Stephano Honoré, vous connaissez ? Avec ses dreadlocks, il nous séduit avec le son de sa ravanne, qu’il caresse du bout des doigts. La soixantaine entamée, il traîne encore la patte pour gagner sa vie. Mais Menwar se dit être un homme heureux. Un homme, tout court. Simple, sans être simpliste, humaniste au fond de lui-même. Il est de ceux qu’on aime rencontrer le temps d’une soirée.
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Dans la vie, il suffit quelque fois de très peu de choses pour se sentir libre, loin du stress de l’argent, loin de la démagogie, des ‘on dit’. être ce que l’on est vaut son pesant d’or. Dans sa petite cabane au Morcèlement Rey, à Pte-aux-Sables, il a de l’espace : « Ma femme est styliste, moi artiste ». Effectivement, sa femme travaille avec son équipe de stylistes pour les artistes qui vont parader pour l’ouverture des Jeux des îles. Menwar se prépare à aller participer à un festival en Espagne. Sans être un pigeon voyageur, il arrive à butiner, telle une abeille, les frontières du monde. à faire entendre le son de sa ravanne. Un son qu’il a inventé au bout de ses doigts.
Cet homme sur lequel beaucoup ont des préjugés de par son apparence, rasta, maigrichon, habit africain, n’en a cure : « Je vis ma vie et le reste je m’en fous. »
Effectivement, le matin, il va prendre son pain, ses cigarettes et d’autres petits trucs dans sa petite bagnole, « mon outil de travail ». Lui, enfant unique issu d’un deuxième mariage, n’a pas connu d’école, à part la maternelle. Puis, il a fait tous les petits boulots inimaginables : tailleur, maçon, mécano. « Mais, je suis resté un éternel apprenti, jamais devenu pro », dit-il tout sourire.
C’est la musique qui va le sauver. En 1980, il accompagne feu Marclaine Antoine à La Réunion pour un concert et, de fil en aiguille, il s’amourache de la ravanne. Même s’il ne sait absolument pas lire, il apprend le solfège. Est-ce par instinct ? Il ne le sait lui-même. « J’ai réalisé que la ravanne se jouait de par le monde. On l’appelle le tapu en tamoul, le daf en musulman, le ‘fine drum’ en anglais... C’est un instrument universel, d’où la sortie du livre de La Méthode de la Ravanne, une initiation à cet instrument cher à Ti Frère. »
« La ravanne et moi, c’est comme simiz kalson. on communique, on se parle. Mo pa bat li kouma enn bann fer pou tap sega. Mo zwe ar li, mo koz ar li, mo kares li, lerla nou vinn enn sel », nous dit Menwar entre deux pouffées d’une cigarette.
Habits pour les Jeux des Îles
Chez lui, c’est tout simple. à l’arrière, il y a l’atelier de sa femme, avec deux ouvriers qui s’attèlent à la préparation d’habits décorés pour les JIOI de juillet prochain. Au-devant, tout un attirail d’objets liés au stylisme et, au milieu, le camp de Menwar, là où règnent des instruments en tous genres, sa caverne d’Ali Baba, dans laquelle il se retrouve.
Il faut dire que La Réunion a été un tremplin pour la carrière artistique de Menwar. D’abord par des concerts, puis par la rencontre de sa première femme artiste et, après quelques années, c’est le déclic avec Moko, la comédie musicale sur Petrusmok, de Malcolm de Chazal, en 1994. Et c’est le grand départ. De festivals en festivals, Menwar va se faire connaître. « J’ai partagé mes connaissances avec des jeunes de Marseille, un quartier très très chaud, en leur montrant la poésie corporelle pour faire évaporer cette colère vive en eux ».
En fait, Menwar ne sait pas qu’il est un mémoire, un exemple, un homme qui se fait tout petit, alors qu’il aurait pu briller autrement. C’est un gars sans artifice, sans tam tam, comme certains qui se font des centaines de milliers de ronds, mais qui, en fait, ne valent rien artistiquement, hormis à faire du « waya waya ».
à le voir chez lui, ses dreadlocks recroquevillées à l’arrière, son pantalon rastafari, un t-shirt tout simple et des sandales locales aux pieds, il est demeuré un artiste comme on les aime : touchant, tranchant et aimant. On n’en fait plus beaucoup de nos jours. Il aurait pu être riche, ne plus se faire du mouron à gagner sa vie à son âge, à courir les festivals internationaux sur invitation, à louer une maison, à se demander comment demain sera fait, s’il aura un parrainage du ministère pour couvrir une partie de ses frais de futurs voyages. à arpenter les hôtels pour quelques piastres.
Menwar a choisi une voie, un style de musique, pas du tout commercial, ne se présente pas aux fancy-fairs du coin pour quelques ronds, mais préfère des pubs, des hôtels, des soirées privées. Il refuse de se vendre aux plus offrants. Dans sa tête, c’est le son de la ravanne qui prime, pas celui des pièces d’argent. C’est cela l’homme derrière celui qu’on surnomme Menwar. C’est l’un de nos derniers Mohicans.
Livret : La Méthode de la Ravanne
Sans jamais avoir mis les pieds dans une école, sauf à la maternelle, Menwar s’est tellement amouraché de la ravanne que, petit à petit et aidé en cela par des amis, il a concocté un tout petit guide, La méthode de la Ravanne. Hormis des textes simples, il y a les bases de comment pratiquer cet instrument local, qui fait vibrer bien des cœurs. Il y explique les frappes de base, les sons ouverts et fermés, les registres graves et medium, entre autres. Il suffit de suivre le solfège.
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