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Mosadeq Sahebdin : «Le panier de la ménagère a gonflé de plus de Rs 3 000»

Quand on en vient à la question de protection des consommateurs, le constat est accablant en cette fin d’année, s’inquiète Mosadeq Sahebdin. La nouvelle loi promise se fait attendre… depuis 15 ans, martèle le porte-parole de la Consumer Advocacy Platform (CAP). Dans cet entretien, il juge « inacceptable » et « incompréhensible » le maintien du prix de l’essence malgré la tendance baissière du baril du pétrole sur le marché mondial. Il estime que le gouvernement a la capacité de baisser les prix par au moins Rs 15 sur le litre. 

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2022 a été marquée par la flambée des prix des aliments, mais aussi du carburant. Comment les consommateurs en ont-ils été affectés ?
Comme l’a confirmé Statistics Mauritius, l’inflation était à plus de 10 %. Ce qui est une indication claire de l’effritement du pouvoir d’achat des consommateurs. Dans la pratique, les consommateurs ont dû subir une flambée des prix sans précédent affectant tous les produits de consommation. Le panier de la ménagère a subi une augmentation de plus de Rs 3 000. Le prix du poulet a flambé, passant de Rs 85 à Rs 115 les 500 grammes. Même le poisson a subi une hausse de prix, sans oublier les vêtements. À titre d’exemple, une chemise qui se vendait à Rs 425 coûte désormais Rs 595. Tout mettre sur le compte de la guerre en Ukraine est devenu tendance. Selon les chiffres officiels, plus de 44 % des employés travaillant dans la grande distribution perçoivent moins de Rs 12 000 par mois. En sus, alors que le secteur bancaire et celui des assurances continuent à engranger des profits énormes, plus de 2 % des travailleurs de ces secteurs se trouvent parmi les moins payés. Ce sont ceux-là qui sont les plus impactés par la hausse perpétuelle des prix. 

Pour de nombreux observateurs, les commerçants ont tiré profit de la flambée des prix, poussant même la State Trading Corporation (STC) à entrer sur le marché. La STC doit-elle poursuivre ses interventions ?
L’intervention de la STC sur divers marchés a eu l’effet de contraindre certains importateurs, dont ceux de l’huile et du lait en poudre, à revoir leurs prix à la baisse. Mais, il est certain que les consommateurs n’ont pas tous bénéficié des prix avantageux qu’offre la STC sur des produits ciblés, ceux-ci n’étant pas disponibles dans de nombreux points de vente. Il faudra une enquête de la Competition Commission pour déterminer s’il y eu refus de vente de la part de certaines grandes surfaces ou incapacité de la STC de fournir le marché.  

Les chefs de famille sont conscients que les Rs 1 000 accordées comme compensation salariale ne suffiront pas à récupérer la perte de leur pouvoir d’achat.»

En dépit de la baisse des prix du pétrole sur le marché international ces dernières semaines et de la récente grève de la faim de Nishal Joyram, le gouvernement a tenu ferme en laissant les prix inchangés. Que pensez-vous de cette posture ?
La CAP estime que le gouvernement devrait réviser à la baisse le prix de l’essence en enlevant la taxe en faveur de la Road Development Authority (RDA) et la contribution pour l’achat des vaccins. Nous estimons que le gouvernement est capable de baisser les prix par au moins Rs 15 sur le litre. Comme l’a souligné un ancien ministre, l’essence est devenue la vache à lait du gouvernement, et cela sans prendre en compte les souffrances de la population. Il est inacceptable et incompréhensible que le prix de l’essence soit maintenu, malgré la tendance baissière des prix des carburants sur le marché mondial, d’autant plus que le Premier ministre avait donné une indication que certaines contributions pourraient être enlevées.

La State Trading Corporation peine à faire croire qu’elle ne peut baisser les prix de l’essence et du diesel, comme c’est la tendance sur le plan mondial. L’argument selon lequel le gouvernement doit attendre la réunion du Petroleum Pricing Committee est farfelu, dans la mesure où nous savons que ce comité n’est pas « indépendant ». Pourquoi ne pas rendre publics les noms de ceux qui font partie de ce comité ? Pourquoi des associations de consommateurs n’en font-elles pas partie ? Cela aurait apporté plus de transparence.  

Tous les observateurs sont unanimes : le maintien des prix forts des carburants a un impact conséquent sur de nombreux secteurs. Il est certain que cette situation a un impact important sur les prix d’autres produits et services. Cela explique la hausse continuelle des produits de consommation, les distributeurs répercutant la hausse des frais de transport sur les détaillants. Au final, c’est le pouvoir d’achat du consommateur qui a pris un sale coup. 

Tout mettre sur le compte de la guerre en Ukraine est devenu tendance. » 

Par ailleurs, une réduction des taxes sur les carburants devrait soulager les consommateurs dans une grande mesure. Nous demandons au gouvernement de réduire les taxes sur le carburant pour amortir l’impact de la dévaluation de la roupie. Il est un fait que la compensation salariale de Rs 1 000 ne permettra pas aux ménages de récupérer la perte de leur pouvoir l’achat, le taux d’inflation étant plus élevé. 

Il est reconnu que les carburants sont taxés excessivement, ce qui fait gonfler artificiellement les prix de ces produits. Les arguments du directeur de la STC pour justifier le maintien des prix élevés de l’essence sont inacceptables, « ceux-ci relevant de la politique ». 

Pourquoi ce sont toujours les consommateurs qui doivent faire les frais du « mismanagement » de la STC ? Le directeur de la STC peut-il nous expliquer ce que fait son organisme pour récupérer les pertes sur l’achat des ventilators défectueux ? Que fait la STC pour récupérer les pertes effectuées sous des soi-disant Emergency Procurement ? Que fait-elle pour récupérer les pertes sur des vaccins qui se sont révélés périmés ? Il peut dire qu’il n’était pas en poste à l’époque, mais son Chairman l’est toujours. Pourquoi celui-ci se cache-t-il ? Quant à la grève de la faim de Nishal Joyram, il faut savoir qu’aucune action revendicative n’est jamais inutile. Il s’agit d’une action héroïque pour une cause qu’il a jugée importante. Cette action aura permis de faire deux constats : (i) l’insensibilité des décideurs politiques face aux souffrances du peuple et (ii) l’indifférence de milliers de consommateurs.     

Un autre coup de massue pour les consommateurs a été la hausse, à cinq reprises, du taux Repo. Du coup, les ménages doivent payer plus de Rs 2 000 additionnelles sur le service de la dette. Quelle est votre lecture de la situation et quelles sont vos recommandations sur ce sujet ?
Sans commentaire !

Nous sommes en pleine période festive. Les centres commerciaux, les grandes surfaces, les magasins sont bondés. Comment expliquez-vous cette situation alors qu’on parle de perte de pouvoir d’achat ? 
Au lendemain de Noël, les commerçants l’ont confirmé, c’est la morosité dans les commerces. Soit les consommateurs hésitent avant d’acheter, ou comme l’ont affirmé certains, ils n’ont acheté que l’essentiel. Cette tendance devra se maintenir pour les fêtes de fin d’année, les consommateurs étant conscients de la situation difficile qui va perdurer. Les chefs de famille sont conscients que les Rs 1 000 accordées comme compensation salariale ne suffiront pas à récupérer la perte de leur pouvoir d’achat. La présence de nombreux consommateurs dans les commerces fait partie de la tradition de fin d’année, ou encore pour reprendre les habitudes d’avant la COVID-19. 

L’argument selon lequel le gouvernement doit attendre la réunion du Petroleum Pricing Committee est farfelu.»

Tous les consommateurs ne sont égaux avec les plus au bas de l’échelle qui sont les plus vulnérables.  La question de ciblage a été remise sur le tapis à maintes reprises cette année en vue de les soulager directement. Y êtes-vous en faveur ?
Le ciblage est déjà pratiqué dans le domaine des subventions, pour l’achat de réservoir d’eau ou de chauffe-eau solaire. Ou encore pour bénéficier de l’aide pour le coulage de la dalle d’une maison. 

La CAP est en faveur du ciblage pour une réelle distribution de la richesse. Il est un fait actuellement que les ménages à faibles revenus paient le même prix pour le gaz que ceux qui sont riches. En faisant payer plus cher ce produit aux riches, c’est une façon de les amener à subventionner les pauvres.

La CAP est en faveur de la hausse du salaire minimum afin de permettre aux plus faibles de manger à leur faim. Il faudra aussi revoir la barre pour être éligible à la Negative Income Tax.  En sus, il faudra relever le Tax Income Relief afin de permettre à la classe moyenne de récupérer. Les High Income Earners devraient payer plus de taxe. 

La grève de la faim de Nishal Joyram aura permis de faire deux constats : (i) l’insensibilité des décideurs politiques face aux souffrances du peuple et (ii) l’indifférence de milliers de consommateurs.»

La nouvelle année s’annonce-t-elle plus difficile avec les tarifs d’électricité qui augmentent en février 2023 ?
Il faut souligner, en premier lieu, que la compensation de Rs 1 000 ne représente que 5 % pour un ménage dont les revenus s’élèvent à Rs 20 000 et encore moins pour ceux dont les revenus sont plus élevés, alors que l’inflation s’élève à 10,7 %. Ainsi cette compensation « across the board » ne pourra compenser totalement la perte du pouvoir d’achat de ces ménages. Toutefois, il faut relever que le salaire minimal passera de Rs 11 500 à Rs 13 075. Ce qui implique qu’un grand nombre de travailleurs des secteurs à revenus bas recevront une compensation intégrale. 

Pour revenir donc à la compensation de Rs 1000, elle ne permettra pas aux consommateurs de récupérer la perte de leur pouvoir d’achat.

Quant à la hausse des tarifs d’électricité, elle aura un impact direct sur les prix des produits en vente dans ces entreprises, et par extension, sur le pouvoir d’achat des consommateurs. Nous estimons qu’une hausse des tarifs commerciaux aura un poids conséquent sur la vie des consommateurs, surtout sur les ménages que peinent pour survivre en ce moment. Une augmentation de tarifs impactera aussi sur la capacité des commerces à amortir les frais d’électricité dans leurs coûts d’opération. Cette hausse devra aussi impacter le coût de production de nombreux produits, dont le poulet frais ou surgelé, les œufs, les prêt-à-manger, etc.    

La CAP est en faveur du ciblage pour une réelle distribution de la richesse.»

Le mot de la fin ?
La perte du pouvoir d’achat est liée à la flambée des prix de nombreux autres produits de consommation. C’est là que le gouvernement aurait dû intervenir. Il faut que les consommateurs comprennent que pour faire entendre leur voix, il faut qu’ils se mobilisent derrière les associations de consommateurs. Le constat, en termes de protection des consommateurs, en cette fin d’année, est accablant. La nouvelle loi promise, en début d’année, et qui se fait attendre depuis 15 ans, pour assurer une meilleure protection des consommateurs se fait toujours attendre. La loi sur les ventes à crédit est contournée allègrement par les agences de financement. L’exploitation des consommateurs par le biais de clauses abusives perdure, sans que les autorités ne lèvent le petit doigt.  

 

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