Me Neelkanth Dulloo : «Chacun a droit au respect de sa vie privée»

Neelkanth Dulloo Me Neelkanth Dulloo

Comment la loi protège-t-elle la vie privée d’un individu ? L’atteinte à la vie privée est souvent justifiée par l’exercice de la liberté d’expression. Quand faut-il s'arrêter et que prévoit la loi ? L’avocat Neelkanth Dulloo évoque dans cet entretien au Défi Plus, le droit au respect de la vie privée et comment se protéger en cas d'atteinte.

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Comment peut-on définir la vie privée ?
L’article 12 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 définit la vie privée comme suit : « Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes. »

La vie privée ou le droit à l'intimité fait partie des droits civils. Les composantes de la vie privée n'ont pas fait l'objet d'une définition ou d'une énumération limitative afin d'éviter de limiter la protection aux seules provisions légales.

Quand ce privilège de la vie privée est-il mis à nu ?
De nos jours, le droit à la vie privée est souvent associé au droit à la liberté d’expression et à l'intérêt de l'ordre public. Le consentement de la personne et le droit à l’information peuvent limiter le privilège légal attaché à la vie privée. 

L’atteinte à la vie privée est justifiée par l’exercice de la liberté d’expression lorsqu’elle est nécessaire à la compréhension d’un événement public, d’un fait d’actualité ou d’un débat d’intérêt général, en lien direct avec la personne concernée.

Bien que nécessaire, la violation de la vie privée est injustifiée lorsqu’elle est disproportionnée. La jurisprudence observe qu’une atteinte à la vie privée par la liberté d’expression peut être justifiée lorsqu’elle est nécessaire et proportionnée.

Le droit à la vie privée est souvent associé au droit à la liberté d’expression.

Une personne a-t-elle droit à une vie privée ?
Sous l’article 22 du Code civil mauricien, qui est similaire à l’article 9 du Code civil français, on décrit le droit à une vie privée comme suit : « Chacun a droit au respect de sa vie privée. »

Les juridictions compétentes peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures […] propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée.

Les limites de la vie privée et ce qui est considéré comme privé diffèrent, selon les groupes, les cultures, les individus et les traditions.

Quand quelque chose est « privée» pour une personne, cela signifie que généralement à cette chose sont rattachés des sentiments spéciaux et personnels.

Le degré de privatisation de l'information dépend donc de la façon que le public pourrait la recevoir, ce qui diffère selon les lieux et à travers le temps. La vie privée peut être vue sous un aspect sécuritaire.

De quel recours dispose une personne pour se protéger quand sa vie privée est dévoilée ?
Le mur de la vie privée perd parfois de sa hauteur, à raison de la qualité des personnes mises en cause. Il acquiert une certaine transparence en fonction du lieu ou de la situation de l’atteinte et enfin il s’ébrèche dans l’hypothèse où l’individu, le premier, a évoqué certains aspects précis de sa vie privée.

S’il y a urgence, on peut recourir au juge des référés à travers une demande d’injonction pour protéger l’intimité de sa vie privée. On peut également loger une action au civil devant une instance judiciaire pour réclamer des dommages pour avoir violé la vie privée de la personne ou pour avoir atteint à sa réputation.

Notre loi est-elle dissuasive concernant les droits entourant la vie privée d’un individu ?
Il y a un débat fondamental sur les fuites, l’interception et la collecte des communications numériques. Le débat pivote toujours entre la protection de la vie privée et la sécurité des citoyens.

Nos sociétés sont connectées. Si certains estiment que le droit à la vie privée est une prérogative absolue, il faut constater que c’est un droit déjà très encadré.
Il est vrai que l’un des meilleurs moyens d’empêcher les atteintes au droit et au respect de la vie privée, c’est de prévoir dans les lois des sanctions adéquates, d’un effet suffisamment dissuasif en cas d’atteinte. 

À l’échelle internationale, la publication des photos et des détails de la vie privée d’une personne de renom est devenue une marchandise très lucrative, car les profits qu’ils tirent de la publication dépassent largement les condamnations prévues.

En cas d’atteinte de la vie privée, étant donné que certaines photos et histoires sont vendues pour des millions, une amende faible ne dissuadera jamais personne.

La Data Protection Act 2017, votée pour consolider le contrôle des données numériques, prévoit, en cas de condamnation, une amende ne dépassant pas Rs 200 000 et un terme d’emprisonnement n’excédant pas cinq ans.

Toute atteinte à la vie privée consistant en une violation des dispositions de l’article 22 du Code civil expose, de facto, le contrevenant à indemniser la victime de cette violation au regard des préjudices subis.

 

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