Le president du Bar Council n’y va pas avec le dos de la cuillère en égratignant une catégorie d’avocats qui ferment les yeux sur certaines pratiques dans l’exercice de leurs fonctions. L’appat du gain en serait la cause principale, dit-il.
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D’abord, quelle est votre lecture du jugement de la Cour Suprême qui donne la permission au Directeur des poursuites publiques (DPP) d’aller rechercher l’interprétation des Law Lords du conseil privé de la reine sur la question de conflit d’intérêts dans l’affaire MedPoint ?
Le chef juge et son adjoint ont donné la permission au DPP de faire appel. J’estime qu’il faut lire le jugement et voir le fil conducteur de l’argumentation qui conduit vers la conclusion des deux juges. Je pense qu’il faut qu’il y ait eu une certaine dose de cohérence. La question de conflit d’intérêts est un nouveau point légal qui pourra être une landmark decision pour les politiciens, les fonctionnaires, les personnes qui, en vertu de leurs fonctions, ont en leur possession des informations confidentielles, afin d’éviter qu’elles s’en servent à des fins personnelles.
Finalement, ce jugement serait-il ‘most welcome’ pour la démoratie ?
C’est plutôt bon pour la classe politique. Oublions le côté juridique, dans notre for intérieur, il faut un sens de l’équilibre.
Quand vous dites que le jugement devrait interpeller la classe politique, pourriez-vous être plus explicite...
Les politiciens détiennent des informations privilégiées et ils ont le pouvoir entre leurs mains. Un exemple : il faut introduire le Metro Express, certains sauraient où les terres prendraient de la valeur commerciale, ils pourraient alors en profiter pour en acquérir et les revendre après. C’est pour cela que je le répète que les décideurs doivent réfléchir à deux fois avec ce jugement concernant le conflit d’intérêts. Ce sera un frein pour les politiciens, car certains utilisent les informations en leur présence pour des intérêts personnels ou ceux de leurs proches.
Un tel jugement impliquerait quoi exactement ?
Le DPP a pu convaincre les deux juges de la Cour suprême de lui donner cette permission d’aller de l’avant dans sa démarche de contestation. Juridiquement, il y a quelque chose qu’on veut trancher, reste à savoir ce qui se passera lors des prochaines étapes.
Et dans l’éventualité que le DPP gagne son appel, qu’est-ce qui se passera ?
Je refuse de commenter sur quelque chose qui va être argué sur un autre forum et je ne connais pas aussi bien le dossier que les principaux protagonistes.
Il y a un phénomène qui nous frappe : c’est l’attrait de la robe noire. Y a-t-il trop d’avocats pour notre petite île ?
Premièrement, depuis quelques années, il y a eu une explosion d’avocats chez nous. En moyenne, il y a environ 60 ou 70 nouvelles têtes qui débarquent au barreau chaque année. J’ai soulevé la question avec mes collègues que c’est un réel problème. Il faut réfléchir et créer des opportunités à ces jeunes appelés au barreau. Certains font des conseils juridiques, d’autres pratiquent dans des corporate bodies. Toutefois, cela n’absorbera pas tous ces jeunes et nouveaux venus. Le système actuel favorise une petite poignée d’hommes de loi seulement.
« J’estime que ces jeunes avocats fraîchement émoulus ne sont pas assez matures du point de vue juridique »
Ainsi, les jeunes avocats sont broyés bien malgré eux...
Il y a un fait : est-ce que les jeunes avocats sont approchés directement par leurs clients ou cela se fait-il à travers une tierce personne ? J’estime que ces jeunes avocats fraîchement émoulus ne sont pas assez matures du point de vue juridique. D’abord, je me pose la question : est-ce qu’ils connaissent les honoraires pratiqués par les avocats? Ils devraient rechercher des conseils auprès de leur Pupil’s Master dans ce genre de situation. Sinon, qui osera approcher un jeunot ? À moins de passer par un intermédiaire entre le trafiquant et l’avocat. Toutefois, certains passent outre de leur Pupil’s Master et, à l’insu du senior, peuvent être tentés par l’appât du gain facile.
Devrait-on fermer le robinet en termes du nombre de nouveaux avocats?
Fermer le robinet n’est pas la solution. Il faut, selon moi, éliminer le cumul d’emplois, un député ne peut aussi pratiquer en même temps ou siéger dans des commissions. Un sitting judge ne peut présider une commission d’enquête ou un fact-finding committee et les corps paraétatiques ne peuvent louer les servies d’un avocat du Parquet pour les défendre. Laissez cette tâche aux Chambers.
C’est quoi la solution ?
Des avocats doivent s’organiser en association afin d’avoir plusieurs chambers, comme des entités juridiques, dont les services légaux seront retenus par les autorités.
Y a-t-il une liaison incestueuse entre les trafiquants et des avocats, qu’ils aient une dizaine d’années d’expérience ou plus ?
Cette accusation est trop gratuite. Je sais que la vie est difficile pour ceux qui débutent et surtout qu’ils n’ont aucun ancrage politique et de solides liens de parenté. Que font-ils alors ? Ils se laissent prendre, innocemment, au piège et dans cet engrenage. Au départ, ils ne vont pas pour voler, mais avec le goût de l’argent facile, ils se mettent dans des situations compromettantes.
Sous quelles formes, l’appât du gain se manifeste-t-il ?
Je réponds à cette question par deux autres questions: qui donne cet argent sale ? Ou se terre ce bienfaiteur ? Il va prendre l‘argent de l’autre pour arroser des avocats et c’est souvent des fonds publics. Toutefois, il y a un retour de l’ascenseur auquel s’attache l’avocat véreux dans ce cas de figure.
Pourquoi les débutants préfèrent défendre des affaires au criminel ?
Au criminel, on peut se passer d’un avoué et négocier directement avec le client. Pour être avocat à Maurice, il faut avoir du bagout, de la gueule et un solide patronyme, même si l’avocat ne vaut pas un kopek.
La commission sur la drogue égratigne certains de vos confrères, et non des moindres...
Je constate que ceux convoqués ne sont pas des jeunots, mais ceux ayant quelques années au barreau. Peut-être sont-ils avides d’argent. Il y a une mentalité de bizin gagn kass de la part de certains avocats et il n’est souvent pas facile de dire non.
Selon vous, il y aurait une classe qui vampirise leurs clients ?
Ce que je sais de certains avocats au criminel, c’est qu’ils sont très médiatisés. Les radios privées leur tendent trop facilement le micro. Les médias sont en train de créer des monstres.
Parlons de l’affaire Betamax. Est-ce que ce jugement est irréversible ?
It’s a very hot potato. Toutefois, ce qui m’interpelle dans ce dossier est de savoir qui a rédigé le contrat et qui sont ceux qui ont conseillé la STC et le gouvernement ? Est-ce que ces conseils étaient gratuits ou rémunérés ?
Cette arbitration est-elle binding ?
Je m’abstiens de me prononcer sur la question, car je ne connais pas les clauses du contrat. Ceux qui ont préparé le dossier Betamax devraient avoir des comptes à rendre.
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