Meurtre de Soopramanien Kistnen : zoom sur les protagonistes égratignés par le détenu Shibchurn

Les révélations de Vishal Shibchurn via un affidavit concernant les présumés auteurs et les circonstances entourant le meurtre de Soopramanien Kistnen devraient faire l'objet d'une enquête approfondie des Casernes centrales. En fin de semaine, les déclarations sous serment dans son affidavit ont provoqué une tempête, après que deux personnalités citées, l'ex-ministre Yogida Sawmynaden et le proche du pouvoir Basoodeo Seetaram, ont porté plainte pour « swearing false affidavit » contre l'ex-sapeur-pompier. Ce dernier a impliqué le défunt Manan Fakoo, Yogida Sawmynaden, un certain Suraj, des policiers, et des personnalités politiques ainsi que leurs proches.

La Major Crimes Investigation Team (MCIT) compte lancer une enquête sur ces accusations. Plusieurs de ces individus ont déjà fourni des dépositions à la police dans le cadre de l'affaire Kistnen. Selon nos sources au sein de la MCIT, une centaine de personnes ont été interrogées dans cette enquête. Tous ont nié être impliqués ou connaître les auteurs de ce meurtre.

Yogida Sawmynaden 

L'ex-ministre du Commerce s'était retrouvé au cœur de l'affaire d'emploi fictif de Simla Kistnen au poste de Constituency Clerk. Cependant, la cour a fini par blanchir Yogida Sawmynaden dans cette affaire. Simla Kistnen avait affirmé n'avoir jamais perçu le salaire de Constituency Clerk, bien que son nom figurait sur les registres. Elle a déclaré que son défunt époux aurait entamé les procédures à son insu. À plusieurs reprises, l'ex-ministre du Commerce a affirmé que la vérité finirait par triompher dans cette affaire.

Juin 2022 : Shibchurn mentionné dans l'affaire

Dans une déposition à la MCIT, Vishal Shibchurn avait initialement déclaré n'avoir aucune connaissance des circonstances entourant la mort de Soopramanien Kistnen. Son audition avait eu lieu après la diffusion d'une vidéo par Bruneau Laurette en juin 2022. Dans cette vidéo et lors d'une déposition au Central Criminal Investigation Department (CCID), Bruneau Laurette avait évoqué un lien entre les meurtres de Manan Fakoo et de Soopramanien Kistnen. Il avait cité son informateur, un certain Hans, qui lui aurait confié que le duo « Budlorun-Shibchurn » était impliqué dans la mort de l’ex-agent du MSM.

Interrogé comme suspect, Vishal Shibchurn avait nié toute implication et affirmé à la MCIT ne rien savoir sur cette affaire. « Drôle zordi li pe vinn dir li kone kitsoz », ont confié des enquêteurs chargés du dossier sur la mort de Soopramanien Kistnen. Le duo Budlorun et Ronron avait également nié toute connaissance de cette affaire lors de leur interrogatoire.

Le dénommé Suraj nie toute implication

Le dénommé Suraj, également cité dans l'affidavit, avait attiré l'attention des enquêteurs de la MCIT. Proche ami de Simla Kistnen, il avait été entendu dans le cadre de l'enquête sur la diffusion de photos intimes de cette dernière. Lors de son interrogatoire aux Casernes centrales, Suraj avait confirmé connaître Simla Kistnen et admis avoir enregistré des vidéos de leurs moments intimes. Cependant, lorsqu'interrogé sur la mort de Soopramanien Kistnen, il avait nié toute implication. 

L’ex-ASP Roshan Kokil et l’inspecteur Ujodha

L’ancien haut gradé du CCID Roshan Kokil avait entamé des volets de l’enquête sur l’affaire Kistnen aux côtés de l’ex-inspecteur Ujodha, aujourd’hui à la retraite. Tout porte à croire qu’ils avaient été dépêchés par les Casernes centrales à la prison La Bastille où Vishal Shibchurn se trouve. Ce dernier affirme que les deux policiers l’auraient écouté sans enregistrer une déposition en bonne et due forme. De plus, ils l’auraient aussi intimidé et menacé de lui faire porter le chapeau dans l’enquête sur la mort de Kistnen. « Nu ena tou moyen pu vire case Kistnen lor twa », lui auraient-ils lancé, indique Vishal Shibchurn dans son affidavit.

Manan Fakoo : l’homme qui avait du cran

Son nom s’est retrouvé dans les médias à plusieurs reprises. Manan Fakoo a été abattu par balle le mercredi 20 janvier 2021 alors qu’il circulait à bord de sa voiture. Deux individus sur une moto se sont approchés de son véhicule et ont tiré trois balles à bout portant dans sa direction. 

Souvent décrit comme un homme qui ne recule devant rien, on disait de lui qu’il avait du cran. D’ailleurs, ses frasques en disent long sur lui. En juillet 1997, poursuivi pour agression dans une boîte de nuit, il fait faux bond à la justice pendant deux ans. Une année plus tard, il est mêlé à l’agression au sabre d’un policier alors qu’ils tentaient de mettre fin à un meeting politique, à Brisée-Verdière, Flacq, durant l’élection partielle. Poursuivi pour avoir ordonné cette attaque, il a été condamné à une année de prison, après appel.

À la tête du groupe Shiv Senna, en 2000, ce semeur de troubles est arrêté dans le cadre de l’agression et la séquestration d’un dénommé Heman Kumar H. deux ans plus tard. Cependant, il finira par obtenir le bénéfice du doute de la cour. En 2006, soit le mardi 7 février, il porte plainte au poste de police de Quatre-Bornes contre des videurs du casino Ti Vegas. Il les accuse de l’avoir agressé et menacé au revolver avant de lui dérober de Rs 101 500. Le lendemain, des hommes armés saccagent sa maison à Beau-Bassin et des coups de feu sont aussi tirés. À l’arrivée de la police, alors que Manan Fakoo sort de son domicile, il est lynché par la foule. Il est même agressé au sabre et laissé pour mort dans la rue.

12 septembre 2006 : Un mandat d’arrêt est lancé contre lui pour qu’il purge sa peine d’un an d’emprisonnement pour les violents incidents au meeting de Dinesh Ramjuttun à Brisée-Verdière. Il disparaîtra aussitôt ce mandat d’arrêt émis contre lui et mènera alors une vie de fugitif. Au final, il se constitue prisonnier et conduit à la prison haute sécurité La Bastille.

2013 : Son fils de 19 ans et lui sont arrêtés pour vol par la Field Intelligence Unit (FIU) de la Western Division, mais tous deux font preuve de résistance. Manan Fakoo tente de foncer sa voiture sur un des policiers, mais ces derniers parviennent à mettre la main le père et le fils.

Cité dans l’affidavit de Vishal Shibchurn : Basoodeo Seetaram, bras droit du PM et acteur clé dans l’industrie du poisson

Le nom de Basoodeo Seetaram, régulièrement présent dans l'actualité en raison de sa proximité avec le Premier ministre Pravind Jugnauth, figure parmi les noms cités dans l’affidavit juré par Vishal Shibchurn. Connu pour avoir été le bras droit du leader du Mouvement socialiste militant (MSM) pendant plus de vingt ans, Seetaram est décrit par diverses sources au Quartier Général du MSM, au Sun Trust, comme quelqu'un prêt à « prendre une balle pour Pravind Jugnauth ». 

De plus, étant un homme proche du Premier ministre, et de par la confiance que Pravind Jugnauth lui accorde, il peut être appelé à gérer des situations complexes et controversées, selon des sources au sein du MSM. Ce rôle crucial démontre l'importance de Seetaram dans les cercles proches du pouvoir.

En dehors de sa proximité avec le Premier ministre, Basoodeo Seetaram est également connu comme un acteur clé de l'industrie du poisson, notamment à travers ses compagnies telles que Tripod Fish Ltd. En octobre 2023, cette entreprise a obtenu un contrat d'un an pour la livraison de thon tranché, nettoyé et congelé à la police, d'une valeur totale de Rs 3 039 600.

Les proches de Basoodeo Seetaram soulignent que les contrats obtenus auprès du gouvernement ne sont pas nouveaux. En effet, Tripod Fish Ltd avait également obtenu des contrats sous l’ère du Parti travailliste en 2008, 2012 et 2013. « Tripod Fish Ltd est une compagnie créée en 2002, forte de plusieurs années d'expérience dans le secteur du poisson », expliquent-ils.

Selon le dernier bilan financier pour l'année 2023, Tripod Fish Ltd a réalisé un chiffre d'affaires de Rs 21 968 721 et un profit de Rs 1 578 636. Ces chiffres témoignent de la solidité et de la rentabilité de l'entreprise dans le secteur de la pêche.

Issa Bacsoo : Meneur du gang de Camp-Yoloff

Le gros bras, Amaanullah Issa Noordinally Bacsoo, dit « Gro Issa », est désigné comme étant le cerveau derrière l’expédition mortelle ayant coûté la vie à Goolam Khodabux, 68 ans, au rond-point de Camp-Yoloff, à Port-Louis.

Actuellement en prison, ses sbires et lui, du gang de Camp-Yoloff, sont accusés d'avoir perpétré une véritable démonstration de violence, armes tranchantes en main, tout près du poste de police de Trou-Fanfaron en pleine journée du vendredi 3 mai dernier.

Issa Bacsoo et ses hommes sont soupçonnés d'avoir sauvagement agressé des membres d’un gang rival, entraînant la mort de Goolam Khodabux après plusieurs jours d’hospitalisation. La police suspecte que cette agression est liée à un vol de téléphone cellulaire dans un point de vente de drogue à Karo Kalyptis. La bande du gros bras Issa Bacsoo est suspectée d’être derrière plusieurs règlements de comptes et autres agressions.

« Ena boukou case ki sa lekip la inn fer, selma bann viktims pa vinn fer deklarasion. Zot per e bann case la pa raporte lapolis », explique un limier de la police criminelle (CID) de Port-Louis Nord.

Issa Bacsoo et son gang, composé de Meraj Mohamad Bageerutty, Mohammad Nawfar Kodabuckus, Nasif Hossenbuccus, Sheik Mohammad Sharaad Usamah Kurmally, Kenwell Julien Marie, Muhammad Nadhir Khan Chetty et Nadeen Ahmad Bheekhun, ont, le 27 mai dernier, devant le tribunal de Port-Louis, exprimé leurs craintes pour leur sécurité au centre pénitentiaire et ont demandé à bénéficier d’une protection.