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Radha Mohinee Sumaruth, avocate mauricienne de 24 ans, a su surmonter son introversion pour exceller dans le droit. Engagée pour la justice accessible et le social, elle incarne une nouvelle génération audacieuse et déterminée.
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Le 7 février 2025 restera à jamais gravé dans la mémoire de Radha Mohinee Sumaruth. Ce jour-là, cette jeune femme de 24 ans au regard déterminé a franchi les portes de la Cour suprême pour prêter serment en tant qu’avocate. Derrière cette cérémonie solennelle se cache l’aboutissement d’un parcours semé de défis personnels et d’une quête d’excellence.
Originaire de Quartier-Militaire, Radha Mohinee Sumaruth a grandi bercée par les récits captivants d’un univers juridique omniprésent. Son père, Rada Mohun Sumaruth, ancien inspecteur des impôts à la Mauritius Revenue Authority après des débuts au Bureau du Directeur des poursuites publiques, lui peignait avec passion les figures inspirantes du droit mauricien. Sa mère, Asha Sumaruth, clerc d’avoué dévouée depuis plus de trois décennies, lui dévoilait chaque soir les coulisses fascinantes des affaires judiciaires.
« Je ressens une fierté indescriptible d’avoir effectué mon stage d’Attorney-at-Law chez BLC Robert, sous la supervision de Me André Robert, dans ces mêmes murs où ma mère œuvre depuis 33 ans », confie-t-elle, les yeux brillants d’émotion. « Cette immersion m’a révélé la contribution essentielle et trop souvent invisible des ‘clerks’, ‘ushers’ et autres piliers du système judiciaire, sans qui la justice ne pourrait s’accomplir. »
Les conversations avec son père ont semé les premières graines de sa vocation. « Il évoquait avec une admiration contagieuse ces jeunes avocats qu’il voyait évoluer au fil des années, dont certains siègent aujourd’hui comme juges. Cette vision m’a insufflé un idéal à poursuivre », se remémore-t-elle, reconnaissante de cet héritage immatériel qui guide désormais chacun de ses pas.
Cependant, pour elle, le plus grand défi n’était pas d’affronter la complexité du droit, mais de se confronter à elle-même. Qui aurait cru que derrière l’éloquence assurée de la jeune avocate se cachait une nature profondément introvertie ? Radha Mohinee Sumaruth dévoile avec sincérité les doutes qui l’ont assaillie aux premières heures de son parcours juridique.
« L’introversion semblait incompatible avec une profession où l’art oratoire règne en maître », confesse-t-elle. Elle craignait notamment que sa réserve naturelle ne la condamne à l’échec avant même d’avoir commencé. « Mais j’ai vite compris que la réussite ne repose pas sur l’extraversion, mais sur le travail et la discipline », souligne-t-elle.
La transformation
Son périple académique l’a conduite jusqu’en Angleterre, d’abord à l’University of Central Lancashire où elle a décroché son LLB, puis à l’University of Law de Leeds pour le prestigieux Bar Practice Course. C’est dans ce creuset d’excellence que s’est opérée une métamorphose inattendue. « À ma grande surprise, j’ai excellé dans les épreuves d’advocacy et même participé à des compétitions de plaidoirie. Cela m’a montré que nous sommes souvent plus capables que ce que nous imaginons », admet la jeune avocate.
Cette transformation ne s’est pas opérée par magie. Facilitatrice du TED-Ed Club pendant son adolescence et participante au National Youth Parliament, Radha Mohinee Sumaruth a patiemment forgé ses armes oratoires tout en cultivant sa sensibilité d’analyse, faisant de son introversion non plus un handicap, mais une force de caractère qui nourrit aujourd’hui la profondeur de ses plaidoiries.
Fraîchement assermentée, Radha Mohinee Sumaruth pose déjà un regard lucide et engagé sur les défis qui minent le système judiciaire mauricien. Loin des postures complaisantes, elle ose questionner l’accessibilité réelle de la justice pour tous. Pour elle, repenser l’accès à la justice n’est pas un luxe, mais une nécessité démocratique.
« Je m’insurge contre l’idée que la justice serait l’apanage d’une élite », déclare-t-elle avec conviction. « Pourtant, force est de constater que le coût prohibitif des procédures judiciaires dresse un mur invisible devant de nombreux citoyens. L’aide légale (‘legal aid’) existe, certes, mais combien la connaissent et osent y recourir ? Elle doit être davantage mise en avant. »
Sa vision réformatrice ne s’arrête pas là. Avec l’audace de la jeunesse, elle appelle à repenser fondamentalement la formation des juristes mauriciens. Pourquoi attendre l’université pour initier les esprits curieux aux fondements du droit, interroge-t-elle. « Un enseignement juridique adapté dès le secondaire permettrait d’élargir l’horizon des possibles et de démocratiser l’accès à cette profession. » Critiquer sans cesse les échecs aux examens du barreau sans questionner le système qui y conduit relève de l’hypocrisie, laisse-t-elle entendre. « Comment exiger d’un artiste qu’il crée un chef-d’œuvre si nous lui refusons les outils nécessaires à son art ? » Ces positions audacieuses révèlent une juriste déterminée à faire entendre sa voix dans le concert des réformes à venir, incarnant cette nouvelle génération qui refuse le statu quo et aspire à façonner un système judiciaire plus inclusif.
Au-delà de la toge
Derrière l’austérité de la robe noire se dévoile une jeune femme aux passions plurielles qui nourrissent son équilibre. La cuisine, et particulièrement la pâtisserie, occupe une place privilégiée dans son quotidien. « Après mes examens de LLB, mon premier réflexe a été de me précipiter dans la cuisine pour concocter un gâteau », révèle-t-elle en souriant. « C’était ma manière de décompresser. »
Son séjour au Royaume-Uni a également nourri sa fascination pour l’histoire de la famille royale britannique. « Marcher sur les terres chargées d’histoire de Windsor et d’Édimbourg m’a procuré une émotion indescriptible. Contempler Buckingham Palace incarnait la concrétisation d’un rêve », partage-t-elle avec enthousiasme. « J’admire particulièrement la princesse Diana pour son engagement social. »
Férue de mode, elle cultive également son image comme un art à part entière. Passionnée de mode, elle trouve du plaisir dans le shopping et l’exploration de nouvelles textures et couleurs en matière de maquillage. « C’est une forme d’expression personnelle et un moment de détente. Mon magasin préféré reste Biba, où je trouve toujours des tenues qui me plaisent », ajoute-t-elle.
À seulement 24 ans, Radha Mohinee Sumaruth incarne une conception renouvelée de la profession d’avocat, où l’excellence juridique se conjugue naturellement avec l’engagement sociétal. Membre active du Rotaract Club de Bagatelle, elle place le service à la communauté au cœur de ses priorités.
Sa mobilisation autour du syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) illustre parfaitement cette volonté d’utiliser sa voix pour des causes essentielles et pourtant négligées. Ce trouble hormonal, qui touche de nombreuses femmes en âge de procréer, entraîne des cycles menstruels chaotiques, une pilosité excessive, des difficultés de conception et accroît les risques de diabète et de maladies cardiovasculaires.
Cette conscience aiguë de sa responsabilité sociale trace les contours d’un engagement professionnel qui transcende la simple pratique du droit pour embrasser une vision holistique de la justice. Radha Mohinee Sumaruth tient à adresser un message puissant aux jeunes femmes qui caressent le rêve de rejoindre un jour le barreau mauricien : « Si vous rêvez de devenir avocate, allez-y sans hésitation. Ce n’est pas votre genre qui vous définira, mais votre travail et votre détermination. Une fois revêtue de la robe, seule la force de votre argumentation et la solidité de votre éthique détermineront votre valeur. Nous sommes toutes et tous des ‘Maîtres’, égaux dans la dignité de cette fonction. »
Son parcours démontre que l’introversion, loin d’être un frein, peut se transformer en une puissante ressource lorsqu’elle est canalisée par la passion et guidée par une vision claire. À travers son exemple, Radha Mohinee Sumaruth trace un sillon dans le paysage juridique mauricien, prouvant que les voies d’excellence se conjuguent au pluriel et que les tempéraments réservés peuvent, eux aussi, faire entendre leur voix avec force et conviction dans l’arène judiciaire. Son message résonne comme un appel à l’authenticité: être soi-même, avec ses forces singulières et ses vulnérabilités assumées, constitue peut-être le plus sûr chemin vers l’excellence professionnelle et l’accomplissement personnel.
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