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Milan Meetarbhan : «Remettre à jour notre système pour faire face à l’avenir»  

Dr Jyoti Jeetun, Milan Meetarbhan, Kailash Purryag et Jean-Claude de l’Estrac.

La décadence politique, la nécessité de revoir la Constitution, les pouvoirs du Premier ministre et ceux du président de la République, le modèle économique… autant de sujets abordés lors du Grand Débat organisé par Radio Plus, à l’occasion du 54ème anniversaire de l’Indépendance et des 30 ans de la République. 

Pour ce plateau exceptionnel, Nawaz Noorbux et Jugdish Joypaul recevaient un panel composé de Kailash Purryag, ancien président de la République, Dr Jyoti Jeetun, CEO du groupe Mont Choisy, Jean-Claude de l’Estrac, observateur et écrivain ainsi que Milan Meetarbhan, constitutionnaliste. Cassam Uteem, également ancien président, était, quant à lui, intervenu par Zoom.

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Constat

Kailash Purryag dit jeter un regard positif sur le parcours de Maurice depuis son accession à l’indépendance. Selon ses dires, le pays était en sous-développement en 1968, avec un fort taux de chômage, la pauvreté ainsi que d’autres problèmes. Il considère que les politiciens d’alors avaient eu le courage nécessaire pour travailler sur le développement économique du pays dans un contexte de démocratie.

Jean-Claude de L’Estrac a rappelé que Maurice figurait parmi les pays les plus pauvres du monde, avec un Produit Intérieur Brut (PIB) de moins de USD 200 et une économie centrée sur la monoculture. Selon ses dires, personne ne croyait dans la réussite de Maurice, prévoyant du désespoir, de la famine et une population qui allait devoir vivre dans les rues. « Mais on a eu une capacité de rebond. Les gens pensent qu’avec la Covid-19, nous passons par des moments difficiles, mais en fait, on a connu pire », soutient-il. 

Dr Jyoti Jeetun estime que ceux qui avaient fait des prédictions sombres pour Maurice n’avaient pas tenu en compte la capacité des Mauriciens à réussir. « Nous avons connu un progrès économique qui est palpable aujourd’hui », lance-t-elle. La CEO du groupe Mont Choisy dit cependant constater une perte des valeurs humaines au fil des années ainsi qu’une inégalité dans le partage de la richesse. « Il existe toujours des poches de pauvreté dans le pays », déplore-t-elle. 

Quant à Milan Meetarbhan, il avance qu’après les difficultés du passé, le pays a su mettre en place un système qui a emmené la population là où elle est aujourd’hui. « Nous sommes maintenant en mesure de voir les forces et les faiblesses de ce système. Le monde a, pendant ce temps, évolué. Il faut maintenant mettre à jour le système afin de pouvoir faire face à l’avenir », préconise-t-il.   

Révision de la Constitution

Ce changement devrait passer par une révision de la Constitution. Pour Cassam Uteem, il est souhaitable de revoir la Constitution, surtout après 30 années de République. Il considère que le pays a, depuis, acquis de l’expérience, lui permettant d’apporter des améliorations à la Constitution, de même qu’au mode de fonctionnement de l’État. « Toutefois, je ne préconise pas forcément un chamboulement total à travers l’avènement d’une nouvelle République. Je pense que notre système parlementaire et celui de la République peuvent être revus », déclare-t-il. 

Parmi les changements préconisés par Cassam Uteem est une révision des pouvoirs que détient le Premier ministre. « Aujourd’hui, le Premier ministre a plus de pouvoirs que n’importe quel président à travers le monde », soutient-il. Et d’ajouter : « Je ne dis pas qu’il faut lui couper les ailes, mais il faut voir comment améliorer le fonctionnement des institutions qui nécessitent une indépendance politique totale », dit-il. Cassam Uteem considère que le président, supposé être le garant de la Constitution, devrait, pour sa part, être « empowered » afin de pouvoir défendre cette Constitution. L’ancien président demande aussi des changements au niveau des institutions, notamment la Public Service Commission. Il s’est interrogé sur la composition, le bon fonctionnement, la transparence, la méritocratie et la satisfaction du public vis-à-vis de cette institution. 

Pour Jean-Claude de L’Estrac, il faut également un rééquilibrage des pouvoirs du Premier ministre et ceux du président. « Le Premier ministre a le pouvoir de gérer. Il est le chef du gouvernement. Le rôle du président, lui, est de veiller à ce que les principes de la Constitution soient respectés. Sauf qu’il n’a pas les moyens de le faire », estime l’observateur politique. Il fait comprendre que le président n’a d’autres choix que de s’exécuter face aux exigences du Premier ministre. 

Un avis que ne partage cependant pas Kailash Purryag, qui souligne que les désaccords existent, mais qu’il faut qu’il y ait toujours un respect mutuel. « Le juge Ahnee avait dit que la Constitution n’est pas claire, notamment sur la compréhension du mot ‘consultation’ entre le PM et le président », indique-t-il. Or, Milan Meetarbhan estime que la Constitution est claire sur le sujet. « Il se peut que dans la pratique, elle ne l’est pas », concède-t-il néanmoins. Il demande, lui aussi, un rééquilibrage, notant qu’au fil des années, il y a eu une concentration du pouvoir entre les mains du Premier ministre. 

Mais pour Dr Jyoti Jeetun, c’est la personne qui fait l’institution. « On dit que le système n’est pas bon et qu’il faut le changer. Mais c’est la personne qui fait l’institution. (…) Il est important qu’il y ait une ‘chemistry’ et une harmonie de travail, où il n’y a pas de tiraillement. Au cas contraire, tout va s’effondrer », affirme-t-elle. 

Décadence

Kailash Purryag juge malheureux que la confiance de la population dans la politique soit en déclin. « Les gens ne veulent plus en entendre parler », selon lui, estimant que la bonne gouvernance n’est pas prévalente. Il suggère plus de transparence, de redevabilité et un État de droit. « La redevabilité se fait à travers le Parlement. Or, celui-ci est aujourd’hui paralysé », allègue-t-il. 
Jean-Claude de L’Estrac est, lui, d’avis que la décadence ne daterait pas d’aujourd’hui, mais pense que le phénomène s’est accru ces temps-ci. « Et j’espère que ce ne sera pas pire à l’avenir », prévient-il, précisant que le gouvernement du jour a placé ses hommes au sein de toutes les institutions. Jean-Claude de L’Estrac n’a pas non plus manqué d’égratigner l’opposition, en faisant part d’un « manque de leadership » et que celle-ci fait de la démagogie en faisant toutes sortes de demande alors que le contexte mondial est compliqué. 

Révision du modèle économique

Pour Dr Jyoti Jeetun, Maurice, étant un petit pays, restera toujours dépendant des autres États pour certains de ses besoins. « Qu’on le veuille ou pas, nous allons toujours dépendre des autres », déclare-t-elle. Bien que le pays puisse avoir les ambitions, elle est d’avis que, dans l’implémentation, cela coûterait beaucoup d’argent, donnant les énergies renouvelables comme exemple. 

Un avis que ne partage pas Jean-Claude de L’Estrac, qui pense que dans ce registre-là, le pays serait « béni », citant un rapport d’expert en matière d’énergie renouvelable. « Ce sera un investissement rentable à long terme », soutient-il. Il estime que Maurice peut aussi mieux faire en ce qui concerne l’agroalimentaire. 

Milan Meetarbhan s’est, pour sa part, appesanti sur le développement de l’économie océanique. Selon le constitutionaliste, il aurait fallu privilégier une approche holistique pour ce secteur. Il indique que le pays disposait d’un plan en ce sens depuis fin 2013, mais trouve dommage que Maurice piétine sur ce dossier. Cela, alors que d’autres pays, qui s’y sont mis beaucoup plus tard, aient devancé Maurice.  

Distribution de la richesse

Dr Jyoti Jeetun est d’avis qu’il y a une perte de la culture du travail et de l’entreprenariat. « Or, il est important d’encourager les gens à se lancer dans l’entreprenariat, qu’ils soient des ‘self employed’ ou des petites et moyennes entreprises. Car ce sont ces derniers qui vont grandir et qui vont apporter de la richesse », affirme-t-elle. Selon la CEO du groupe Mont Choisy, il faut démocratiser les ‘procurement policies’. « Plus vous êtes ouvert aux petites entreprises, plus vous favorisez le partage de la richesse », soutient-elle.

 

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