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Me Satyajit Boolell sur les critiques envers le DPP : «Choquantes et irresponsables»

Nawaz Noorbux et Jugdish Joypaul ont reçu l'ancien DPP, Satyajit Boolell, vendredi dans l'émission Au coeur de l'Info.

L'ancien Directeur des poursuites publiques, Me Satyajit Boolell, s'est livré à coeur ouvert lors de l'émission Au Coeur de l'Info, avec Nawaz Noorbux et Jugdish Joypaul, le 15 mars 2024. Un entretien qui coïncide avec le lancement d'un livre sur lui, intitulé « Résister », écrit par Alain Gordon Gentil.

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« RÉSISTER »
Ce titre porte bien son nom pour deux raisons, selon Me Satyajit Boolell. D'une part, il avait intenté une action en Cour suprême suite à des décisions politiques qui, selon lui, représentaient une entorse à la Constitution : placer le bureau du DPP et son administration sous la tutelle du bureau de l'Attorney General. « Aussi, il y avait un sentiment que j'étais de trop. La solution facile était que je parte et que j'entre dans le judiciaire. Mais j'ai résisté à cette solution facile ».

PROSECUTION COMMISSION

Avec la Prosecution Commission, un peu comme la Financial Crimes Commission, des nominés politiques se seraient substitués au poste de DPP. Ce serait une autre façon de faire fi de la Constitution. (…) Je ne me compare pas à un superhérosou un « superman », mais c'est toute une machinerie de l'État qui avait été enclenchée, car il y avait des décisions que ce Bureau avait prises et qui n'ont pas plu aux nouveaux gouvernants. (…) Or, il faut savoir que le Bureau est composé d'avocats professionnels. Personne n'a pu remettre en cause son intégrité.

MEDPOINT
Une des décisions qui n'a pas plu est l'affaire Medpoint. Il se peut qu'il y ait un sentiment de ceux qui sont au pouvoir qu'ils contrôlent tout. ‘Ki manyer kapav pourswiv nou zom, ki manyer kapav nou dimounn’. J'avais reçu un appel d'un ministre en 2014, me demandant de restituer le passeport de Pravind Jugnauth. Déjà, le ton était donné. Comme si nous avions fait cela avec de la méchanceté. Or, c'était tout simplement un protocole que nous suivions. Cet appel a été un game changer. Les ministres savaient que cela ne se faisait pas. Mais il y a eu l'euphorie de ceux qui venaient d'avoir un portefeuille ministériel et qu'ils allaient nous mettre à la tâche. Tant bien que mal, nous pouvons accepter certaines choses, mais lorsque cela mine l'indépendance et l'intégrité d'un Bureau, c'est une autre paire de manches.

 

CRITIQUE CONTRE LE DPP
Je trouve cela choquant et irresponsable (…) Il faut savoir que les décisions du DPP sont sujettes à un contrôle juridictionnel en Cour suprême. Mais lorsque l'on en vient à des attaques personnelles car des décisions n'ont pas plu à des politiciens, ce ne sont pas que des critiques mais des attaques personnelles qui vilipendent, calomnient, menacent et ces attaques vont jusqu'à sur les réseaux sociaux avec la propagation de mensonges. On dit aussi, après la libération d'un opposant politique, que la mafia a infiltré les institutions. Je pense que de telles déclarations visent tout le système, le DPP, la magistrature et le judiciaire. Car c'est un magistrat qui a le dernier mot sur la liberté de la personne et c'est le DPP qui a le dernier mot sur la question de poursuite.

BRUNEAU LAURETTE
J'ai appris qu'il y avait de la drogue dans son coffre. Tout d'abord, il est crucial de confirmer qu'il s'agit bel et bien de drogue. Ensuite, il est nécessaire d'établir un lien entre la drogue et l'individu en question. Je ne pense pas que ce soit une grande affaire. Cependant, le fait que l'affaire traîne en longueur est problématique.

Il y avait un sentiment que j’étais de trop. La solution facile était que je parte

En effet, les retards nourrissent les spéculations et ouvrent la porte à la manipulation. Ce sont les institutions et le pays tout entier qui en pâtissent. La police mentionne parfois des "ramifications internationales", mais sincèrement, je ne vois rien de compliqué dans cette affaire.

AKI BISSESSUR
Avant de déclencher une telle opération, il est nécessaire d'établir un dossier et de suivre la piste financière. Si vous affirmez qu'une personne a fait venir des psychotropes par la poste, il est crucial d'avoir des traces de transferts d'argent, une adresse, un fournisseur, des données téléphoniques, etc. Si tout cela est préparé en amont, il n'est pas nécessaire de se déguiser en facteur, car vous aurez suffisamment d'éléments pour avoir une "inférence irrésistible" contre l'auteur de l'importation de cette drogue. Je ne blâme pas ces policiers qui, parfois, peinent à évoluer avec leur temps. Il est essentiel de former les enquêteurs aux nouvelles méthodes de paiement utilisées par les trafiquants. Si l'on se fie systématiquement aux seules confessions, cela risque de ne pas toujours donner des
résultats probants.

LE BUREAU DU DPP, DIRIGÉ PAR RAMGOOLAM, SELON SAJ
Je n'attendais pas moins de Sir Anerood Jugnauth, pour qui j'ai beaucoup de respect. Lorsque je suis allé le voir pour lui faire part de mon désaccord avec la décision de l'État, il est possible qu'il avait cela sur le coeur, comme il me l'a confié. Je lui ai bien sûr exprimé mon désaccord et souligné que plusieurs décisions avaient été prises en faveur des membres du MSM. Par exemple, dans le cas de Yogida Sawmynaden qui avait pris la photo de Nandanee Soornack, l'affaire avait été classée.

FINANCIAL CRIME COMMISSION
La FFC est un outil politique destiné à protéger le gouvernement de ses propres méfaits, de la fraude et de la corruption. Il existe un bureau national chargé de toutes les poursuites criminelles. Mais quelle est l'utilité de ce bureau si les crimes financiers tels que le blanchiment d'argent, la cybercriminalité et les escroqueries de dimension internationale ne passent pas par lui ? La FFC a le pouvoir de poursuivre, mais également de décider de ne pas poursuivre.

On dit que le DPP peut toujours intervenir en Cour. Est-ce une plaisanterie ? Comment le DPP peut-il intervenir sans disposer du dossier ? Et lorsqu'il intervient,
le DPP se voit-il rappeler qu'il s'immisce dans ce qui ne le concerne pas ? Soyons sérieux ! En tant que DPP, j'avais demandé plusieurs dossiers lorsque Maurice était accusé d'être une plaque tournante du blanchiment d'argent. Nous n'avons jamais eu de collaboration ni de réponse. Si une nouvelle approche est adoptée, tant mieux. Il doit y avoir un cheminement officiel du dossier vers le DPP, comme c'est le cas aujourd'hui.

Sir Maurice Rault, l'ancien chef juge, avait déclaré à propos de l'ICAC que c'était programmé pour permettre aux escrocs et à leurs complices d'escroquer, de tricher et de voler. Ces mots s'appliquent également à la FFC. Sinon, pourquoi l'office du DPP serait-il exclu ? Tant mieux s'il existe un organisme spécialisé, mais le bureau du DPP doit également jouer son rôle. Sinon, autant mettre la clé sous la porte !

 

 

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