Economie

Metro Express : un tracé parsemé d’embûches ?

Le gouvernement se dit déterminer à aller de l’avant avec le projet Metro Express, malgré les doutes émis de part et d’autre et les protestations qui commencent, surtout par les employés du secteur du transport qui craignent pour leur avenir.  Si tout va bien, le premier train prendra son départ de Curepipe en 2021.

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La Singapore Cooperation Enterprise a revu le projet Metro Express et a soumis un nouveau concept le 26 octobre 2016. Ainsi le prix initial de Rs 31 milliards a été revu à la baisse, soit
Rs 17,7 milliards. Les calculs sur le projet reposent sur un volume quotidien de 80 000 passagers dans chaque direction.  Le tarif du métro sera aligné sur celui de l’autobus. La première phase sera construite sur le corridor Curepipe-Port Louis, avec une extension éventuelle envisagée vers le Nord et le Sud. La contribution de l’Inde s’élève à Rs 9,9 milliards. Le gouvernement dit avoir plusieurs options de financement pour la différence, notamment un emprunt bancaire d’un consortium de banques locales ou une ligne de crédit de l’Inde.

Le projet de Metro Express suscite toujours un vif débat parmi les politiciens, les économistes ou encore les syndicats. Un projet de cette envergure n’arrive pas à convaincre, et les craintes subsistent. Déjà, les travailleurs du secteur du transport s’agitent. La société civile est aussi remontée contre la prochaine disparition des aménités comme terrain de foot, espaces verts et autres, pour céder la place au Metro Express. La résistance s’organise, mais le gouvernement ne compte pas baisser les bras. L’Association des Consommateurs de l’île Maurice (ACIM) est, elle, totalement contre. L’ACIM, qui a déjà produit un rapport sur ce dossier en 1995, ne croit pas dans  la viabilité du projet et soutient plutôt l’option ‘Bus Lane’.

Le parc automobile

Notre parc automobile ne cesse de croître. Au 31 janvier 2017, la flotte de véhicules sur nos routes, tout type compris, s’élevait à 509 719. Les voitures représentaient 34 % de la flotte totale, alors que les deux-roues représentaient 41 %. Par contre, il n’y a que 3 097 autobus sur nos routes. Pour résoudre la congestion routière, un Road Decongestion Programme a été mis en place en 2008. Pendant les six dernières années, le nombre de deux-roues a augmenté de plus de 45 000. Cela explique l’étendu du dysfonctionnement du transport public, qui encourage les gens à se déplacer à moto. À noter que le secteur du transport public emploie environ 20 000 personnes directement.

Comparaison

La durée du trajet Curepipe-Port Louis en métro est estimée à 43 minutes. Notons que le parcours comprendra 19 stations.  À titre de comparaison, à Londres, le Docklands Light Railway, s’étendant de Lewisham à Stratford, comporte 18 stations sur une distance d’environ 10 kilomètres. La durée d’un trajet entre ces deux endroits est d’environ 30 minutes. Toujours à Londres, un trajet entre Gloucester Road et Upton Park, sur la District Line, dure environ 40 minutes. Ce trajet comprend 22 stations sur une distance d’environ 20 km. À New Delhi, un trajet sur le Delhi Metro, entre Chandni Chowk et Arjangarh, sur une distance de 24 km, comportant 20 stations, dure 43 minutes.

Type de véhicules Nombre en 2010 Nombre en 2017
Voiture 127,363 203,972
Véhicules dual-purpose 48,271 48,908
Motocyclettes 48,655 83,348
Mobylettes 110,674 116,723
Camions 13,186 14,681
Vans 25,914 27,675
Autobus 2,845 3,097
Autres 7,207 6,364
Total 384,115 509,719

Arvind Nilmadhub : «Il faut voir toutes les implications»

L’économiste Arvind Nilmadhub se dit pour le projet Metro Express, malgré son coût énorme. «  Tout projet ne se résume pas uniquement à son coût. Maurice moderne a besoin d’un système moderne de transport, mais attention, on ne doit pas introduire le métro léger juste parce qu’il faut l’introduire. Pour que le projet soit vraiment efficace, il faut bien considérer son tracé et voir comment le projet va contribuer au développement économique. Pendant plus de vingt ans, on ne s’est concentré que sur le tracé Curepipe-Port-Louis alors qu’entretemps, la congestion routière a gagné tout le pays. Le Metro Express révolutionnera certes le transport urbain, mais ne résoudra pas pour autant le problème de congestion ailleurs. Donc, il faut déjà travailler sur d’autres plans de décongestionnement. Cela dit, le projet aura un effet multiplicateur et les stations deviendront des pôles économiques. Mais il faut pouvoir encourager les gens à délaisser leurs voitures pour prendre le métro, sinon ça ne changera rien. Puis, nous devrons déjà commencer par réorganiser le transport public par autobus et non pas attendre la venue du Metro Express pour le faire. Par exemple, les autobus actuels sur certaines routes intra-urbaines deviendront des ‘feeder buses’. Mais il faut planifier en amont. D’autre part, des autobus excédents devront être transférés sur d’autres routes. Ensuite, nous ne savons pas encore si les trains carbureront au diesel ou seront électriques.  Le pays devra augmenter sa capacité de production, donc c’est un coût indirect. Investira-t-on dans l’énergie renouvelable pour alimenter le Metro Express ou ce sera encore l’huile lourde polluante ? Finalement, il faudrait bien intégrer le transport gratuit pour étudiants et personnes âgées dans le Métro Express. »

Zohra Gunglee : «Il faut bien planifier»

Zohra Gunglee, écono-miste, dit que le projet Metro Express transformera certes Maurice, en lui donnant un cachet moderne, mais elle craint que le projet ne soit pas viable. « Cela nécessite de gros investissements, et je me demande s’il y aura assez de passagers hors des heures de pointe. Déjà, pendant la journée, les autobus sont vides et s’entassent à la gare. Un ‘bus lane’ aurait également été approprié, et avec un investissement de Rs 10 milliards, on aurait pu améliorer le réseau routier et investir dans des bus modernes. Mais le métro léger peut aussi faire revivre le concept 24/7 dans une certaine mesure, à la longue, et contribuer à relancer de nouvelles activités économiques. Il faut planifier en amont, recruter et former les gens, et qu’on n’ait pas droit à l’erreur au risque d’avoir des accidents. Toutefois, il faut qu’on puisse réintégrer les travailleurs du secteur du transport qui risquent de perdre leur emploi. »

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