnement même de l’Assemblée nationale pour répondre aux enjeux et aux exigences d’une démocratie parlementaire 50 ans après l’Indépendance. La nomination du Speaker devrait se faire par l’unanimité de la Chambre. En tenant compte du modèle du Rajya Sabha de l’Inde, je propose que le poste du vice-président de la République et celui de Speaker soient cumulés par une personne qui ferait honneur au pays et qui serait le symbole solennel du Parlement.

Y a-t-il un recours pour rétablir une stabilité au Parlement ?
Nous allons vers un véritable désastre et un naufrage parlementaire de nos valeurs. L’incident du jeudi 13 juillet, où le Speaker a demandé qu’on me coupe la parole alors que je proposais que le transport en commun soit gratuit pour tout le monde indistinctement sur le plan national lors du débat sur le Road Traffic Amendment Act, est choquant, inacceptable et déraisonnable car je n’étais pas hors sujet. En tant qu’ancien ministre des Transports, je traitais d’un élément essentiel du Road Traffic Act car ce sujet de transport gratuit concerne pas moins de 500 000 personnes par jour.

Les exemples de décisions arbitraires sont nombreux, les suspensions des députés de l’opposition sont scandaleuses, et il est temps que les élections générales arrivent pour mettre fin à cette tragédie et redonner au Parlement toute sa grandeur. On a eu recours à la Cour suprême. Les députés Boolell et Mohamed l’ont fait, et il est clair que c’est la Constitution qui est suprême. Nous devons revenir chaque fois que c’est nécessaire vers le judiciaire.

 

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