Michelle Carinci, forte de ses 40 ans d’expérience dans l’industrie du jeu, parle de l’avenir du Loto à Maurice. La CEO, en poste depuis avril 2012, est d’avis que la contribution directe à la caisse de l’État devrait être réduite.
Les comptes annuels de la Lottotech Limited montrent que ses profits ont chuté de 76 % pour atteindre Rs 40 millions. Comment décririez-vous l’année 2015 ?
Ce fut une année très intéressante. L’interdiction de la publicité le lendemain de la présentation du Budget n’a pas été d’un grand choc. Mais ce fut inattendu.
Les profits cette année-ci ont été de Rs 66 millions. Nous avons déboursé Rs 26 millions sous forme de coûts associés au licenciement et l’annulation des cartes à gratter. Le bilan financier démontre à quel point la Lottotech est résiliente. La compagnie a vécu des mois difficiles après l’annonce. L’incertitude a plané. La jeune équipe de Lottotech ne s’est jamais retrouvée dans une telle situation dans le passé. Mais elle a réagi avec célérité.
La direction a pris des mesures pour réduire le coût des opérations et s’assurer que l’entreprise soit profitable. Il y a eu le licenciement des employés affectés au département de cartes à gratter de même que des personnes faisant partie de l’équipe de ventes. Ce fut très difficile puisque cette équipe s’est bâtie depuis 2009, année du lancement. De plus, nous avons consolidé nos opérations sur un seul niveau, à Ébène.
Comment se présentent les affaires en 2016 ?
C’est le statu quo. Nous ne sommes pas au courant d’éventuels changements dans le court terme. Nous avons un tirage hebdomadaire, chaque samedi. Donc, ce serait similaire qu’en 2015. Les ventes ont été stabilisées.
En 2015, après l’annonce des mesures budgétaires - dont l’interdiction de la publicité dès le lendemain de la présentation - les ventes pour le jeu Loto ont chuté de 20 % en l’espace d’un mois. Quant aux cartes à gratter, la vente a été symbolique par manque de nouveaux jeux. Il n’y a aucun doute, cependant, que nous avons perdu des joueurs. Auparavant, le Loto attirait des chasseurs de jackpot. Ces joueurs s’achetaient un ticket au fur et à mesure que le jackpot grossissait. Ce sont les billboards et la publicité autour qui attiraient leur attention. Mais nous avons toujours une base très solide quand la cagnotte repasse à Rs 5 millions.
En moyenne, pour une année normale, les recettes ont oscillé entre Rs 1,9 milliard et Rs 2 milliards. Aujourd’hui, c’est de Rs 1,6 milliard. L’équipe a abattu un travail fantastique. Elle a été très créative. Nous pouvons maintenant communiquer des informations basiques. Cette année-ci, nous ne nous attendons pas à ce que les ventes s’effritent davantage dans le court terme. Mais si nous ne sommes pas en mesure d’introduire des nouveautés, les joueurs s’en lasseront. Les recettes passeront sous les Rs 1,6 milliard. En 2017-2018, la situation risque d’être différente.
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«Avec les mesures budgétaires, tout le monde a perdu. C’est non seulement les 11 000 actionnaires de la Lottotech, mais le Mauricien aussi.»
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Est-ce la présente situation est appelée à évoluer ?
À ce jour, selon la position du gouvernement, c’est un tirage du Loto par semaine, sans publicité. Je ne suis pas en mesure de dire si la donne changerait à l’avenir. À notre niveau, nous estimons que des opportunités (pour des nouveautés) existent.
Regardons les faits. Les ventes ont chuté de 38 %. Les commissions payées aux commerces offrant le Loto ont baissé de 38 %. La contribution directe à la caisse de l’État (connu comme le Consolidated Fund) est en régression de 32 %, passant de Rs 622 millions à Rs 388 millions. Donc, tout le monde a perdu. C’est non seulement les (11 000) actionnaires de la Lottotech, mais le Mauricien aussi.
Le Loto n’est qu’un jeu de chance, dites-vous ?
Il y a eu plus de 200 études, jaugeant la prévalence des jeux et des paris. À Maurice, aucune étude de genre n’a été faite. Les études démontrent, dans ce segment des jeux, en moyenne 2,3 % des adultes ont des problèmes associés, jouant plus que les autres.
Pour le Loto, à Maurice, le joueur achète son ticket et attend jusqu’à samedi pour le tirage. La seule excitation est peut-être de rêver comment on compte dépenser le jackpot. La chance de remporter le jackpot est d’un sur 3,8 millions. Du montant total misé, 45 % sont reversés aux joueurs.
Voyons maintenant les machines à sous, les jeux en live (roulette, black-jack) et les paris sportifs. Une machine à sous remet 95 % de la mise. Le joueur enregistre des gains chaque trente secondes ou une minute. Ce n’est pas une fois la semaine. Au niveau des paris sportifs, le joueur mise selon ses préférences, ses analyses de performances et observation (de la forme des chevaux).
Retournons au jeu du Loto. Le joueur n’a aucune indication sur les numéros. Les joueurs ne vont pas miser gros chaque semaine. D’un point de vue du gouvernement et du régulateur des jeux, la décision n’est point pour autoriser la mise à exécution de notre plan.
Quand il s’agit d’octroyer une licence pour un nouveau casino ou autre, cela requiert une approche différente. Il y a plus de responsabilités et plus de discussions sont requises.
En termes de mises, quelle est la tendance ?
Par tête d’habitant, la mise est de Rs 40. Elle s’est stabilisée. Je suis confiante que nous avons pu stabiliser la situation.
La licence pour le jeu Loto est valide pour dix ans. Il vous reste encore trois ans. Sans un changement, est-ce la fin du Loto avec les Mauriciens misant de moins en moins ?
Je ne crois pas que ce sera la fin. Nous avons pris un coup. Les profits ont chuté. Nous pouvons stabiliser la situation pendant un bout de temps. Mais, au même moment, c’est dans l’intérêt de toutes les parties concernées pour étudier de nouvelles options afin de redonner la valeur et assurer le succès du jeu.
Êtes-vous confiant que la licence sera renouvelée en 2019 ?
Je ne sais pas. Tout ce que nous faisons est avec l’idée que la licence sera renouvelée. De par mon expérience, si on est un opérateur solide sans aucun problème, généralement, le permis est renouvelé. Mais rien n’est garanti.
Depuis l’annonce des mesures budgétaires, est-ce que la Lottotech a eu des séances de travail avec la Gambling Regulatory Authority ou le ministère des Finances ?
Après l’annonce, le conseil d’administration a fait appel à la firme PricewaterhouseCoopers d’abord pour déterminer le coût des dépenses ponctuelles associées. La seconde étude a été de chiffrer le pourcentage de la contribution à la caisse de l’État après l’implémentation des mesures budgétaires.
En 2012, à la suite d’une première rupture du contrat de la part du gouvernement, la cour de médiation a statué que la contribution devrait passer à 46,1 %. Aujourd’hui, selon le rapport de PwC, elle serait réduite de manière plus conséquente.
Nous avons rencontré les préposés de la GRA à deux reprises. Nous leur avons remis les deux rapports. Nous estimons que notre demande, pour le remboursement des frais associés aux mesures budgétaires, est légitime. Idem pour une baisse du quantum de la contribution au Consolidated Fund pour ramener la profitabilité et la valeur aux actionnaires.
La deuxième option pour redonner de la valeur est de faire croître les affaires d’une manière acceptable au gouvernement et le régulateur.
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