Ce professionnel des medias est d’avis que la télé normale est dépassée, ce sont les réseaux sociaux qui dominent.
Nanda Armoogum, comment avez-vous atterri à l’ABU en Malaisie ?
Cela fait suite à un appel à candidatures qu’avait lancé l’ABU au niveau international. Ce poste m’a été proposé en septembre 2014. J’étais à l’époque directeur de l’Information à la MBC. J’ai accepté cette offre. Cela constitue en quelque sorte le couronnement de ma carrière audiovisuelle à Maurice, longue de presque trente ans.
Était-il facile pour vous d’abandonner votre poste de directeur de l’Information à la MBC à trois mois des élections générales ?
Evidemment, la conscience professionnelle prime sur toute autre chose. En acceptant l’offre de l’ABU, il fallait signer le contrat le plus rapidement possible. J’en avais informé le directeur général, Dan Callikan. Je lui ai précisé que j’assumerais mes responsabilités jusqu’à la fin des élections, car je ne prendrais mon nouveau rôle en Malaisie qu’à partir du 1er janvier 2015. A ce moment-là, la date des élections générales n’était pas encore annoncée, mais les spéculations allaient bon train que ce serait avant la fin de l’année. On est arrivé à un accord à l’amiable et j’ai quitté la MBC au début d’octobre 2014.
C’est quoi l’ABU ? Quel est son rôle ?
L’Asia-Pacific Broadcasting Union (ABU) est la plus grosse organisation audiovisuelle au monde ayant 280 membres dans 72 pays. C’est une immense plateforme qui permet d’atteindre 3,5 milliards d’auditeurs et de téléspectateurs. Créée en 1964 pour promouvoir le développement audiovisuel dans la région Asie-Pacifique, elle est très sollicitée aujourd’hui auprès de ses consœurs comme l’European Broadcasting Union (EBU), la North American Broadcasting Association (NABA), l’Arab States Broadcasting Union (ASBU), la Carribean Broadcasting Union (CBU) et l’African Union of Broadcasting (AUB). L’ABU joue également un rôle prépondérant au sein de l’Association of International Broadcasting (AIB) ainsi que de la World Broadcasting Union (WBU).
Concernant la radio, la FM est considérée comme n’étant plus viable»
Quels sont les pays fondateurs de l’ABU ?
Les pays fondateurs de l’ABU sont l’Australie, le Japon, la Chine, la Corée du Sud, l’Inde, la Nouvelle Zélande et l’Iran. Ses ‘statutes’ ont été par la suite amendés permettant à des organisations hors de l’Asie-Pacifique à devenir membres associés. C’est ainsi qu’elle compte trois membres à Maurice, notamment la MBC, la Multi-Carrier Ltd (MCML) et Radio Plus. Parallèlement, de grosses organisations telles que la CNN, la BBC, l’Al Jazeera, et France Medias Monde y sont membres.
Le président par interim de l’ABU est Supriya Sahu, directrice générale de Doordarshan-Inde, et deux des trois vice-présidents sont Kyoichi Ueda, président de la NHK-Japon et Shu Yusheng, président de la CGTN-Chine. Le secrétaire général est le Dr Javad Mottaghi, d’origine iranienne.
L’ABU c’est aussi l’Asiavision, une plateforme d’échange de sujets d’informations sur une base quotidienne opérant à travers le ‘Cloud Computing’. La CNN et l’EBU se procurent des reportages à travers un contrat qu’elles renouvellent avec l’ABU chaque deux ans.
Comment se porte le secteur audiovisuel à travers le monde ?
La technologie, le contenu et les nouvelles habitudes des auditeurs et téléspectateurs ont transformé de fond en comble le secteur audiovisuel à travers le monde. Sur le plan technologique, l’analogue c’est du passé. La télévision numérique (DTV) se retransmet sur DVB T2 (Digital Video Broadcasting – Second GenerationTerrestrial ) – une plateforme qui permet d’avoir plus de chaînes et une meilleure qualité de son et de l’image avec le ‘Channel Coding’. Vient ensuite la technologie 4K - 4K Resolution ou la 4K UHD avec une résolution de 3840×2160 pixels, quatre fois supérieures à la Full HD.
Va-t-on vers la télé virtuelle ?
Le rêve est le 8K UHD TV – un téléviseur Ultra High Definition qui n’est pas encore commercialisé sur une grande échelle. Regarder la télévision comme si vous y étiez – d’où la promotion de cette invention spectaculaire. Les ingénieurs japonais à présent peaufinent cette technologie. Les tests ont déjà été successivement effectués dans plusieurs villes du pays du soleil levant. 8K concerne une ‘résolution horizontale’ de 7680 pixels et est deux fois plus supérieures que la 4K UHD et 16 fois que la Full HD. Vous vous rendez compte que c’est la télévision publique du Japon (Nippon Hoso Kyokai -NHK) qui est derrière cette invention. Leur projet c’est de diffuser les Jeux Olympiques de 2020 de Tokyo complètement en 8K.
Une autre tendance ?
L’autre tendance c’est OTT (Over-The-Top).C’est différent de l’IPTV (Internet Protocol TV). L’OTT, comme son nom l’indique, est proposé par-dessus des infrastructures de transmission existantes. Il suffit d’être connecté à l’internet pour recevoir les programmes. L’exemple c’est Netflix, Hulu, HOOQ et Iflix.
Concernant la radio, la FM est considérée comme n’étant plus viable. On préfère la radio numérique. L’année dernière, la Norvège a mis fin à toutes ses retransmissions sur FM et s’est penchée en faveur de la technologie dite Digital Audio Broadcasting ou DAB+. Cela permet de diffuser sur plus de chaînes, éviter les zones d’ombre et une meilleure qualité de son. La radio numérique est aussi équipée d’un petit écran tactile qui donne des informations sur la météo, l’embouteillage et quelques ‘breaking news’.
Vous disiez que le contenu devient de plus en plus important ?
Le contenu aujourd’hui dicte les règles du marché. Non seulement les boîtes de production mais également certaines télévisions même publiques brassent des milliards avec leurs soaps et séries. Game of Thrones et The Walking Dead en sont la preuve. Idem en Asie avec Tokyo Trial (2016). Vous pensez que Priyanka Chopra est bête d’avoir décidé de prendre un long congé de Bollywood pour s’aventurer à Hollywood avec Quantico 1 et 2 ? Il est impératif pour que la télévision publique se réinvente le plus rapidement possible. La technologie, la formation et la créativité sont les seuls moyens pour arriver à ce niveau.
Ainsi, la télévision n’est plus la seule plateforme où on consomme le produit audiovisuel ?
Évidemment ! L’Internet est plus puissant que la télévision. C’est le réseau des réseaux. On regarde un film, une série ou des informations n’importe où, à n’importe quelle heure et sur la plateforme de notre choix. Outre l’Internet, le téléphone portable, les iPads, les tablettes et même les réseaux sociaux comme FaceBook et Instagram grignotent chaque jour l’audience de la télévision. Les opérateurs doivent réajuster leur production et programmation. C’est la priorité de toutes les chaînes de télévision publique et privée. La TRT de Turquie, la NHK du Japon, la Doordarshan de l’Inde et la Thai PBS de Thailande ont toutes un plan quinquennal face à ces défis.
Donc, c’est clair que la télévision n’est plus ce qu’elle était. Tous les ‘electronic devices’ sont aujourd’hui complémentaires. S’asseoir dans le salon et passer des heures devant la télévision, ce temps est révolu.
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