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Megh Pillay : «On souhaite que tous les accords d’Air Mauritius soient renégociés»

Pour Megh Pillay, président exécutif d’AHL l’ouverture du ciel est une priorité. L’ombre d’Emirates plane sur Air Mauritius pour toute négociation avec des compagnies du Moyen-Orient.

La compagnie nationale Air Mauritius se trouve à un carrefour stratégique. Renouvelé en mai dernier, son accord bilatéral avec Emirates limite ses marges de manœuvre pour nouer des partenariats avec d’autres transporteurs, au moment où la demande de liaisons aériennes explose. Des discussions préliminaires avec Turkish Airlines et Ethiopian Airlines soulignent l’urgence d’une révision, prônée par les autorités pour booster la connectivité du pays et l’économie.

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Air Mauritius fait face à une forte demande de la part des passagers avec des opportunités dans des régions pas encore desservies. Pourtant, l’accord d’exclusivité signé en 2016 et renouvelé en mai dernier avec la compagnie émiratie entrave toute collaboration avec des concurrents du Moyen-Orient, y compris Turkish Airlines. Ce pacte, qui autorise Emirates à opérer plusieurs vols par jour vers Dubaï (trois à partir du 1ᵉr décembre), interdit à la compagnie mauricienne tout code-share (partage des sièges) sur ces routes hors Emirates, mais aussi d’entrer en partenariat ou de faire des alliances avec tout autre compagnie aérienne de la région Moyen-Orient/Afrique du Nord.

Résultat : Turkish Airlines, qui assure déjà cinq rotations par semaine depuis Istanbul, monopolise les bénéfices de ses deux vols additionnels, accordés jusqu’à octobre 2026, sans que Port-Louis n’en tire de retombées commerciales.

Megh Pillay, président exécutif d’Airport Holdings Ltd (AHL), compagnie propriétaire d’Air Mauritius et de l’aéroport international Sir Seewoosagur Ramgoolam, estime qu’il est l’heure de revoir certaines choses. « Améliorer la connectivité aérienne ouvrira des opportunités importantes pour le développement économique », affirme-t-il au Défi Quotidien. 

Propriété de l’État mauricien, AHL gère les infrastructures aéroportuaires et supervise la stratégie de la compagnie nationale, sortie d’une restructuration douloureuse en 2021. Pour Megh Pillay, l’ouverture du ciel est une priorité. « AHL est certainement en faveur des partenariats. On souhaite l’ouverture du marché », insiste-t-il.

« Air Mauritius a une demande extraordinaire qui se manifeste mais elle n’a pas assez de capacité de flotte pour y répondre », observe Megh Pillay. Dans cette impasse, les alliances stratégiques s’imposent comme une bouée de sauvetage. L’on ne parle pas nécessairement d’une entrée d’une compagnie étrangère dans le capital d’Air Mauritius, car « avant d’en arriver là, il faut préparer Air Mauritius », c’est-à-dire améliorer sa situation financière. Ces derniers temps, le nom de Qatar Airways est cité comme éventuel partenaire de la compagnie nationale d’aviation.

Par contre, avance Megh Pillay, « une alliance stratégique, oui, car Air Mauritius en a besoin : elle ne dispose pas, à ce stade, d’une capacité de flotte suffisante. Tant que cette limite persiste, les partenariats avec d’autres compagnies aériennes restent essentiels, non seulement pour la santé financière d’Air Mauritius, mais aussi pour l’économie du pays. »

La renégociation de l’accord avec Emirates apparaît comme un premier pas. Conclu en 2016 et prolongé en mai 2024 jusqu’en 2031, il offre à la compagnie émiratie un accès privilégié au marché mauricien — au prix d’une exclusivité qui en irrite plus d’un.

Megh Pillay plaide pour une révision en profondeur : « On souhaite que tous les accords d’Air Mauritius soient renégociés à la lumière des changements survenus dans le secteur de l’aviation, à Maurice comme dans le monde. Il faut revoir tous les accords. » Selon lui, cette ouverture permettrait « d’ouvrir la porte à des possibilités de collaboration avec Qatar Airways et avec ceux qui ont manifesté leur intérêt pour Maurice, tels qu’Etihad, Ethiopian Airlines et d’autres ». Des conversations informelles auraient déjà été engagées.

Code-share

La semaine dernière, Megh Pillay a rencontré des représentants de Turkish Airlines. « Le message que je leur ai transmis est qu’il faudra éventuellement négocier avec Air Mauritius à l’avenir, car dès que le gouvernement modifie sa politique vis-à-vis d’Emirates, nous pourrons discuter avec eux », rapporte-t-il. La compagnie turque, qui opère déjà cinq vols par semaine vers Maurice, bénéficie de deux fréquences supplémentaires jusqu’en octobre 2026. Ces vols additionnels nécessitent une planification à long terme : « Ils ont besoin de savoir jusqu’à dix mois à l’avance s’ils pourront les conserver, afin de pouvoir les commercialiser », précise Megh Pillay.

Sans code-share, Air Mauritius est exclue de ces routes, laissant Turkish Airlines capter seule des revenus estimés à plusieurs millions de dollars par an, selon les analystes du secteur. « Actuellement, Air Mauritius n’a pas de code-share avec Turkish Airlines et n’opère donc pas sur ces routes, en raison de l’accord avec Emirates qui l’empêche de conclure des partenariats avec d’autres compagnies du Moyen-Orient, y compris Turkish Airlines », explique le président exécutif d’AHL. En conséquence, Turkish Airlines s’octroie seule les bénéfices des vols qu’elle assure vers Maurice.

Parallèlement, une réunion récente avec Ethiopian Airlines, opérateur africain en pleine expansion, aurait exploré des pistes similaires. Le hub d’Addis-Abeba pourrait offrir des connexions vers l’Afrique de l’Est, un marché encore peu exploité par Maurice.

Sur le plan économique, les enjeux sont majeurs : le tourisme représente environ 20 % du PIB mauricien, avec 1,4 million de visiteurs attendus en 2025. Reste à savoir comment réagira Emirates, qui considère Maurice comme un pivot stratégique pour son hub.
 

 

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