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Mieux comprendre : des facteurs externes font augmenter les prix

La fermeture de ports chinois en raison de la Covid-19 a bouleversé davantage le transport maritime.

Après avoir reculé aux mois d’août et de septembre, l’inflation pourrait repartir à la hausse si les tendances mondiales sont transférées avec effet immédiat au consommateur. Nous n’en sommes pas là. Cernons les éléments de l’équation et le poids des facteurs externes.

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Importations

Maurice est un importateur net de nourriture, de produits pétroliers et d’équipement, nous mettant de facto en position de faiblesse. Les chiffres de Statistics Mauritius le confirment. En 2020, la facture a été de Rs 166,3 milliards (une année marquée par la fermeture des frontières et l’absence de tourisme pendant neuf mois). Le déboursement pour les produits alimentaires a été de Rs 36 milliards. Cette somme a représenté 22 % de du montant total à l’importation. Les produits pétroliers ont nécessité des paiements totalisant Rs 20,9 milliards (12,6 % des achats externes). Et l’importation des équipements et de véhicules a compté pour Rs 36,6 milliards (22 %).

Pétrole

La demande mauricienne en produits pétroliers sur un an est de quelque 1,1 million de tonnes, selon les appels d’offres lancés début octobre par la State Trading Corporation. Cet exercice d’appels d’offres intervient dans une période où le cours du pétrole a atteint de nouveaux sommets. Le prix d’un baril s’est maintenu au-dessus des 80 dollars. L’ascension a pour source le rebond économique et la hausse dans la consommation mondiale et des stocks en baisse. Qui plus est, l’Hémisphère Nord entre en période hivernale. Le gaz naturel, utilisé pour le chauffage, est en pénurie. Idem pour le charbon. Ce faisant, les pays se tournent vers la source alternative que représentent les produits pétroliers, boostant le prix. Petit importateur à l’échelle mondiale, Maurice paiera le prix fort, sans broncher. Et cette hausse serait répercutée à la pompe, donnant un coup d’accélérateur à l’inflation.

Alimentation

L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a tiré la sonnette d’alarme jeudi 7 octobre : « Les prix mondiaux des denrées alimentaires ont augmenté pour le deuxième mois consécutif en septembre pour atteindre leur plus haut niveau depuis 10 ans, en raison de la hausse des prix des céréales et des huiles végétales. » Le prix du blé est en progression de 4 % dans le sillage d’une baisse dans les exportations et une forte demande pour cette denrée. Les prix mondiaux du riz sont en progression de 38 %. Selon la FAO, toujours, l’huile végétale affiche une hausse de 60 % en glissement annuel. En ce qui concerne les produits laitiers, la demande globale fait face à des carences saisonnières de fourniture en Europe et Océanie (Australie, Nouvelle-Zélande).

Inflation

L’inflation se décline en deux versions. La première est l’inflation en glissement annuel, mesurant les fluctuations sur un an. Exemple. En septembre 2020, l’indice des prix a été de 106 points. En septembre 2021, l’indice est passé à 111,7 points. La hausse est de 5,4 %. Donc, on dit que l’inflation en glissement annuel est de 5,4 %. Notons que cette mesure est très volatile parce qu’une brusque et temporaire hausse de prix pourrait donner lieu à un chiffre élevé. La seconde mesure représente une évolution moyenne annuelle : le niveau des prix sur une période de 12 mois comparé au chiffre similaire d’un an plus tôt. Le mois écoulé, cette mesure d’inflation a été de 3,2 %. D’ailleurs, c’est cette inflation dite globale qui est utilisée dans le calcul de la compensation salariale.

Sources

En août dernier, la Banque de Maurice a interrogé 40 partenaires économiques sur leurs attentes en termes d’inflation. Ils avancent les trois principaux facteurs qui influencent le présent environnement. Ils ont été 33 personnes à citer le taux de change comme la première source de l’inflation. Les facteurs externes représentent la deuxième source, avec 27 mentions. Et les fluctuations dans la demande sont la troisième raison de l’inflation, selon 21 personnes.

Dépréciation

Certes, deux mois de suite, la roupie s’est raffermie face à un panier de devises incluant le dollar et l’euro. Or, la roupie sort d’une séquence prolongée de dépréciation contre le dollar (66 % de nos importations sont libellés en dollar américain). Pourquoi ? Avec la fermeture des frontières et l’absence de touristes, le pays a été sevrée de devises étrangères, provoquant la dépréciation. Garant de la stabilité financière, la Banque de Maurice intervient de manière régulière sur le marché de changes. L’intervention se fait, en moyenne, par le biais de vente de 25 millions de dollars aux banques commerciales. L’offre et la demande déterminent, en temps normal, le taux de change.

Fret (I)

Des cas de pandémie détectés dans l’enceinte des ports, en Chine par exemple, a provoqué la fermeture totale ou partie d’infrastructures au cœur de la chaîne mondiale de distribution. Dans une analyse en date du 12 octobre, Gita Gopinath,     conseillère économique et directrice du département des études du Fonds monétaire international, souligne à cet effet : « Des flambées de la maladie dans des maillons essentiels des chaînes d’approvisionnement mondiales ont provoqué des ruptures plus longues que prévu, ce qui a attisé l’inflation dans de nombreux pays. »

Fret (II) 

Sise au cœur d’un corridor maritime majeur entre l’Asie et l’Amérique du Sud, l’économie mauricienne néanmoins est peu desservie par les lignes maritimes. Et d’une, à l’heure des choix en période de crise, nous avons constaté que les voyages entre l’Asie et l’Afrique sont écourtés rien qu’en biffant le stop à Port-Louis. Le transport maritime est bouleversé avec l’avènement de la pandémie. Les dessertes ont été réduites. Le nombre de conteneurs en circulation dans le monde a chuté, causant une pénurie. Le porte-conteneur Ever Given s’est mis en travers du Canal de Suez en mars dernier et y est resté six jours durant. Programmé avec minutie, le calendrier du transport maritime est bouleversé. Les prix flambent davantage. Intervenant sur Radio Plus dans l’après-midi du mardi, Alain Malherbe, qui est le directeur-général d’Island Maritime Services, a indiqué que le coût pour acheminer un conteneur de 20 pieds d’Asie vers Port-Louis devrait coûter 15 000 dollars (Rs 630 000) contre un présent prix oscillant entre 5 900 dollars et 6 100 dollars. 

L’intérêt

Le comité sur la politique monétaire se réunit dans une semaine, sous la présidence de Harvesh Seegolam, Gouverneur de la Banque de Maurice. En temps normal, l’inflation est prise en considération pour déterminer si le taux directeur (présentement à 1,85 %, son niveau historique le plus bas), devrait être maintenu ou revu à la baisse ou à la hausse. Or, l’inflation dont il est question aujourd’hui est une inflation importée, explique l’économiste Takesh Luckho. « Pour le moment, la priorité demeure la croissance. L’accès à l’argent ne peut être plus cher en ces temps de relance. L’inflation ne serait pas à un niveau alarmant. Le contrôle des prix, dans une certaine mesure, est désormais du ressort des organismes étatiques, » a-t-il dit.

 

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