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Me Balgobin-Bhoyrul : «Il est incorrect de dire que le jugement autorise la sodomie entre adultes consentants» 

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Le délit de sodomie fait débat suivant le jugement prononcé, le 4 octobre 2023, par la Cour suprême. Cet arrêt remet en question l’article 250 (1) du Code pénal qui criminalise la sodomie et qui va à l’encontre des droits de la liberté de ceux de communauté LGBT (Lesbienne, Gay, Bisexuel, Transgenre). Pour mieux comprendre cet arrêt et ses implications, Me Priscilla Balgobin-Bhoyrul, présidente du Bar Council et une des avocats de Young Queer Alliance, fait le point.
Ce sont deux joutes juridiques : l’une par Abdool Ridwan Firaas Ah Seek, un banquier de 33 ans, et président du Collectif Arc-en-Ciel, association non gouvernementale contre l'homophobie ; l’autre concerne le fondateur et les membres du Young Queer Alliance, Najeeb Ahmad Fokeerbux, Vipine Aubeeluck, Imesh Fallee et Jurgen Soocramanien Lasavanne. 

Abdool Ridwan Firaas Ah Seek
Abdool Ridwan Firaas Ah Seek

Ils avaient chacun déposé une plainte constitutionnelle en Cour suprême et dirigée contre l’Etat. Ils avaient soutenu que l'article 250 (1) du Code pénal, qui traite l’infraction de la sodomie entre adultes de sexe masculin consentants, est anticonstitutionnel et viole leurs droits constitutionnels. Ils avaient fait référence aux articles 3, 5, 7, 9, 12 et 16 de la Constitution pour soutenir leur action. 


L’état avait argué que l'article 250 (1) du Code pénal ne viole pas l'article 16 de la Constitution. Il avait affirmé qu’interpréter le mot « sexe » de manière à inclure « l’orientation sexuelle » entraînerait l’amendement à la Constitution (….) à moins qu'un amendement législatif ne soit apporté par le Parlement, pour interpréter le mot « sexe » comme incluant « l'orientation sexuelle » à l'article 16. Pour l’État, le pouvoir judiciaire violerait la doctrine de séparation des pouvoirs.
Dans leur verdict, le 4 octobre 2023, les juges David Chan Kan Cheong et Karuna Devi Gunesh-Balaghee ont décrété, que l'article 250(1) du Code pénal, qui vise à criminaliser la sodomie, est « discriminatoire et anticonstitutionnel ».

Cela, dans la mesure où il interdit les actes de sodomie entre adultes masculins consentants. Ce qui est, selon les juges, une violation de l’article 16 de la Constitution, qui garantit à chaque citoyen le droit d’être protégé contre toute discrimination.

Pour Me Priscilla Balgobin-Bhoyrul, présidente du Bar Council, ce jugement est « un pas historique vers le respect des droits fondamentaux » et aidera à restaurer l’image de notre pays dans le domaine de la protection des droits LGBT. Elle avance que les plaignants avaient expliqué en Cour à quel point cette loi était discriminatoire à leur encontre.

Les implications de cet arrêt

Selon Me Priscilla Balgobin-Bhoyrul, il est important de comprendre que les juges ont conclu, dans ce jugement, que l’article 250 (1) du Code pénal est discriminatoire envers les « adultes hommes consentants en privé » et est contraire à l’article 16 de la Constitution qui concerne la protection contre les différentes formes de discrimination. Le jugement fait aussi mention qu’aucune loi ne peut contenir de dispositions discriminantes sur la base du « sexe » d’une personne. De manière sommaire, le jugement reconnaît que le mot « sexe » inclut désormais le mot « orientation sexuelle ». 

Me Balgobin-Bhoyrul ajoute que deux implications découlent de cette conclusion. Premièrement, dit-elle, cet arrêt tranche un débat qui date de nombreuses années. En effet, l’interprétation du mot « sexe » dans l’article 16 de la Constitution a été le sujet de nombreux arguments à Maurice et dans beaucoup d’autres pays du monde. Deuxièmement, précise la présidente du Bar Council, il s’agit d’un énorme pas en avant en ce qui concerne la reconnaissance des droits fondamentaux de la communauté LGBT.

Allons-nous vers la légalisation du délit de la sodomie entre adultes consentants ?

« Il faut bien comprendre que le jugement ne concerne, directement, que les rapports d'actes consensuels de sodomie entre adultes masculins consentants en privé. Vu que le jugement est basé sur le concept de discrimination envers les hommes LGBT, il est incorrect de dire que le jugement autorise la sodomie entre adultes consentants », explique la présidente du Bar Council. 

Les incidences sur les cas en Cour

Selon Me Balgobin-Bhoyrul, toute personne qui se sent discriminée sur la base de son orientation sexuelle pourra avoir recours à la Cour suprême. Car, elle « reste la gardienne de la Constitution et ne renoncera pas à agir en tant que tel ». 

Par ailleurs, elle évoque aussi que si les cas sont basés sur les mêmes points qu’Abdool Ridwan Firaas Ah Seek et Najeeb Ahmad Fokeerbux, le même raisonnement va s’appliquer. « Si les personnes poursuivies sont des hommes homosexuels consentants, la poursuite va probablement abandonner l’affaire en vue de ce jugement. Bien sûr, nous parlons ici d'hommes adultes consentants et non d'un homme et d'une femme », explique l’avocate. 

Vers un amendement

D’autre part, selon Me Priscilla Balgobin-Bhoyrul, à partir de maintenant, l’article 250 (1) du Code pénal doit être lu conjointement avec le jugement de la Cour suprême, car, tel est l'état du droit. Cependant, selon elle, le Parlement devrait apporter des amendements à cette loi afin qu'elle soit conforme au jugement.

Pourquoi de telles actions en Cour ?

Le premier cas a été porté en 2019 par Abdool Ridwan Firaas Ah Seek, un banquier de 33 ans, et président du Collectif Arc-en-Ciel, association non gouvernementale contre l'homophobie. Ce dernier était représenté par Mes Gavin Glover, Senior Counsel, Tim Otty, King’s Counsel, Yanilla Moonshiram et Komadhi Mardemootoo (avouée).

Dans sa requête, Abdool Ridwan Firaas Ah Seek, dit avoir réalisé qu’il était homosexuel à l’âge de 13 ans et qu’il est en relation avec son partenaire depuis 10 ans. Il avait mis en avant que l’article 250 (1) du Code pénal donne à la police le pouvoir de s’immiscer dans sa vie privée et d’enquêter sur son intimité. D'où son action en Cour.

La deuxième action juridique concerne Najeeb Ahmad Fokeerbux, le fondateur et les membres du Young Queer Alliance, Vipine Aubeeluck. Imesh Fallee et Jurgen Soocramanien Lasavanne. Ces derniers, quant à eux, étaient représentés par Mes Priscilla Balgobin-Bhoyrul, Sandeep Ramlochund, Emmanuel Luchmun et Sandy Christ Bhaganooa.  

Dans sa plainte, Najeeb Ahmad Fokeerbux avait soutenu qu’il est homosexuel. Il avait également mis en avant que l’article 250 (1) du Code pénal est comme une épée de Damoclès, créant des restrictions dans sa relation avec son partenaire.

La sodomie : Une peine maximale de cinq ans 

La sodomie est un délit prévu selon l’article 250 (1) du Code pénal. En cas de culpabilité, une personne risque une peine maximale de cinq ans de prison. 

 

 

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