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Micquel Zialor : la revanche d’un orphelin sur la vie

Micquel Zialor Micquel Zialor et ses deux tantes.
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Entre précarité et souffrance, Micquel Zialor a pu s’en sortir. À 33 ans, il est éducateur en Tourisme et Gestion au collège Père Laval. Lui seul sait à quel point son parcours a été difficile. Orphelin de père et abandonné par sa mère alors qu’il n’avait que sept ans, ce jeune habitant de Batterie-Cassée prend une revanche sur le sort.

Chagossien et charpentier de profession, Régis Zialor est décédé des suites d’une cirrhose du foie en 2001. Sa femme l’a quitté en 1992, laissant à ses soins ses trois enfants : Anouchka (quatre ans) Bianca (deux ans) et Micquel (sept ans.) Ces derniers sont livrés à eux-mêmes avec leur père, qui avait un penchant pour l’alcool. « La plupart du temps, mon père était ivre. Nous vivions dans une bicoque en tôle, voire une véritable passoire lors de grosses pluies », raconte avec peine Micquel. Et d’ajouter qu’après le départ de sa mère, ce sont ses grands-parents, Liliane Latour et Henok Zialor, qui se sont occupés, jusqu’à leur mort, de ses sœurs et de lui. Puis ses tantes Eline et Greta Zialor ont pris la relève.

Micquel Zialor
Micquel Zialor a pu s’en sortir grâce à sa détermination.

En 1996, Micquel effectue son Certificate of Primary Education mais ne peut poursuivre ses études secondaires faute de finances. « J’ai eu honte de dire que mes parents n’avaient pas les moyens de m’envoyer à l’école. J’ai dit que je ne voulais pas y aller. Je regardais mes amis avec leur uniforme. Cela me fendait le cœur de ne pouvoir faire autant…  »  Il reste à la maison pendant un an et entame de petits boulots dans une usine et un supermarché pour un salaire de Rs 530. Somme dont la moitié est remise à ses tantes pour acheter de quoi manger et, l’autre partie, il la garde précieusement pour ses besoins personnels.

Rencontre avec une bonne fée

En 1999, Micquel et sa tante font des achats pour la période festive à Ste-Croix et entrent dans le magasin d’Ariane Navarre-Marie. Cette dernière lui fait la conversation et Micquel lui raconte son histoire et sa situation familiale. « Elle était révoltée qu’à 14 ans je travaillais au lieu d’aller à l’école. Et, elle a tout de suite entamé des démarches pour me trouver un collège », dit-il. En 2000, ma tante et moi avons approché tous les collèges de Port-Louis  : « On m’a refusé l’admission en Form I car j’avais 15 ans. J’ai perdu espoir de pouvoir reprendre mes études. » Ensuite, la bienfaitrice met Micquel en contact avec le collège Père Laval, à Ste-Croix, où étaient scolarisés des élèves moins brillants, recalés et exclus du système éducationnel.

J’ai revu ma mère après qu’elle a participé à une émission de la MBC. On a repris contact pour déjeuner dans un restaurant pour la Fête des mères. J’ai attendu… elle n’est jamais venue. Depuis je suis passé à autre chose.»

Direction le collège Père Laval, où Micquel rencontre la rectrice d’alors : Paula Atchia.  Cette dernière lui annonce qu’il commence l’école tout de suite. « J’étais surpris. Je n’avais pas d’uniforme ni de quoi écrire. Elle a ouvert son tiroir et en a sorti deux cahiers et des plumes. Et je suis parti en classe, évidemment avec des yeux rivés sur moi. Je ne me suis pas laissé intimider. J’ai foncé, car je voulais absolument étudier », confie-t-il.

Il passe directement en Forme II, tout en étant conscient qu’il devra redoubler d'efforts pour se rattraper. « Je n’avais aucun intérêt à doubler les classes, me disait madame Atchia. C’était le deal », dit-il dans un éclat de rires.

Motivé, Micquel persévère et prend les livres de sa sœur Anouchka qui était elle en Form I et emmagasine le maximum. « Je me suis retrouvé avec 12 matières à apprendre. »  Il passe ainsi des jours et des jours à la librairie de la municipalité de Port-Louis pour prendre des notes. Il réussit à le faire et obtient de bons résultats.

« J’étais même le premier de la classe et Best Student of the Year.  » Au fil des années, Micquel se consacre davantage à ses études dans ce collège qui accueille, comme lui, d’autres enfants vivant dans la précarité.

Si sa crainte initiale était de ne pouvoir rattraper ses études et de décevoir les personnes qui ont cru en lui, toutefois Micquel, avec de bons résultats, change d’établissement scolaire en 2001 pour faire sa Form IV et son School Certificate au collège La Confiance. S’il brillait à l’école, toutefois à la maison, il a dû travailler pendant les vacances scolaires pour se faire un peu d’argent. « En tant que grand frère, j’avais la responsabilité de m’occuper de mes sœurs. Ce faisant, j’ai perdu une partie de mon enfance mais je ne regrette pas, car cette situation nous a permis de tisser des liens uniques. Et, c’est ce qui nous a permis de nous soutenir mutuellement malgré les aléas de la vie, » souligne Micquel.

Faute de combinaisons, Micquel se retrouve par la suite au collège de St-Andrews pour effectuer son Higher School Certificate. Il passe ses examens et souhaite devenir enseignant d’anglais ou de français. Il fait une application à l’université de Maurice, en vain. Avec du temps à revendre, il donne des cours au siège du Groupe Réfugiés Chagos pour toute personne qui veut s’instruire. Puis, il opte pour des études en « Tourism & Management » à l’université de Technologie à Pointe-aux-Sables. Il y reste jusqu’en 2010 où il en sort diplômé. « Je ne gagnais pas suffisamment d’argent pour payer mes études tertiaires. J’y étudiais à temps partiel. Mais après, j’ai eu la chance d’être sponsorisé par un prêtre anglican pour mes frais d’études. Je suis devenu étudiant à plein temps. »  De 2011 à 2012, Micquel travaille dans une compagnie d’agence de voyages.

Retour aux sources

En 2013, enfin une bonne nouvelle !  Micquel devient enseignant en Tourism & Management au collège Père Laval, lieu où tout a commencé pour ce jeune homme. En 2014, l’école propose le Tourism & Management comme matière. Micquel fait ses preuves et devient chef de ce département. En 2015, il effectue un Master in Business Administration à l’Open University et termine en 2017. À l’avenir, il envisage de faire son doctorat mais, malheureusement, il lui manque de quoi financer. Mais, il ne baisse pas les bras et affirme qu’il fera tout pour faire de ce rêve une réalité. Aimant les voyages, Micquel a toujours chéri le rêve d’être membre d’équipage de Qatar Airways ou d’Emirates, mais avoue maintenant que cette ambition n’était que superficielle. Car être enseignant lui permet de redonner la chance qu’il a eue aux jeunes du collège Père Laval. Ayant vécu lui-même dans une situation difficile, Micquel indique : « Il faut comprendre et accompagner ces jeunes à sortir de cette situation », dit-il.

Ce métier lui a permis de gravir les échelons et de faire des progrès dans la vie. « J’ai pu construire ma maison, j’ai pu voyager et faire mes études supérieures. Mais je suis redevable envers ceux qui m’ont soutenu lorsque j’étais en difficulté ». Aujourd’hui, Micquel Zialor n’a rien à envier aux autres. De nature calme et aimant la simplicité, il a pour loisirs les randonnées dans la nature, les sorties entre amis, la lecture et les séries télévisées. « Parfois un peu de fantaisie dans la vie permet d’échapper à la réalité. Mais, je suis fier de mon parcours, malgré les stéréotypes qui prévalent que les enfants de la localité sont voués à l’échec. »  Il a également la cuisine comme passe-temps.

D’ailleurs, il est aussi un bon amateur de vin et de fromage. Ce sont des atouts appris lors d’un stage à l’école hôtelière, nous dit-il. Son plat préféré est un bon  meefoon frit. Il sait cuisiner de succulents plats chagossiens, parmi le fameux « Cirage Coco ».

 

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