Des meurtres d’enfants, liés à la drogue, soulèvent des questions sur l’efficacité des lois protégeant l’enfance. Experts et avocats appellent à des mesures renforcées et à une réflexion sur la responsabilité parentale face à cette crise sociétale.
Après le meurtre sordide d’Elodie Kathalea Gaspard, 7 ans, fin novembre 2024, agressée sexuellement puis étouffée par l’ancien compagnon de sa tante, un toxicomane, une autre petite fille, Marie Catalea Nalatambee, 19 mois, a connu, malheureusement, une fin atroce à peine un mois après. Le 1er janvier 2025, alors qu’il aurait été sous l’influence de la drogue synthétique, Josian Sylvio Edmond, dit Touloute, un charpentier âgé de 46 ans, l’a tuée. Ces drames mettent en lumière l’impact dévastateur de la drogue synthétique sur la société et questionnent l’efficacité des lois de protection de l’enfance.
Sam Lauthan, ancien travailleur social, se dit d’ailleurs profondément alarmé par la montée de la violence liée à la consommation de drogue synthétique. Il rappelle que l’une des recommandations de la commission d’enquête sur la drogue, présidée par l’ancien juge Paul Lam Shang Leen et dont il était l’un des assesseurs, visait à renforcer la protection des enfants face aux dangers accrus posés par la drogue.
« Quand une personne devient dépendante, elle dépasse le stade du simple plaisir ou du ‘just for fun’. Elle perd toute rationalité. Ces individus sont comme des zombies, coupés de tout, avec un cœur de pierre », explique-t-il. Sam Lauthan partage une anecdote marquante : « Une dame m’a récemment confié qu’elle ne supportait plus le comportement de son fils. Il fait souffrir sa belle-fille et, sous l’effet de la drogue, devient incontrôlable. Elle m’a dit que lorsqu’il s’endormirait sous l’effet des substances, elle serait prête à le tuer pour protéger sa bru. »
45 ans de prison
Ce témoignage illustre, selon lui, l’ampleur du problème. « La drogue synthétique a fait des ravages ces dernières années. Si nous n’agissons pas rapidement, dans cinq ans, il sera trop tard. »
Sam Lauthan appelle à une vigilance accrue face à une crise qui, selon lui, pourrait empirer si des mesures concrètes ne sont pas mises en place rapidement. « Même si les lois actuelles sont déjà sévères, il faut encore les durcir. Ces toxicomanes, bien qu’ils soient des malades, représentent un danger réel pour les enfants, les femmes, les familles, et plus largement pour la société », insiste-t-il.
Faut-il, comme le propose Sam Lauthan, durcir les lois pour les crimes contre les enfants ? À cette question, l’avocate Mrina Lutchmun tient d’abord à apporter des éclaircissements. Le décès violent d’un enfant aux mains d’un adulte, qu’il soit sous l’influence de drogue ou d’alcool ou non, est qualifié de meurtre lorsqu’il n’y a pas de préméditation, mais une intention de tuer, explique-t-elle. Cette intention, précise-t-elle, peut se déduire de la violence des coups infligés à l’enfant.
« La peine maximale imposable par la Cour est de 45 ans de prison. Toutefois, le juge dispose d’une certaine marge de manœuvre pour réduire cette peine en fonction des circonstances spécifiques du cas », précise-t-elle. Cela dit, « le fait que la victime soit un enfant sans défense est un facteur aggravant qui pourrait justifier une peine proche du maximum », ajoute l’avocate.
De son côté, Me Sanjay Bhuckory invite à une réflexion mesurée, loin des décisions hâtives : « Tout dépend de la loi sur l’infanticide que l’on évoque. La question essentielle à se poser est : quelles sont les réelles circonstances du crime ? Drogue, alcool, disputes conjugales ou d’autres facteurs ? Il est crucial d’identifier la cause profonde avant de décider s’il faut durcir les lois. »
L’avocat souligne que le cadre législatif actuel est déjà sévère, avec des peines allant jusqu’à 45 ans de prison pour ces crimes. « Cependant, je suis contre la peine de mort. » Une pratique d’ailleurs abolie à Maurice, signataire de plusieurs conventions des droits de l’homme.
Toujours est-il, fait ressortir Me Mrina Lutchmun, qu’il est difficile de protéger un enfant contre un acte de violence soudain et imprévisible. Cependant, le Children’s Act prévoit des mécanismes de protection pour un enfant en danger ou exposé à des risques, qu’ils soient physiques ou liés à des abus sexuels, rappelle-t-il. Si un cas est signalé à la police ou aux autorités, même de manière anonyme, « la police a le droit d’intervenir, y compris dans des situations où le danger reste potentiel et n’a pas encore été concrétisé ».
Au-delà des lois en place, Me Lutchmun s’attarde sur la responsabilité des adultes ayant un rôle parental. « Il leur revient de veiller à ce que les enfants ne soient pas exposés à des situations ou à des individus pouvant représenter un danger », plaide-t-elle.
Me Bhuckory exprime, lui, des inquiétudes sur l’état de la société : « Que se passe-t-il dans notre société ? Ces actes reflètent un malaise profond. Il est important de juger chaque affaire au cas par cas, sans généraliser ni tomber dans l’amalgame. »
La responsabilité pénale sous l’effet de la drogue
« Même si un accusé affirme avoir agi sous l’effet de la drogue et qu’il ne savait pas ce qu’il faisait en commettant un crime sur un enfant, c’est à la défense de le prouver. La Cour devra ensuite juger si sa responsabilité est engagée et si l’intention était délictueuse », explique Me Ajay Daby.
L’avocat insiste sur le rôle de la poursuite dans de tels cas : « Il incombe au ministère public de démontrer que l’accusé était pleinement conscient de ses actes au moment des faits. Il ne suffit pas de prétendre que l’auteur présumé ne savait pas ce qu’il faisait parce qu’il était dans un état second. De telles affirmations ne peuvent être acceptées par la Cour sans des preuves tangibles et irréfutables. »
Concernant la défense d’automatisme, Me Daby précise qu’elle est reconnue en droit pénal. Cependant, il rappelle que « tout accusé reconnu coupable d’un crime contre un enfant est passible de sanctions similaires à celles d’un meurtrier. La gravité de la peine, toutefois, reste à l’appréciation du juge ou du magistrat en fonction des circonstances de l’affaire. »
Le meurtrier de Catalea : « Mo pa ti kone ki mo pe fer sa ler-la »
Au moment des faits, le présumé meurtrier de la petite Catalea, 19 mois, Josian Sylvio Edmond, plus connu comme Touloute, qui réside à Mahatma Gandhi, Cité Richelieu, aurait été sous l’influence de la drogue. À la police, il aurait déclaré ne pas se souvenir des faits : « Depi set-er gramatin monn al aste sintetik, monn pran, apre kinn ariv sa. Mo pa kone ekzakteman kouma » Et il aurait ajouté :
« Mo pa ti kone ki mo pe fer sa ler-la. » Actuellement en détention policière, il fait l’objet d’une accusation provisoire de meurtre.
Selon des informations, il jouait avec la fillette et l’avait prise dans ses bras avant de la projeter violemment au sol. Selon un témoin : « Touloute inn pran ti-baba-la inn pil anba. » Une version corroborée par l’autopsie pratiquée par le Dr Shaila Jankee Prasad, Police Medical Officer (PMO), qui a conclu que la petite Catalea est décédée des suites d’une fracture du crâne, après avoir été projetée violemment au sol.
Alan Ramborough placé sous protection
Jean Alan Ramborough, accusé du meurtre sordide de Kathalea Gaspard - enlevée, violée et étouffée -, est incarcéré à la Security and Protection Unit de la New Wing Prison à Beau-Bassin. Ce dispositif, réservé aux détenus à haut risque ou en danger, aurait été activé à la suite d’une requête du détenu lui-même, selon nos sources.
Selon des informateurs proches du système carcéral, tout détenu dit « high profile » peut demander à être placé dans une unité hautement sécurisée. Une simple déclaration mentionnant la présence d’un ennemi en prison ou des craintes pour sa sécurité suffit. Jean Alan Ramborough, accusé d’un crime atroce, bénéficie donc de cette protection. Placé sous surveillance constante, il est encadré par la Correctional and Emergency Response Team, qui supervise ses déplacements, notamment lors de rendez-vous à l’hôpital.
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