Les réseaux sociaux deviennent le terrain de chasse par excellence des racoleuses.
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Difficile à remonter leur piste, à moins qu’elles ne vous aient ciblé à travers des photos postées sur votre profil. Enquête sur la cyber-racoleuse locale.
« J’ai envoyé une demande d’ami, elle a accepté. Nous avons flirté. Elle m’a donné rendez-vous à Bagatelle le lendemain. Je suis allé à sa rencontre. Elle ne ressemblait pas vraiment à la fille de 22 ans de la photo »
Le plus vieux métier du monde s’adapte aux nouvelles technologies. Plus la peine de faire le trottoir pour racoler. La nouvelle génération de travailleuse du sexe surfe désormais sur les réseaux sociaux Facebook, Instagram et Badoo pour appâter les clients.
Sur le Net, elles usent de tactiques pour séduire : photos sexy ou encore retouchées valorisant leurs formes, messages doux et coquins pour enflammer les esprits. Et pour cela nul besoin d’être expert en informatique, un smartphone suffit.
Certaines cyber-racoleuses créent leur site, s’y affichent le visage masqué pour proposer leurs services : massage sensuel, escort girl… Elles font la chasse aux grosses pointures : des hommes d’affaires mauriciens et étrangers. Le site est accessible en un clic.
Sur Facebook ou Badoo, les intéressés mettent un « like » sur les photos d’elles, elles répondent par des messages gentils (‘merci pour le like’) avant d’engager la conversation pour en savoir plus sur ces personnes. « Tu fais quoi dans la vie ? T’es d’où ? T’as une copine ? »
Quand vient la proposition « j’aimerais te rencontrer pour de vrai », elles passent à l’attaque : « Pourquoi pas ? Tout dépend pour faire quoi. Pour une rencontre directe, faut être dispo à dépenser. Cela te coûtera entre Rs 1 500 et Rs 3 000. »
Pris dans les filets
Avinash, 32 ans, est storekeeper. Il relate la mésaventure qu’il a vécue en septembre dernier. « J’avais posté une série de photos avec mes amis lors d’une sortie en boîte. Parmi les ‘likes’ sur mes photos, il y avait ceux d’une femme. Elle était jolie... J’ai pensé que c’était un faux profil. J’ai consulté sa page et j’ai trouvé une série de photos d’elle », relate le jeune homme.
La trouvant à son goût, Avinash lui a envoyé une demande d’ami qu’elle a accepté. « Nous avons flirté. Elle m’a donné rendez-vous à Bagatelle le lendemain. Je suis allé à sa rencontre. Elle ne ressemblait pas vraiment à la fille de 22 ans de la photo », raconte le storekeeper.
Selon lui, l’attitude de la jeune femme a vite changé. « Li dir mwa si mo anvi kas enn poz, mo bizin pay li. Li pran Rs 1 000. Elle m’a invité à la suivre dans champs de canne », poursuit le trentenaire.
Sa nouvelle ami lui aurait alors expliqué qu’elle avait besoin d’argent pour nourrir sa famille. « Je savais que c’était faux, mais je l’ai tout de même suivie. Au moment de l’acte, elle m’a demandé de faire vite, car elle avait rendez-vous avec d’autres personnes », se remémore-t-il.
Avinash a gardé contact avec son ‘amie’. Par la suite, elle a commencé à lui réclamait une carte téléphonique ou de l’argent (Rs 200 à 500). Il change alors de carte SIM et bloque la femme sur ses comptes Facebook, Skype, Whatsapp et Viber.
Pour les besoins de notre enquête, nous avons créé un faux profil sur Facebook et un autre sur Badoo. Le compte de la jeune femme indiqué par Avinash a été désactivé. Comment trouver une cyber-racoleuse ?
Nous avons suivi la méthode qui nous a été indiquée, à travers des ‘likes’ sur les photos un peu osées de certaines femmes. Aucune réaction et difficile de juger de leurs intentions véritables.
Sur Badoo, une fois l’inscription terminée, une question clé s’affiche : « Que recherchez-vous ? » avec trois options : Être amis, l’amour ou chatter. Nous cochons la case ‘Chatter’. Défile alors à l’écran une série de photos de filles avec l’option « aime ».
Nous constatons que la plupart de ces femmes sont âgées de 19 à 32 ans, usent d’un pseudo et qu’elles indiquent la région où elles vivent. Sur 10 messages envoyés, trois nous ont répondu. Puis, on comprend que le service Badoo est payant et que le nombre de messages est limité, à moins d’être membre.
Nous cherchons alors ailleurs sur le Net. Bingo ! Voilà des sites de rencontre ou les cyber-racoleuses passent leurs annonces. Dans la catégorie île Maurice, certaines marquent ainsi leur présence : « Femme, 28 ans, aime s’amuser. Très cool, amical, recherche un homme mature coquin sensuel et doux ki poura me guatter vrmnt. J’aime les sorties ciné, karaoké, danser, resto, Shopping lingerie hahahaha...bisous..»
Sur un autre site, on découvre Katalia Escort. Visage masqué, elle vend ses charmes à des tarifs exorbitants. Du haut de gamme facturé de 240 à 1 200 livre sterling. Katalia dit avoir 37 ans, habiterait Grand-Baie et se décrit ainsi : «My name is Katalia. I have soft clear ebony skin, a beautiful smile, and delectable brown eyes you can get lost in. Are you looking to simply enjoy a good time with a soft and playful lady?»
Il est évident qu’à son tableau de chasse, Katalia ne souhaite accrocher que des clients pleins aux as.
Un ‘invisible crime’
Pour lutter contre le trafic humain, la police mauricienne a mis tout un arsenal en place. La Brigade des mineurs, la Cyber Crime Unit de la police font preuve de vigilance. Le cyber-racolage est un invisible crime, donc difficile à détecter. Une travailleuse du sexe sur le trottoir, son proxénète sont plus faciles à arrêter et poursuivre que la cyber–racoleuse. Toutefois, si elle est interceptée pour acte immoral, elle sera arrêtée pour human trafficking et risquera 15 ans de prison.
La Brigade des mineurs invite les parents à la vigilance quant ils donnent une carte SIM à leur progéniture. Elle mène des campagnes de sensibilisation contre l’exploitation sexuelle à travers Internet dans les écoles, auprès des jeunes dans les endroits à risques depuis une dizaine d’années.
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