C’est devant les postes de police et autres centres de santé que se fait la distribution de méthadone. Ceux qui en prennent doivent l’avaler sur place. Comment, alors, le petit Eliakim Fanfan, 4 ans, a-t-il pu ingurgiter cette substance chez lui ?
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La mort du petit Eliakim Fanfan, 4 ans, vendredi, est venu mettre en lumière les failles dans la distribution de la méthadone. Le garçonnet serait décédé après avoir ingurgité cette substance utilisée dans le cadre du traitement de substitution destiné aux toxicomanes. C’est son grand-père, 58 ans, qui a ramené la méthadone à la maison. Ce qui constitue un délit. Depuis quelque temps déjà, le trafic de méthadone ne cesse de gagner du terrain.
« Nou pena ase lefektif », lâche un policier. Ils sont, dans la plupart des cas, plus d’une centaine de toxicomanes à faire la queue dans les centres de distribution de méthadone. C’est devant les postes de police de Roche-Bois, de Sainte-Croix, de Trou-Fanfaron et autres centres de santé de l’île que se font ces distributions tôt le matin.
Des officiers du ministère de la Santé viennent dans des caravanes. Pour le bon déroulement de cet exercice, un protocole a été établi par le ministère. Cependant, bon nombre font fi de ces directives. « Le Dispensing Officer remet la fiole à la personne et celle-ci doit en boire le contenu et lui remettre le fiole vide », explique ce membre des forces de l’ordre.
Toutefois, dans la pratique, les choses sont loin de se passer ainsi. « C’est la pagaille au moment de la distribution », affirme notre interlocuteur. Les toxicomanes venus prendre leur dose ne manquent pas d’imagination pour quitter les lieux avec le contenu de la fiole. Leur but : la revendre.
« Il y a des patients qui font semblant d’avaler la méthadone. Ils la régurgitent une fois hors de la vue des infirmiers et du policier de service », nous dit un officier.
D’autres n’hésitent pas à utiliser du coton pour absorber la méthadone. « Pour ce faire, ils placent un morceau de coton dans leur bouche… » explique-t-on. « D’autres apportent sur eux une fiole vide qu’ils remettent au Dispensing Officer pour faire croire qu’ils ont bu toute leur dose de méthadone. Certains récupèrent la méthadone de ceux qui sont absents. » Ces agissements se passent au nez et à la barbe des surveillants sur place.
Ils sont ainsi plusieurs à passer entre les mailles du filet. « Nous ne pouvons pas tous les surveiller alors que nous-mêmes nous sommes en sous-effectif. Pa kapav kontrole », explique le policier.
Dans certains cas, il y aurait également « connivence entre infirmiers et toxicomanes ». Ceux qui s’adonnent à ce trafic peuvent se faire Rs 200 par bouchon de méthadone, affirme notre source.
En 2018, cinq suspects avaient été interpellés à l’Immigration Square avec des fioles contenant de la méthadone. Soupçonnés d’être mêlés à un trafic, ils avaient été conduits au poste de police. Pressés de questions, ils avaient soutenu que la méthadone était destinée à leur propre consommation. Malgré plusieurs autres arrestations au fil des années, cette pratique est loin de s’estomper.
Le grand-père du garçonnet arrêté pour homicide involontaire
David Antoine, âgé de 58 ans, le grand-père du petit Eliakim Fanfan, a été arrêté par la Criminal Investigation Division de Port-Louis Nord samedi matin. Lors de son interrogatoire, il a reconnu avoir ramené la fiole de méthadone à la maison. « Monn poz li lor latab », a-t-il expliqué.
Le quinquagénaire a comparu devant la Bail and Remand Court. Il répond d’une accusation provisoire d’homicide involontaire. Après sa comparution, il a été reconduit en cellule policière.
L’inspecteur Shiva Coothen : «ll faut un contrôle plus rigoureux»
L’inspecteur Shiva Coothen, du Police Press Office, souligne que les policiers sont intransigeants envers ceux qui sont mouillés dans le trafic de méthadone. « C’est un délit de se retrouver avec une fiole de méthadone en dehors de l’enceinte du centre de distribution. Ceux qui enfreignent la loi doivent en assumer les conséquences. Ils seront arrêtés en vertu du Dangerous Drugs Act », indique-t-il.
L’inspecteur de police fait aussi ressortir que les lieux de distributions nécessitent plus de surveillance. « Ces distributions se font sous la supervision d’un préposé du ministère de la Santé. ll faut un contrôle plus rigoureux. La police est présente sur place pour veiller à la sécurité », précis-t-il
Le ministère dans l’attente du rapport de la police pour la marche à suivre
Le grand-père du petit Eliakim Fanfan est à l’ombre. Il a avoué à la police que la méthadone que son petit-fils aurait ingurgitée lui appartenait. Dans une déclaration samedi soir, le ministre de la Santé et du bien-être, Kailesh Jagutpal, a fait comprendre que le ministère est dans l’attente du rapport de la police afin d’entamer « immédiatement la marche à suivre » dans cette affaire.
Le ministre fait ressortir que la méthadone, une substance distribuée aux toxicomanes chaque matin afin de réduire leur addiction à la drogue dure, ne doit pas se retrouver en dehors des postes de police.
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