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Medha Beeharry Panray: drôle de dame

Elle a beaucoup ramé, mais elle a toujours su surmonter les épreuves. Medha Beeharry Panray a du succès dans les affaires, même si sa conception du business est différente.  Chez Medz Furniture, ce qui frappe, c’est la sérénité. Et pour cause ! La patronne des lieux respire la quiétude et l’empathie. Une qualité qui lui vient peut-être de l’enfance heureuse qu’elle a eue. Elle a grandi à la rue Labourdonnais, Port-Louis. « Avec des voisins de toutes les communautés, nous vivions comme une famille. Je célébrais toutes les fêtes religieuses et j’étais persuadée qu’il en était ainsi partout. J’ai le mauricianisme dans le sang », dit-elle. Après ses études secondaires, elle s’envole pour le Québec, où elle décroche un degré en administration des affaires, avec spécialisation en management, puis un MBA à l’université du Surrey, en Angleterre. À l’époque, son entourage peine à cerner son orientation professionnelle. Le monde des affaires était réservé aux hommes, mais Medha était prête à affronter cet univers masculin. De retour au pays, elle prend de l’emploi chez Mammouth, qui venait de s’implanter à Maurice. C’était en 1985. Elle assume un poste clé au sein du management : Sales/Customer Service Manager. La boîte est en expansion. Medha a la lourde tâche de superviser la création de la troisième branche à Rose-Hill. Elle bosse non stop pour faire de l’ouverture de cette succursale un succès.

Au comité de direction

Elle en devient la première Branch Manager, avant d’être promue Regional Manager, puis Associate Executive Director, responsable des opérations et des ressources humaines. Récompense suprême : elle siège au comité de direction en tant qu’Executive Director. Elle est ensuite promue Furniture Buying Director, poste qui était toujours réservé aux directeurs expatriés. Elle se charge ainsi de la sélection des meubles à être vendus dans les succursales de la multinationale à Maurice, Madagascar et Rodrigues. Alors qu’elle est au summum de sa carrière, son couple commence à battre de l’aile. Elle décide de divorcer. Autre coup dur pour Medha : elle tombe gravement malade en 2006, à la suite d’une intervention mineure qui a mal tourné. Elle a l’intestin perforé lors d’une opération pour l’enlèvement d’un fibrome. Les médecins lui annoncent que ses jours sont comptés. « Je les ai regardés droit dans les yeux pour leur dire que je n’avais nullement l’intention de mourir. Ils étaient ébahis. Je suis partie me faire soigner en Afrique du Sud et suis retournée, bien vivante », raconte-t-elle. Après sa convalescence, elle constate que ses rapports avec son supérieur n’étaient plus les mêmes. En 2008, après 23 années de service, elle décide de partir et d’entamer des poursuites légales contre son ancien employeur. L’affaire est toujours devant la justice. Le plus dur, c’était d’annoncer à son fils, alors âgé de 17 ans, qu’elle était chômeuse.

Le déclic

Un jour, elle a le déclic. Et si elle faisait de sa passion pour l’ameublement et la décoration intérieure son gagne-pain ? Elle veut ouvrir son propre magasin, mais on lui claque la porte au nez. « La banque à laquelle je suis restée fidèle pendant 23 ans a refusé de m’accorder un prêt pour démarrer mon business. Elle a exigé que je cherche un partenaire. J’ai dit au responsable que c’était comme me demander de sortir dans la rue et de demander au premier venu de m’épouser ! Ils ont campé sur leurs positions. Heureusement, une autre banque a été convaincue par mon projet et m’a accordé un prêt. Toutefois, la somme n’était pas suffisante pour ouvrir mon magasin à Trianon. J’ai dû puiser dans mes économies. Je voulais à tout prix monter mon business seule, quitte à prendre des risques, afin de tout assumer, sans devoir rendre de comptes à quelqu’un d’autre », relate-t-elle. Nous sommes alors en 2010. Un an après, la femme d’affaires décide de délocaliser son magasin pour le rendre plus accessible et dans des locaux plus spacieux. « J’ai décidé d’investir dans un bâtiment vétuste, une ancienne usine dans la zone industrielle de Phœnix. Nous sommes partis de zéro et avons transformé ce bâtiment en piteux état en magasin d’ameublement. Je me suis occupée de tout, avec le soutien infaillible d’Eddy, à l’époque mon entrepreneur en bâtiment et aujourd’hui mon homme de confiance », relate-t-elle. Medz Furniture ouvre ses portes en 2012 dans la zone industrielle de Valentina. Depuis, le chiffre d’affaires ne cesse de grimper, grâce à une clientèle fidèle qui continue d’accroître. « J’ai bossé dur pour en arriver là. Je travaille toujours sept jours sur sept. J’ai ramé pour faire de mon business une success story. » Elle a un personnel de cinq personnes, « des pros ». « Nous sommes une famille. Nous aimons plaisanter, mais après, nous travaillons sérieusement. Je traite mes employés comme j’aurais aimé qu’on me traite. Et je mets la main dans la pâte, puisque je crois dans le concept lead by example », souligne-t-elle.

Anticonformiste

Medha Beeharry Panray n’est pas seulement une femme d’affaires connaissant un grand succès. Elle est aussi une anticonformiste ayant sa propre vision des choses. « Je déteste vivre selon les normes de la société. Je ne suis pas un mouton de Panurge ! J’ai toujours vécu selon mes propres normes et valeurs. Je déteste les histoires de classe. Nous sommes tous égaux. J’ai une admiration pour ceux qui font des métiers considérés comme ingrats. Ma bonne a été très étonnée lorsque je lui ai dit qu’elle était très intelligente. Je déteste les faux-semblants. Je ne sais pas prétendre être ce que je ne suis pas ! En fait, je déteste tous les clichés autour de la femme d’affaires », lâche-t-elle. Pour elle, la valeur essentielle dans les affaires est l’honnêteté. « Si un client n’est pas satisfait, je ferai tout pour me racheter, quitte à le faire à mes frais. Faire de l’argent à tout prix n’en vaut pas le coup. Les principes sont plus importants, quitte à perdre un client », dit-elle. Ce sont des valeurs qu’elle essaie d’insuffler à son fils, qui poursuit ses études en Australie. Elle a horreur de ceux qui croient que les réseaux et les soirées mondaines sont indispensables pour faire marcher une affaire. « C’est le travail, la passion, le sacrifice et la persévérance qui mènent au succès », clame-t-elle, tout en indiquant que son Business Strategist est « le Très Haut ».  
   

Coup de gueule

Medha Beeharry Panray ne peut s’empêcher de déplorer l’absence de facilités pour démarrer un business. « J’en parle en connaissance de cause. On ne fait rien pour les femmes entrepreneurs, sauf celles qui sont dans l’artisanat. Les femmes doivent-elles se limiter à vendre des produits d’artisanat et des pots d’achards ? N’ont-elles pas le droit d’aspirer à un autre business ? »
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