Interview

Me Neil Pillay: «Le combat contre la drogue passe par l’éducation…»

Me Neil Pillay
L’éducation est le seul moyen pour prévenir et combattre le fléau de la drogue parmi nos jeunes. Pour l’avocat, la prévention et l’information sont indispensables. Un mineur qui consomme ou a été trouvé en possession de drogue. Que risque-t-il ? Le mineur qui commet de tels délits risque l’arrestation. Ce mineur devra, tout comme un adulte, fournir des explications sur les faits qui lui sont reprochés. Étant mineur, un parent ou un proche devra être présent pour son interrogatoire et pour l’enregistrement de sa déposition. La police ne peut questionner un mineur qu’en présence d’un parent ou d’un proche. Attention cependant, ce proche ne peut être n’importe qui. Le mineur sera informé de ses droits constitutionnels et une fois sa déposition enregistrée, la police pourrait objecter à sa mise en liberté conditionnelle, avec le résultat que ce mineur pourrait être détenu dans une institution spécialisée pour mineurs, comme le Rehabilitation Youth Centre (RYC), au lieu d’être emprisonné. Je dois, souligner que la cour peut être un peu plus souple quand il s’agit d’un mineur ayant commis un délit. Cependant, cela ne doit en aucun cas être interprété comme une raison qui pourrait encourager les mineurs à commettre des délits ou pour certains d’encourager des mineurs à accomplir de sales besognes à leur place. Le mineur risque potentiellement les mêmes peines qui, normalement, peuvent varier entre une amende de plusieurs milliers de roupies et la détention. Il faut noter que la cour peut ordonner au parent ou à la personne responsable du mineur de payer cette amende. Il existe, cependant, des lois (par exemple sous la « Juvenile Offenders Act ») qui autorisent à la cour à se montrer plus clémente, au vu de l’âge du mineur et des circonstances et faits propres à l’affaire. Ainsi, entre en jeu le RYC, ce qui évite l’emprisonnement. Un mineur ne peut, par ailleurs, être condamné à la servitude pénale. Tout dépend donc des faits reprochés au mineur, que ce soit un délit de possession, d’importation, de vente, de distribution ou de livraison de drogue.
Si une personne vend ou distribue de la drogue à un mineur, qu’encourent cette personne et le mineur comme peine ? Une personne, qui vend ou distribue de la drogue à un mineur, commet ainsi un délit sous la « Dangerous Drugs Act » (DDA) et risque de se retrouver accusée d’un délit avec des circonstances aggravantes, telles que prévus sous les articles 41 (1) (f) ou 41 (1) (g) de ladite loi. Dépendant donc du type de délit et de la nature de la drogue saisie, cette personne risque potentiellement une peine beaucoup plus longue. En ce qui concerne le mineur, je crois avoir répondu à cette question déjà. Cela dépend du délit et il y a des articles qui permettent un certain degré de souplesse à l’encontre d’un mineur.
[blockquote]« Je pense que les jeunes ne sont pas vraiment au courant des détails précis ou des délits précis que prévoit notre loi, ainsi que les conséquences qu’ils risquent de devoir assumer »[/blockquote]
L’article 41 (1) de la DDA parle de circonstances aggravantes, notamment si le délit de drogue est commis dans un établissement scolaire, une université, ou un lieu que fréquentent des adolescents. Dans de tels cas, que risque une personne reconnue coupable ? Je crois avoir déjà répondu partiellement à cette question précédemment. Si la cour prononce un verdict de culpabilité, selon l’article 41 (2) de la DDA, la discrétion du magistrat est élargie et donc doublée, et potentiellement les peines prévues peuvent être beaucoup plus importantes en cas d’amende et longues en cas d’emprisonnement. Un mineur poursuivi pour délit de drogue est-il jugé comme un adulte ou en tant que mineur ? N’est-il pas temps d’avoir une cour de justice pour mineur ? Nous avons déjà une « Juvenile Court » comme prévu sous la « Juvenile Offenders Act ». Les mêmes procédures que pour le procès d’un adulte sont observées sauf que le magistrat sait très bien qu’il doit juger un mineur et que des dispositions spéciales entrent en jeu comme le veut la loi. Pensez-vous que nos jeunes sont au courant de ce qu’ils encourent s’ils commettent une infraction sous le DDA ? Je pense que les jeunes ne sont pas vraiment au courant des détails ou des délits précis que prévoit notre loi, ainsi que les conséquences qu’ils risquent de devoir assumer, sur le court ou le long terme, s’ils sont arrêtés et trouvés coupables. Cependant, je suis d’avis qu’ils sont suffisamment exposés à l’Internet, aux médias et à des interactions avec leurs pairs. Et j’espère que des valeurs, des informations et des mises en garde leur ont été transmis par leurs aînés. Je pense qu’ils savent bien qu’il est illégal de consommer, de vendre, de distribuer ou d’importer de la drogue, que ce soit de l’héroïne, du cannabis ou des drogues de synthèse ou autres subtances illicites. Mais l’insouciance de l’âge, la pression des pairs, l’appel parfois irrésistible pour certains à toucher à l’interdit et aussi l’ignorance des conséquences réelles (en termes de punition sur ordre de justice) font que beaucoup, malheureusement, se lancent dans un chemin où, souvent, ils perdent le contrôle illusoire qu’ils croyaient avoir et se retrouvent bien vite dans une spirale incontrôlable, dont il est bien difficile parfois de sortir. Comment remédier à cette situation ? Un seul mot peut tout résumer : l’éducation ! Pour moi, la prévention, l’information et toutes les autres mesures découlent de ce maître-mot et de cet élément essentiel qu’est l’éducation, tant pour les jeunes que pour leurs aînés, qui, bien souvent, ne savent pas comment gérer cette situation où leur enfant se retrouve pris dans le tourbillon de la drogue. La DDA est-elle assez dissuasive ? Je pense que oui, dans une certaine mesure, elle l’est. Mais, malheureusement, tant que la drogue, sa vente, sa distribution et son importation resteront une activité aussi lucrative, tant qu’il y aura autant d’inégalités et de pauvreté au sein de notre société, il y aura toujours des gens qui tenteront le coup pour en faire commerce. Certains courent après l’argent facile sans vraiment penser aux conséquences de leurs actes ! En ce qui concerne sa consommation, nous pouvons faire une analogie avec l’ère de la prohibition de l’alcool en Amérique. Quelle a été la conséquence directe ? Cela a été une montée fulgurante et brutale de la contrebande d’alcool. La question est donc celle-ci : n’est-il pas temps pour notre société de faire sa propre introspection et se demander si la dépénalisation de la consommation de drogue dite « soft » à usage personnel ne serait pas souhaitable. Il y a, après tout, beaucoup d’exemples dans le monde où la dépénalisation a entraîné une baisse de la consommation de drogue dite « hard », comme l’héroïne ou la cocaïne, tout en atteignant une stabilisation de la consommation de drogue « soft ». L’exemple de l’approche mesurée de la Hollande ou de la Suisse en la matière serait très instructif, si l’on devait envisager cette approche. Dans certains pays, on offre même des analyses gratuites de drogues, comme l’héroïne à des fins de consommation personnelle afin d’éviter des risques encore plus grave pour la santé. Car n’oublions pas que certaines drogues sont mélangées avec toute sortes de substances, dont de la mort-aux-rats, etc. Il ne s’agit pas d’encourager la consommation, mais de réduire le risque déjà présent pour la santé, grâce à la consommation de toute drogue « soft », incluant le gandia. À ceux que j’entends crier au scandale, je dirais : n’oubliez pas qu’il y a certaines drogues qui sont consommées en toute légalité, en plein jour, qui sont aussi nocives et nuisibles à la santé que certaines drogues « hard ». Là, je pense en l’occurrence à la nicotine contenue dans les cigarettes ! Cela dit, est-ce-que la société mauricienne est prête pour ce genre de politique ? Je pense malheureusement que la réponse est non !
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