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Médicaments : entre pénurie, manque de devises et lourdeurs administratives

Une centaine de médicaments introuvables sur le marché.

Le secteur pharmaceutique mauricien fait face à une double crise : un manque de devises pour payer les importations et des blocages administratifs. Entre pénuries récurrentes et réticence aux génériques, pharmaciens et autorités peinent à trouver des solutions durables.

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Le pharmacien Ravind Gaya fait remarquer que de nombreux importateurs de produits pharmaceutiques sont confrontés à un manque de devises étrangères pour pouvoir payer les factures de leurs commandes. « Il faut compter au minimum 15 jours avant de pouvoir obtenir la quantité de devises requise », affirme-t-il.

Ajouté à cela, Ravind Gaya souligne que de nombreux exportateurs ne sont plus intéressés par notre petit marché. Ils préfèrent prospecter d’autres marchés en raison du regressive markup qui est appliqué à Maurice sur certains produits pharmaceutiques. Selon lui, la marge de certains produits a été ramenée à seulement 2 %, ce qui est dérisoire.

Alors que le ministre du Commerce a suggéré de payer dans la devise dans laquelle les produits sont importés, cette formule n’est pas aussi simple, laissent entendre certains pharmaciens. « Nous n’importons pas uniquement depuis l’Inde, qui permet de payer en roupies indiennes. Pour les autres pays, il faut payer soit en dollars américains ou en euros », disent-ils. Ravind Gaya ajoute à ce propos que les autorités devraient voir au plus vite comment mettre en œuvre cette formule de paiement. Nous apprenons que les importateurs de produits alimentaires paient déjà dans la devise des pays d’où ils importent afin de faire face au manque de dollars américains, mais cela semble être un peu plus « compliqué » concernant les produits pharmaceutiques.

Manque de planification

Un autre pharmacien comptant de nombreuses années d’expérience et qui a tenu à garder l’anonymat déplore qu’il y ait un manque de planification quant à l’approvisionnement des médicaments. « C’est étrange qu’il y ait eu près de 150 médicaments en rupture de stock l’année dernière, et que nous soyons dans une situation similaire cette année », dit-il. Pour lui, cette situation est au détriment des patients. Même si certains clament que les médicaments génériques sont disponibles, il souligne que c’est le devoir des grossistes de s’assurer d’avoir toujours un stock de médicaments qui ont été dûment enregistrés. Pour lui, le manque de devises étrangères est un problème mineur.

Si l’importation parallèle des médicaments peut être une solution, il faut s’assurer de la qualité des médicaments qui arrivent dans le pays, souligne-t-il. Alors que certains pays ont des cadres bien structurés pour garantir la qualité des produits pharmaceutiques, tel n’est pas vraiment le cas à Maurice selon lui. Les autorités devraient revoir la liste des laboratoires habilités à faire l’analyse régulière des médicaments afin que les malades ne soient pas lésés.

Réglementation de l’importation parallèle

« Il faut réglementer l’importation parallèle, mais aussi s’assurer que le cadre légal pour les vérifications soit en place afin de garantir que la qualité des produits ne soit pas compromise », avance le pharmacien. Pour lui, le pays aura ainsi sur le marché des médicaments génériques de bonne qualité. Selon notre interlocuteur, la qualité des médicaments s’est sensiblement dégradée ces 10 dernières années.

Le pharmacien importateur pointe du doigt le rôle des autorités concernées à cet effet. Il explique que le renouvellement d’un produit doit passer par des règlements bien précis, ce qui ne semble pas avoir été le cas durant la période de Covid-19, selon lui. Il estime que la situation se prolonge. 

Nous avons sollicité le ministère de la Santé, qui nous a fait comprendre que nous avons frappé à la mauvaise porte concernant l’importation des médicaments pour les pharmacies privées. Or, le Pharmacy Board opère sous l’égide du ministère de tutelle.

Une pharmacienne qui a voulu garder l’anonymat considère, pour sa part, qu’il y a une réticence de la part de certains consommateurs à accepter les médicaments génériques. Elle déplore que ces patients préfèrent s’abstenir de continuer leur traitement avec un autre médicament sous prétexte que c’est un générique. « Il y a de nombreux médicaments de substitution que nous pouvons proposer aux patients, mais ils sont réticents à les accepter », dit-elle. Selon la pharmacienne, les importateurs ont le devoir de s’assurer que les produits génériques sont aussi efficaces que l’original, car il y a de nombreuses formalités à remplir avant qu’un produit ne soit enregistré et mis sur le marché.

Le pharmacien comptant plusieurs années de métier déplore également que le Pharmacy Board n’ait pas encore été revu, alors que les membres du comité sont très critiqués par l’ensemble des pharmaciens privés. « Il faut tout revoir à ce niveau si on veut améliorer la qualité du service et celle des produits pharmaceutiques qui arrivent dans le pays », insiste-t-il.

Lourdeur administrative

Une pharmacienne qui n’a pas souhaité être citée abonde dans le même sens et ajoute qu’il y a une lourdeur administrative pour fixer les prix des produits pharmaceutiques depuis l’application du regressive markup. « Bien souvent, les produits dorment quelque part et ne peuvent être mis sur le marché parce que les prix n’ont pas été fixés », soutient-elle. Pour elle, c’est la formule qui pose problème, alors que les fonctionnaires font de leur mieux pour faire avancer les choses.

Le pharmacien importateur ajoute que, depuis la Covid-19, le dynamisme du marché des produits pharmaceutiques a bien changé, et certains pays sont bien moins lotis que nous, affirme-t-il. Selon lui, c’est la production qui a changé, ce qui fait qu’il y a ce problème d’approvisionnement, notamment en matières premières. De plus, Maurice est un petit marché. L’importateur fait aussi ressortir un problème lié au fret, ce qui provoque des retards de livraison.

Le grossiste est aussi d’avis que l’importation parallèle ne fonctionnera que dans certains marchés adaptés, ce qui ne serait pas le cas pour Maurice, selon lui. « Il n’existe pas de règlements ni de laboratoires totalement indépendants pour l’analyse des produits », indique-t-il.

En attendant, ce sont les consommateurs qui subissent une situation devenue récurrente, jusqu’à ce qu’une solution soit trouvée.

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