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Médias et nouvelles technologies : comment la Chine apprivoise-t-elle le tournant numérique ?

Les cinq présentateurs virtuels qui sont déjà utilisés pour les bulletins.
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Plus que jamais l’Internet et les réseaux sociaux obligent la presse à se réinventer pour survivre dans un environnement hostile. Les médias chinois, qui se trouvent également devant ce même défi, ont une manière bien à eux de prendre avantage des opportunités offertes.

«C’est avant tout une question de survie », explique Philip Zhou, chargé des affaires externes de People’s Daily. Organe de presse officielle du parti communiste chinois, ce groupe, avec plus de 20 publications, est un véritable mastodonte dans le paysage médiatique chinois.

Confronté à la réalité des nouvelles technologies dans un pays où les gens sont scotchés devant l’écran de leur portable jusqu’à marcher dans la rue avec les yeux quittant à peine leur écran, People’s Daily a été obligé de prendre le virage numérique. Et cela même si ce groupe, qui affiche presque 70 ans au compteur, a un tirage de trois millions de journaux quotidiennement. Cela n’est, cependant, qu’une goutte d’eau dans un océan de 1,4 milliard de Chinois. Sur les 10 000 employés que compte le groupe, 500 sont journalistes et 100 autres sont actifs au niveau des nouvelles technologies.

« Ceux qui lisent les journaux ont souvent plus de 40 ans. Pour toucher les jeunes, on doit leur proposer des produits qui correspondent à leur époque », avance Philip Zhou.

Cependant, passer d’une époque à l’autre, n’est jamais chose aisée. Et encore plus quand le changement est radical. « Dans nos rédactions, nous essayons de casser les barrières et amener les journalistes à travailler différemment », explique le responsable de la communication externe de People’s Daily.

La conférence de la rédaction à People’s Daily.
La conférence de la rédaction à People’s Daily.

Un New Media Center ultramoderne a été créé à cet effet. Il permet au personnel de différents départements de se rencontrer pour travailler sur des sujets préparés spécialement pour le web et les réseaux sociaux. People’s Daily s’est également lancé de plain-pied dans la diversification. Elle a créé Wechat, la version chinoise de WhatsApp, mais cette application qui appartient à la compagnie américaine Facebook est interdite en Chine. Ainsi, Wechat s’est imposé en peu de temps comme l’alternatif préféré et permet également à People’s Daily de diffuser ses informations.

Un écran géant, long d’une dizaine de mètres, situé dans le mediahub permet de voir en temps réel les articles ou vidéos préférés des lecteurs, par tranche d’âge et par région géographique, les dernières tendances, etc. « Les journalistes qui recueillent le plus de succès reçoivent de l’argent en plus sur leur paie », assure Philip.

« Les nouvelles technologies nous permettent d’étendre notre art et de non seulement diffuser l’information autrement, mais aussi de partager des données qui n’auraient pas pu l’être auparavant », se réjouit le professeur Gao Xiaohong, de l’Université de Communication de Chine.

« La diversification des canaux de communication ouvre de nouvelles et grandes perspectives. Les nouvelles technologies créent une synergie entre les différents médias », explique le jeune Li Yifei de People’s Daily online.

Le comportement des consommateurs change et les produits sont conçus pour différents types de comportements en ligne. Certains sont conçus pour être « consommés » rapidement. Ces nouvelles sont traitées pour être vues en quelques secondes et ne demandent aucune réflexion. D’autres sont faits pour une consommation plus lente. « Une nouvelle peut être traitée de plusieurs manières et sur plusieurs plate-formes », précise Li Yifei.

Chaque mode de diffusion a ses codes et ses exigences. « Le contenu utilisé pour le web se doit d’être différent de celui de la presse écrite », indique Fu Xiaoguang, professeur à l’Université de Communication de Chine. « Sur Internet, il faut cultiver la différence. Si votre histoire ne comporte pas un élément d’exception et n’est pas traitée comme telle, elle ne sera qu’une parmi tant d’autres », soutient-il. Plus que jamais la créativité dans la présentation de la nouvelle est essentielle. Il va même plus loin en disant que, parfois, la forme est plus importante que le contenu.

« Auparavant, le contenu était fait à partir du point de vue du journaliste, mais aujourd’hui, celui-ci n’est plus l’acteur principal. Le consommateur est devenu celui qui possède le pouvoir et décide de ce qu’il veut voir ou pas. Et c’est dans ce contexte que l’interaction devient essentielle », dit Fu Xiaoguang.

Le modèle Xinhua

Des journalistes à l’œuvre dans le mediahub de People’s Daily.
Des journalistes à l’œuvre dans le mediahub de People’s Daily.

L’agence de presse officielle de la République Populaire de Chine, Xinhua est déjà entrée dans une autre ère, celle de l’intelligence artificielle. Pour être à l’avant-garde de l’innovation, elle a créé son propre laboratoire ultramoderne d’expérimentation. Et elle a déjà sorti plusieurs produits innovants, comme le présentateur des informations virtuel. Ce dernier lit déjà les nouvelles à l’antenne sans avoir besoin d’une grande intervention humaine. La différence entre le vrai et l’artificiel est, certes, encore légèrement visible, mais elle l’est de moins en moins, car sa gestuelle est améliorée de manière constante. Xinhua a également créé une « intelligent newsroom » qui a pour but, selon un responsable de l’agence, de « débarrasser les journalistes de tâches ennuyantes et répétitives, mais aussi de les fournir rapidement en informations. Cela leur permet de se focaliser davantage sur la créativité dans la présentation de l’information et de faire plus de travail approfondi ».

Le « media brain », autre création de Xinhua, permet entre autres de connaître le comportement de chaque usager et d’adapter l’information à ses besoins.

Mais, est-ce qu’à terme, le journaliste ne deviendra pas obsolète ? « Nous concevons l’intelligence artificielle comme soutien au journaliste et non pas comme son remplaçant », rassure un responsable de Xinhua.

 

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