Mise à jour December 28, 2025, 8:34 am

Moorghen Veeramootoo, CEO de Lottotech : «La vraie réussite se mesure à l’impact que l’on laisse»

Ajagen Koomalen Rungen 
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À travers cet entretien, le CEO de Lottotech se livre avec authenticité. Entre souvenirs d’enfance, leçons de vie, passions personnelles et engagements professionnels, il nous offre un portrait humain d’un dirigeant profondément ancré dans ses valeurs. De la musique et du sport aux initiatives éducatives et sociales de Lottotech, il raconte comment équilibre, persévérance et curiosité façonnent son parcours, tout en mettant en lumière l’importance de l’entraide, de la famille et de la sincérité à chaque étape de sa vie. 

Derrière la fonction de CEO, qui êtes-vous ?
Avant tout, je me définis comme un citoyen comme les autres, profondément attaché à mon pays et convaincu que chacun peut contribuer, à son échelle, au bien commun. En dehors de mes fonctions, je suis un grand passionné de sport, de lecture, de musique et de plantes. Ces univers me permettent de garder un certain équilibre, de prendre du recul et de rester connecté à l’essentiel. Ce sont des passions simples, mais elles m’ont appris la discipline, la persévérance, l’ouverture d’esprit et le respect du vivant — des valeurs qui guident aussi ma manière de diriger et que je retrouve pleinement dans les engagements et initiatives que nous portons à travers Lottotech.

Y a-t-il un moment précis dans votre parcours où vous avez compris que votre vie prenait une direction différente des autres ?
Je viens d’un petit village, à Belle Vue Maurel, et très tôt j’ai compris que j’avais une affinité particulière pour la communication, et surtout pour la connexion avec les autres. À l’âge de neuf ans, lors d’une compétition, je me suis retrouvé dans les locaux de la MBC. À ma grande surprise, j’étais parfaitement à l’aise à échanger avec le présentateur, bien plus que mes camarades. Ce moment a été révélateur : j’ai senti que la communication et le lien humain allaient occuper une place centrale dans mon parcours.

À l’adolescence, j’avais naturellement tendance à organiser des activités pour rassembler les jeunes du village. Avec le recul, je réalise que ces expériences m’ont appris l’importance du collectif et du dialogue. Des années plus tard, j’ai compris que la vie, tout comme le leadership, n’est pas une question de gagnants ou de perdants, mais de créer les conditions pour que toutes les parties prenantes avancent ensemble. C’est cette philosophie qui guide encore aujourd’hui ma manière de diriger.

Le succès professionnel peut parfois isoler. Comment protégez-vous votre équilibre personnel ?
Le succès professionnel peut effectivement créer une forme d’isolement si l’on n’y prend pas garde. Pour préserver mon équilibre, je m’appuie sur des rituels simples mais essentiels. Je joue au football deux fois par semaine avec des collègues de Lottotech, mais aussi de Gamma. Le sport crée une égalité naturelle : sur un terrain, il n’y a ni titres ni fonctions, seulement l’esprit d’équipe et l’effort collectif.

J’ai également été joueur de volley-ball pendant de nombreuses années, aussi bien à Maurice qu’au Royaume-Uni durant mes années universitaires. Cette expérience m’a profondément marqué et m’a appris la rigueur et la discipline. Elle explique aussi mon attachement personnel au développement du sport et à l’accompagnement des athlètes. Chaque semaine, je prends le temps de me reconnecter à la nature dans ma plantation. La musique m’accompagne beaucoup et m’aide à maintenir un équilibre intérieur, essentiel pour rester aligné tant sur le plan personnel que professionnel.

C’est pour cette raison que nous veillons, à travers Lottotech, à soutenir les sportifs dans la poursuite de leurs rêves, notamment en accompagnant des initiatives comme les Jeux de la Commission de la jeunesse et des sports de l'océan Indien (CJSOI) cette année. De la même manière, j’apprécie particulièrement le travail mené par des ONG comme Ebony Forest, ainsi que l’engagement de nos employés qui participent chaque année à des actions concrètes de préservation de l’environnement. Ces initiatives donnent du sens à notre action collective et renforcent notre conviction que le sport, la culture et le bien-être sont des piliers essentiels d’une société équilibrée et durable.

Quelle part de vous appartient encore à l’enfant que vous étiez ?
Une part essentielle de l’enfant que j’étais est toujours bien présente, notamment à travers mon amour profond pour la nature et pour l’entraide. Enfant, j’ai grandi en observant la terre, les plantes et le rythme des saisons, en comprenant très tôt que tout est lié et que l’équilibre repose sur le respect du vivant. Cette relation privilégiée avec la nature m’a appris la patience, l’humilité et le sens des responsabilités.

L’entraide faisait également partie intégrante du quotidien. On avançait ensemble, on se soutenait naturellement, sans calcul ni attente en retour. Ces valeurs simples mais fondamentales continuent de me guider aujourd’hui, aussi bien dans mes choix personnels que dans la manière dont je conçois le rôle d’une entreprise dans la société : un acteur responsable, conscient de son impact et engagé à contribuer positivement au collectif.

Y a-t-il une décision, difficile ou risquée, qui vous a profondément transformé en tant qu’homme, bien au-delà du dirigeant ?
Apprendre à lâcher prise a sans doute été l’une des décisions les plus difficiles, mais aussi les plus transformatrices de mon parcours. Accepter que l’on ne peut pas tout contrôler, ni tout porter seul, demande un vrai travail sur soi. Pendant longtemps, comme beaucoup de dirigeants, j’ai pensé que la responsabilité signifiait tout maîtriser. Avec le temps, j’ai compris que ce n’était ni durable, ni juste.

Cette prise de conscience m’a amené à redéfinir ma vision du leadership. Pour moi, diriger, c’est avant tout faire confiance, écouter sincèrement et créer l’espace nécessaire pour que les autres puissent s’exprimer, prendre des initiatives et évoluer. Sur le plan humain, cela exige de l’humilité et du courage, mais cela permet aussi de construire des environnements de travail plus sains, plus équilibrés et plus performants. Cette décision m’a profondément transformé, bien au-delà du rôle de dirigeant, en m’apprenant la valeur du collectif et de la confiance partagée.

À quoi ressemble une journée idéale loin des réunions, des échéances et des responsabilités ?
Une journée idéale loin des réunions et des échéances est avant tout une journée simple, sans programme précis. Rester chez moi, prendre le temps de lire, écouter de la musique, marcher dans la nature ou m’occuper de mes plantes. Ce sont des moments où je choisis volontairement de ralentir, de me déconnecter du rythme professionnel et de me reconnecter à l’essentiel. Ils me rappellent que la performance n’a de sens que lorsqu’elle est équilibrée par des instants de calme, de recul et de présence à soi.

La musique occupe une place particulière dans ces moments. C’est un langage universel, capable de rassembler au-delà des différences. C’est aussi pour cette raison que je suis personnellement très fier du succès de L’Atelier Mo’zar. Je me souviens encore du jour où ils nous ont approchés pour obtenir un soutien financier afin de remplacer leurs instruments de musique, malheureusement volés à l’époque. Aujourd’hui, voir certains enfants de L’Atelier Mo’zar poursuivre leur parcours jusqu’à Berklee est une immense source de fierté. J’ai d’ailleurs récemment eu l’occasion de voir le film Mo’zar Mon Style de Sébastien Petretti, un témoignage fort de ce que l’accompagnement et la confiance peuvent permettre de construire sur le long terme.

Quel est le silence que vous appréciez le plus : celui de l’aube, de la nuit, ou d’un moment volé à vous-même ?
Sans hésiter, celui de l’aube. C’est un silence particulier, chargé de promesses. Le monde n’a pas encore commencé à parler, tout est encore calme, et l’esprit est plus clair, plus disponible. J’apprécie profondément ce moment suspendu où tout semble possible, où l’on peut poser des intentions avant que la journée ne s’accélère.

Ce silence matinal est pour moi un véritable temps de recentrage. Il me permet de prendre du recul, d’ordonner mes pensées et d’aborder les responsabilités qui m’attendent avec davantage de sérénité, de lucidité et d’équilibre.

Qu’avez-vous dû apprendre à lâcher pour avancer ?
J’ai dû apprendre qu’on ne peut pas toujours aider quelqu’un qui ne souhaite pas s’en sortir. Cette réalité est parfois difficile à accepter, surtout lorsque l’on est animé par l’envie de bien faire et de soutenir les autres. Avec le temps, j’ai compris qu’il est essentiel de respecter le rythme et les choix de chacun, sans jamais perdre de vue l’importance de créer des opportunités pour ceux qui sont prêts à les saisir.

Cet apprentissage m’a beaucoup transformé, en me rappelant que l’accompagnement et le leadership reposent autant sur la patience et la compréhension que sur l’action directe. Il m’a aussi permis de concentrer mon énergie là où elle peut réellement avoir un impact.

Existe-t-il une rencontre — humaine, inattendue — qui a marqué votre trajectoire de vie ?
La rencontre la plus marquante de ma vie a été, sans hésitation, celle avec ma grand-mère. Elle m’a inculqué très tôt l’importance de l’éducation et de la persévérance. C’est grâce à elle que j’ai compris que transmettre des connaissances et donner des outils aux autres peut réellement transformer une vie. Cette conviction se retrouve dans notre collaboration avec l’ONG Atelier Joie de Vivre, où nous avons animé des cours d’informatique pour les enfants. Il ne s’agit pas seulement de faire un don d’ordinateurs, mais de leur donner les moyens de réussir et de développer leur potentiel.

Ma grand-mère était aussi la première femme entrepreneure de ma famille. Elle m’a transmis les bases de la gestion d’une petite entreprise et m’a appris le courage et la détermination nécessaires pour se lancer seule. C’est pour cette raison que LottotechSeeds occupe une place si spéciale dans notre entreprise : je sais ce que signifie commencer un business à partir de rien, et je souhaite offrir aux entrepreneurs en herbe le soutien et les opportunités qui peuvent faire la différence.

Que vous a appris l’échec, lorsqu’il s’est présenté sans prévenir ?
En 2015, lorsque les cartes à gratter ont été interdites, ce n’était pas seulement une perte pour les joueurs, mais nous avons également dû licencier plus de 25 employés du jour au lendemain, ainsi que d’autres collaborateurs.

Pour l’entreprise, perdre la possibilité de promouvoir le Loto ou tout autre produit représentait un défi immense, mettant en jeu la stabilité de nos équipes et notre contribution à la société.

Face à cette situation, il a fallu agir rapidement, se recentrer et trouver des moyens de rebondir. L’enjeu était colossal, car il s’agissait non seulement de l’avenir de l’entreprise, mais aussi de celui des employés, de nos joueurs et de la contribution que nous apportons à l’État. Cet épisode m’a appris la résilience, l’importance de la préparation et de l’agilité, et surtout que, même dans l’adversité, un échec peut devenir une opportunité d’apprentissage, de croissance et de renouveau.

Quel luxe vous semble aujourd’hui le plus précieux : le temps, la liberté ou la paix intérieure ?
Le luxe le plus précieux, pour moi, est le temps, surtout lorsqu’il est partagé avec ceux que l’on aime, ainsi que la paix intérieure. Ces deux dimensions sont étroitement liées, car avoir du temps sans sérénité n’a que peu de valeur, et la paix intérieure sans le temps nécessaire pour en profiter reste fragile. Être riche en temps et en amour constitue, à mes yeux, la forme de richesse la plus authentique et durable, celle qui donne du sens à la vie et à nos choix.

Avez-vous un rituel personnel qui vous aide à garder les pieds sur terre malgré les responsabilités ?
Je n’oublie jamais d’où je viens. Me souvenir de mes origines, de mon parcours et des personnes qui m’ont tendu la main m’aide à rester humble et centré. C’est un rappel constant que rien n’est jamais acquis et que chaque responsabilité que j’assume est avant tout une confiance accordée. Ce rituel personnel m’aide à garder les pieds sur terre, à agir avec discernement et à rester fidèle à mes valeurs, même face aux défis et aux pressions du quotidien.

Quelle place occupent la famille et l’amitié dans votre définition du bonheur ?
La famille et l’amitié en sont le socle. Ce sont des repères stables dans un monde en mouvement, des espaces où l’on peut être soi-même, sans masque ni titre. Sans ces liens, aucune réussite professionnelle ne peut réellement combler.

Ma famille a joué un rôle déterminant dans mon parcours. Elle a financé mes études et m’a soutenu à chaque étape : ma mère pour les frais universitaires, ma tante pour le logement en France, mon oncle pour m’encourager à poursuivre des études supérieures. Chacun, à sa manière, m’a donné les moyens de réussir. Cela m’a appris qu’il est impossible de réussir seul et que le bonheur se construit autant dans le soutien et l’amour des proches que dans l’accomplissement personnel.

Y a-t-il une habitude simple, presque secrète, qui vous apaise après une journée intense ?
Après une journée intense, j’ai deux habitudes simples qui m’apaisent profondément. La première est d’écouter de la musique : elle a ce pouvoir unique de ralentir le temps, de faire retomber la pression et de me recentrer. La seconde est de me reconnecter à ma dimension spirituelle, ce qui me permet de prendre du recul, de remettre les choses en perspective et de me rappeler que tout ne se joue pas uniquement dans l’instant présent. Ces rituels, bien que simples, sont essentiels pour préserver mon équilibre et ma clarté d’esprit.

Quel regard portez-vous sur la réussite : est-elle un aboutissement ou un chemin sans fin ?
Je considère la réussite comme un chemin plutôt qu’un aboutissement. C’est un parcours fait d’ajustements constants, de remises en question et de gratitude. Se sentir en paix avec ce que l’on est et ce que l’on possède me semble bien plus précieux que d’atteindre un objectif figé.

Avec la réussite vient aussi une responsabilité : comme le dit l’adage, « grand pouvoir implique grande responsabilité ».

Il ne s’agit pas seulement de progresser pour soi-même, mais aussi d’utiliser ses acquis, son influence et ses moyens pour avoir un impact positif sur les autres et sur la société. La vraie réussite réside dans la capacité à avancer tout en étant conscient de cette responsabilité et à apprécier le voyage avec humilité.

Si vous pouviez vous adresser à l’homme que vous étiez il y a vingt ans, que lui diriez-vous aujourd’hui ?
Je lui dirais de rester discipliné et constant, même lorsque les résultats tardent à se manifester. Le travail, lorsqu’il est sincère et en accord avec ses valeurs, finit toujours par porter ses fruits. Je lui rappellerais aussi l’importance de la patience et de la persévérance, ainsi que le fait que chaque étape, même les plus difficiles, contribue à construire l’homme et le professionnel qu’il deviendra.

Quel moment récent vous a rappelé que la vie se joue souvent dans les détails ?
Des échanges simples lors d’initiatives soutenues par Lottotech m’ont récemment rappelé à quel point la vie se joue souvent dans les détails. Que ce soit avec des jeunes bénéficiaires de projets éducatifs, des sportifs accompagnés dans leur développement par des associations locales, ou des artistes soutenus dans leur parcours, ce sont souvent de petits gestes qui font toute la différence : un regard qui s’illumine, une confiance retrouvée, une opportunité donnée au bon moment.

Ces moments montrent que l’impact ne se mesure pas seulement en chiffres ou en résultats immédiats, mais dans les trajectoires de vie que l’on contribue à transformer. Même les actions les plus discrètes peuvent avoir un effet durable, et c’est précisément cette attention aux détails qui rend notre engagement significatif et inspirant.

Quel est le souvenir le plus doux que vous associez aux fêtes de fin d’année ?
Ce sont les moments passés en famille, loin de toute urgence ou pression. Des instants simples, où la présence, le partage et la complicité priment sur tout le reste. Ces souvenirs restent précieux, car ils rappellent l’importance des liens, de l’attention portée aux autres et de la gratitude pour les petites joies de la vie.

Qu’est-ce qui vous touche encore profondément, malgré l’expérience et les responsabilités ?
La sincérité continue de me toucher profondément. Les gestes désintéressés, l’authenticité des personnes qui agissent sans attendre de reconnaissance ou de retour, ont toujours ce pouvoir de me rappeler l’importance des valeurs humaines dans tous les aspects de la vie, professionnelle comme personnelle.

Si votre vie devait être racontée comme une histoire, quel en serait le fil conducteur : la persévérance, la curiosité ou l’humanité ?
Ce serait un mélange des trois. La persévérance pour avancer malgré les obstacles, la curiosité pour apprendre et comprendre le monde qui m’entoure, et l’humanité pour donner du sens à chaque étape et à chaque décision. Ensemble, ces trois fils tissent un parcours cohérent, où chaque expérience contribue autant à ma croissance personnelle qu’au bien des autres.

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