Interview

Me Neil Pillay : «Il est temps de légiférer sur la cryptomonnaie»

Me Neil Pillay

La cryptomonnaie prend de l’ampleur à travers le monde. L’avocat Neil Pillay explique cette activité virtuelle qui se fait par voie informatique. Il fait le point sur ce mode de transaction qui a des côtés positifs et négatifs.

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Qu’est-ce que la cryptomonnaie (Bitcoin) ?
La cryptomonnaie est aussi appelée crypto-devise. La première et la plus connue est le Bitcoin. C’est une monnaie virtuelle utilisable sur un réseau informatique, mais seulement de pair à pair, c’est-à-dire d’un utilisateur à un autre.

L’attrait de ce type d’argent virtuel réside dans sa dématérialisation. L’argent peut être transporté ou payé à autrui instantanément à l’autre bout de monde. C’est un mode de paiement alternatif, même s’il n’est pas reconnu à Maurice, comme dans la majorité des pays.

La cryptomonnaie est basée sur le principe de cryptographie. L’utilisateur est partie prenante dans l’émission et le règlement des transactions. Il utilise un système de validation par preuve de travail et qui a été créé pour Internet.

L’attrait certain de la cryptomonnaie, c’est la difficulté de la contrefaire. Cela permet aussi d’augmenter l’accessibilité au commerce en ligne, surtout dans des pays en voie de développement, du fait qu’il n’y a pas ou très peu de frais de transfert.

Attention toutefois à la spéculation entourant les divers types de cryptomonnaie. Nous avons vu des crashes spectaculaires de valeurs de cryptomonnaie, avec des milliards de dollars effacés d’un coup !

À quoi sert la cryptomonnaie ?
La cryptomonnaie n’est pas un legal tender, c’est-à-dire que légalement, ce n’est pas un mode de paiement reconnu par la Banque de Maurice (BoM). La cryptomonnaie s’échange comme un bien ou un actif.

Ainsi, on peut échanger de la cryptomonnaie contre un service. Le créditeur peut à son tour échanger cette cryptomonnaie. C’est dans la capacité d’échange que réside la valeur de la cryptomonnaie. Les valeurs attachées aux différentes cryptomonnaie varient selon les marchés. Et qui dit marchés, dit spéculations.

C’est donc un mode de paiement alternatif aux modes de paiement traditionnels avec l’argent émis par les banques centrales.

La cryptomonnaie peut-elle intégrer le circuit monétaire ?
Pas pour l’instant, car ce n’est pas un mode de paiement reconnu par les banques centrales. Le système monétaire international ne le reconnait pas. Ce mode de paiement alternatif est basé sur des systèmes et des principes fondamentaux différents.

Cependant, dans certains pays, il y a un intérêt grandissant des autorités pour une reconnaissance officielle de ce mode de paiement. On estime d’ailleurs que le Bitcoin, première cryptomonnaie créée en 2009, a une valeur en elle-même, en termes de masse monétaire (plus de 340 milliards de dollars américains).

Que dit notre législation sur la cryptomonnaie ?
En fait, notre législation n’évoque pas encore la cryptomonnaie. Nos lois et notre système monétaire sont basés sur de l’argent traditionnel, « liquide » comme on dit. C’est de l’argent que l’on sent, que l’on touche, contrairement à la cryptomonnaie virtuelle.

L’émergence de la crypto monnaie favorise-t-elle le blanchiment d’argent et les activités illicites ?
Certainement, cela pourrait favoriser ce type d’activités. Cependant, soulignons qu’à Maurice les criminels préfèrent le liquide, qu’ils peuvent toucher. Mais cela pourrait changer, surtout lorsque des gens comprennent le fonctionnement de la cryptomonnaie.

De par leur existence fondamentale, les cryptomonnaies, échappent aux régulations. Certaines autorités étrangères ont reconnu le potentiel de la cryptomonnaie à favoriser des activités illicites : trafic de drogue et blanchiment d’argent. Elles discutent de leur surveillance sur des axes principaux : (a) contrôler la légalité des biens ou services achetés grâce aux cryptomonnaies et éviter les achats illégaux (drogue, entre autres) ; (b) surveiller la conversion en devises légales et ainsi détecter le blanchiment d’argent d'origine criminelle.
On peut réduire la portée de la cryptomonnaie pour qu’elle ne serve pas à faciliter les activités illicites.

N’est-il pas temps que notre législateur réglemente l’achat et la vente de cryptomonnaie ?
En janvier 2018, la banque d’Angleterre a exprimé son souhait de créer une cryptomonnaie indexée sur la livre sterling. Dans d’autres pays, au Singapour et au Canada, des institutions envisagent aussi d’instaurer des systèmes de paiement officiel en cryptomonnaie. Une révolution s’opère alors que ce mode de paiement est relativement neuf : moins de dix ans.

Avec ce nouvel engouement, bien que de nombreux pays n’aient pas encore légiféré sur la cryptomonnaie, Maurice doit faire honneur à sa réputation et être parmi les premiers à le faire. Il doit créer un système reconnu de paiement virtuel, surtout au niveau du continent africain.

 

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