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Moulin à Poudre : tristes, tristes ruines

Le ministère de la Santé avait pour projet de rénover le site et de le transformer en centre de formation. Les appels se font pressants pour la sauvegarde de ce site historique.
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Des appels se font pressants pour la sauvegarde du Moulin à Poudre de Pamplemousses. Bien que la tour soit classée patrimoine national, le site a été transformé en dépotoir, sans compter qu’il est en état de décrépitude avancé.

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Toutes sortes de débris jonchent le sol, notamment des vieux matelas et des meubles cassés.

Les jours où le Moulin à Poudre de Pamplemousses se dressait majestueusement au cœur de l’ancien domaine des Forges de Mon Désir sont révolus. Aujourd’hui, ce bâtiment datant de 1745, dont la tour figure sur la liste des patrimoines nationaux, est non seulement dans un état de décrépitude avancé, mais il sert également de dépotoir pour les débris de l’hôpital du Nord.

Les photographies récemment partagées par le Dr Sarah François, qui ont suscité l’indignation sur les réseaux sociaux, témoignent de cette triste réalité. Face à l’ampleur des réactions, elle appelle à la sauvegarde de ce monument historique.

« Pendant mon enfance, l’évocation de la léproserie du Moulin à Poudre par les adultes éveillait mon imagination, oscillant entre la terreur et le pittoresque », se souvient-elle. Elle se rappelle également les mentions de l’Observatoire « Royal Alfred », autrefois situé là où se trouve maintenant l’Hôpital du Nord. « Ces récits nourrissaient mes rêveries d’enfant et d’adolescente, peuplant ce bois mystérieux de scènes du passé, entre l’activité des forges et les promenades des patients de la léproserie, encadrés par les religieuses-infirmières. »

Dans la bibliothèque de sa grand-mère, un ouvrage captivait particulièrement le Dr François : l’essai de toponymie mauricienne de Walter Hart, conservateur du Musée de Port-Louis et père du poète national Robert Edward Hart. « Il offrait des explications sur l’origine des noms de lieux à Maurice. J’y ai appris que le Premier ministre du Roi de Kandy, le Prince Eyhelepola, avait passé son exil politique non loin de là, un monument funéraire en bordure de route commémorant sa mémoire. J’ai également découvert que le Moulin à Poudre avait servi de tribunal de district pour Pamplemousses. Ces faits ajoutaient une touche ‘gothique’ à ce coin boisé du Nord, près de la Rivière Citron et du canal serpentant à travers bois, fourrés et champs depuis Beau-Plan », relate-t-elle. 

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Les lieux servent de dépotoir pour les débris de l’hôpital du Nord.

À l’exception de la tour du XVIIIe siècle, qui faisait partie du complexe des forges puis du moulin à poudre, le style « gothique » - ou plutôt, une version sans cesse revisitée et adaptée aux besoins de l’architecture coloniale de l’ère victorienne – prédomine dans ce qui reste des bâtiments. Cependant, le Dr Sarah François pense qu’il serait plus juste désormais de parler de ruines. « Oui, ce sont des ruines néo-gothiques que celles du Moulin à Poudre, qui subissent depuis les années 80 l’incurie, teintée de mépris, d’une administration indifférente », se désole-t-elle.

Elle raconte que la rumeur leur était parvenue que les bâtiments du Moulin à Poudre servaient récemment de dépotoir pour le matériel médical et clinique usagé de l’hôpital voisin. « C’est avec colère et douleur que des amis et moi-même avons constaté l’état de dégradation avancée des bâtiments, auquel s’est ajoutée la nouvelle affectation comme dépôt d’ordures. Les lits d’hôpitaux usagés sont entassés négligemment, tandis que des appareils médicaux cassés jonchent le sol. Les toits des deux ailes parallèles se sont effondrés par endroits et les étages sont devenus presque inaccessibles : il serait d’ailleurs dangereux de tenter d’y accéder. Combien de temps encore avant que les murs ne s’écroulent ? Et avec eux, plusieurs pans de notre histoire… » s’indigne-t-elle.

Pourtant, souligne le Dr Sarah François, des propositions pour rénover et réhabiliter le Moulin à Poudre existent. « Il est évident, face à un tel état des lieux, que même si les autorités en avaient connaissance, elles ne leur ont jamais accordé l’attention sérieuse et constructive nécessaire. Au-delà de l’indignation légitime et des réflexions mélancoliques que la situation peut susciter, nous concluons qu’il est urgent que toutes les bonnes volontés se mobilisent pour la sauvegarde in extremis des bâtiments du complexe du Moulin à Poudre », exhorte-t-elle.

Le site sera nettoyé, assure le National Heritage Fund 

Le Dimanche/L’Hebdo a sollicité Shivajee Dowlutrao, officer-in-charge du National Heritage Fund (NHF). « En effet, nous avons pris connaissance de ce cas », confirme-t-il.

Il explique que des officiers ont été envoyés sur place pour une visite. « Nous faisons le nécessaire avec le ministère de la Santé pour nettoyer le site », assure Shivajee Dowlutrao. 

Qu’en est-il de la rénovation du site ? L’officer-in-charge du National Heritage Fund rappelle que le ministère de la Santé avait un projet de réhabilitation du bâtiment pour en faire un centre de formation. « Mais nous ne savons pas où en est ce projet. »

Nous avons sollicité le ministère de la Santé à ce propos. Cependant, nous n’avons reçu aucune réponse.

Ce que dit le National Heritage Fund Act

Toute personne qui, de manière illégale :
(a) modifie, endommage, détruit, défigure, creuse, déplace, change, recouvre, dissimule ou d’une autre manière défigure un patrimoine national ;
(b) enlève une partie d’un patrimoine national ; ou
(c) contrevient autrement à cette loi, commet une infraction.
Toute personne coupable d’une infraction en vertu de cette loi sera, sur déclaration de culpabilité, passible d’une amende ne dépassant pas Rs 100 000 et d’une peine d’emprisonnement ne dépassant pas deux ans. 

SOS Patrimoine a alerté les autorités

Ayant pris connaissance de la dégradation du site, Thierry Le Breton de SOS Patrimoine affirme que les autorités ont été alertées. Il n’y a eu aucun retour, regrette-t-il : « Malgré nos démarches, telles que l’envoi d’une lettre au ministère et au NHF, nous n’avons reçu aucune réponse. »
Il souligne que la Tour du Moulin à Poudre est un patrimoine national, partagé selon la loi et considéré comme un bien collectif appartenant à tous les Mauriciens. « Le principe de la classification du patrimoine est fondamental, et il est consternant de voir le gouvernement lui-même traiter de cette manière des monuments protégés par la loi », s’indigne-t-il. 

Le traitement infligé à ce site, notamment à la tour qui est classée, est « choquant », affirme-t-il. « Il est crucial de comprendre que dans le cadre du patrimoine, l’évaluation du site patrimonial ne se limite pas seulement à la tour classée, mais englobe également l’ensemble du bâtiment non classé dans le périmètre immédiat. Cela permet une interprétation globale du site, assurant ainsi sa cohérence et mettant en valeur sa richesse culturelle et historique », fait-il ressortir.

Thierry Le Breton insiste sur l’importance de préserver ce bijou du patrimoine national, comme un joyau dans son écrin. « Tout comme on prendrait soin d’un bijou en s’assurant que son écrin est en bon état, il est primordial de garantir la protection et la préservation de ce patrimoine classé. La dégradation de ce dernier est inacceptable et constitue une insulte envers la nation mauricienne et son histoire », exprime-t-il avec force.

Il rappelle que la dégradation d’un patrimoine classé est passible d’une amende pouvant aller jusqu’à Rs 100 000 et que « cela peut être considéré comme un acte criminel relevant du domaine pénal ». Pour Thierry Le Breton, il est urgent d’« agir pour mettre fin à cette dégradation et protéger notre patrimoine national pour les générations futures ».

Remontons le fil de l’histoire

Située au cœur de l’ancien domaine des Forges de Mon Désir, à Pamplemousses, la Tour du Moulin à Poudre se dresse majestueusement. C’est un joyau historique qui témoigne de l’époque florissante de l’industrie métallurgique à l’île Maurice.

Construites en 1745 sous le patronage du gouverneur Labourdonnais, les Forges de Mon Désir étaient autrefois un centre vital de production de fer et de fonte. Avec ses hauts fourneaux alimentés par les vastes étendues boisées environnantes, l’établissement employait près de 790 esclaves et contribuait grandement à la construction des fortifications à travers l’île entre 1752 et 1759.

Après des années de prospérité, les forges ont commencé à décliner dans les années 1760, jusqu’à être saisies par les créanciers en 1772. C’est alors qu’en 1776, la Tour du Moulin à Poudre a été érigée pour remplacer l’ancien moulin à poudre de la Baie-aux-Tortues, qui avait tragiquement explosé.

En 1776, un moulin à poudre fut aménagé dans les bâtiments des Forges de Mon Désir dans le quartier de Pamplemousses. Il fut partiellement détruit par un incendie en 1779. L’île Maurice doit à François Cossigny de Palma, le secret de la préparation de la poudre à canon en la gardant humide, ce qui évita par la suite tout accident qui avait entraîné précédemment la mort d’hommes. 

Lors de la prise de l’île par les Anglais en 1810, le Moulin à Poudre fut le témoin de quelques escarmouches. En 1814, accusé de malversation, le prince cinghalais Eyhelepola Wijesoondra, Premier ministre du dernier roi de Kandy (ancienne capitale du Sri Lanka) se révolta et aida les Anglais à conquérir le royaume. Pour avoir ourdi ce complot, il fut arrêté et envoyé en exil à l’île Maurice en 1825 avec quelques autres rebelles. Il séjourna au Moulin à Poudre, dans les bâtiments devenus prison d’État en 1823, tout en étant libre de ses mouvements. Il mourut le 4 avril 1829 et son corps fut incinéré au Morcellement Saint André. Un petit monument est élevé à sa mémoire au Moulin à Poudre au milieu d’une forêt ombragée, non loin d’une route très fréquentée, menant à Beau-Plan.

Pendant près d’un siècle, de la fin du XVIIIe siècle jusqu’en 1810, le Moulin à Poudre de Pamplemousses était le principal fournisseur de poudre à canon de l’île, employant près de 900 esclaves. Au fil des années, le site a revêtu de multiples fonctions, devenant tour à tour un hôpital, une prison d’État, un pénitencier, une caserne militaire, un orphelinat, un tribunal, une maison de correction et même une léproserie.

En 1951, la reconnaissance officielle de son importance historique a conduit à son classement en tant que patrimoine national, préservant ainsi son héritage pour les générations futures. Aujourd’hui, la Tour du Moulin à Poudre continue d’inspirer et d’émerveiller les visiteurs, les transportant à une époque révolue de l’histoire mauricienne. 

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