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Miroir aux alouettes

Éric Ng

L’air est toujours vicié malgré la démission forcée du ministre Soodhun.

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Une révocation sur le champ aurait dépollué l’atmosphère sociale qui contamine le climat économique. Mais comme dans l’administration de l’économie, le Premier ministre et ministre des finances temporise avant de prendre une décision à la onzième heure. Ce qui est présenté comme une preuve de leadership est en fait le minimum qu’on attend d’un chef de gouvernement qui mérite le respect de la population. Et il n’a encore rien prouvé sur le front économique.

Ah oui, l’île Maurice a gagné 24 places dans le classement 2018 de Ease of Doing Business de la Banque mondiale, arrivant à la 25ème position. Du coup, elle se croit la plus belle de l’Afrique, mais ce n’est qu’un miroir aux alouettes. La réalité des entreprises sur le terrain est différente.

Maurice n’est pas le seul pays à montrer une progression fulgurante sur cet indice. Le Nigéria a aussi effectué un bond de 24 rangs, se retrouvant parmi « the top 10 most improved economies globally in terms of doing business », et l’Inde a fait encore mieux en avançant de 30 places. Il ne s’agit pas de banaliser ces avancements, mais de les relativiser, sachant qu’ils ne sont que les résultats de mesures prises au niveau de la législation du pays. Or l’on ne gouverne pas un pays que par des lois, et comme le dit un participant à notre baromètre, « Mauritius is good at that, becoming a museum of laws and enactments ». Le gouvernement doit avant tout inspirer confiance.

Admettons un instant que les investisseurs regardent la position plutôt que la progression sur l’indice. Le Nigéria et l’Inde sont au 145ème et 100ème rang respectivement, tous loin derrière Maurice. Mais, répond un analyste, « prospective investors as human beings will look at the top 10, and not one ranked at the 25th position, before deciding which country they will move into for their future activities ». Sinon, comment expliquer que Maurice ne reçoit même pas 500 millions de dollars d’investissements directs étrangers par an, moins qu’un centième de point de pourcentage du montant global ?

Tout compte fait, le système de production d’aujourd’hui est soutenu par des facteurs qui comptent peu dans l’indice de Ease of Doing Business, à savoir les institutions, l’infrastructure, la proximité des marchés, la qualité et la disponibilité des ressources humaines. S’il était si facile de faire du business à Maurice, ses entreprises textiles ne devraient pas délocaliser dans un pays qui est à la 100ème place du classement !

Deuxième puissance économique mondiale, la Chine se trouve curieusement à la 78ème place. Elle n’est pas pour autant moins compétitive que l’économie mauricienne ! Celle-ci peine toujours à diversifier ses industries, contrairement à l’Empire du Milieu qui excelle dans la diversification industrielle, comme en témoigne l’essor de son secteur de l’électronique. Alors que le score de la Chine est resté faible pendant les trois dernières décennies, le pays a néanmoins attiré de nombreux investisseurs étrangers, a bâti le plus grand atelier industriel du monde, et a sorti de la pauvreté 200 millions de Chinois. Maurice, elle, a vu le nombre de pauvres augmenter de 30 000 en 15 ans à 122 700 en 2012.

Concernant l’octroi de permis de construire, Maurice a largement amélioré son rang, du 33ème au 9ème. Cela n’a pas empêché MCB Focus d’avoir « further downgraded our outlook for construction. Thus, contrary to prior expectations and in spite of recording a relative upturn after several years of lacklustre growth, the sector’s impact on nationwide activities would be quite contained. » Ce n’est pas le cas de la Chine qui, bien qu’occupant la 172ème position sur cet indicateur, connaît un grand boom dans la construction.

Comprenons-nous bien : il convient d’alléger la bureaucratie et de rationaliser les réglementations afin de permettre aux entrepreneurs d’enregistrer leur société, de commencer des constructions ou de faire des échanges commerciaux. Mais les indicateurs de Ease of Doing Business sont futiles pour évaluer l’efficacité des politiques économiques et la performance de l’économie. Ainsi, il ne sert à rien de réduire à 5,5 jours le temps de lancer une entreprise s’il est difficile de réussir en affaires. En effet, confirme un analyste, « it is easy to set up a business but not to do business ».

Une meilleure note sur le commerce transfrontalier ne dispense pas de s’interroger sur le déclin constant des exportations, qui a pour conséquence que Maurice importe deux fois plus que ce qu’elle exporte. Qu’on traite les problèmes spécifiques de l’industrie. La compétence technique dans les équipements de production, l’accès aux dernières technologies, la pénétration définitive d’un marché et les facilités d’emprunt à des taux abordables sont plus importants pour les industriels que le nombre d’heures passées à se mettre en conformité avec la douane.

Sur l’obtention de crédits, Maurice a reculé de 11 places. Or, affirme un analyste, « small and medium enterprises rely heavily on debt financing and find it difficult to compete as large firms have become more vertically integrated. Between the big corporates doing business only with their friends and government giving cool contracts to some in its own circle, a start-up is stuck between a rock and a hard place. » Comme quoi l’indice de la Banque mondiale est l’arbre qui cache la forêt.

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