Interview

Me Ajay Daby : «Qu’on aille directement aux législatives»

Me Ajay Daby Me Ajay Daby

L’observateur politique Ajay Daby estime que le pays ne peut se permettre de faire les frais d’une partielle, après la démission de Vishnu Lutchmeenaraidoo. d’où le fait qu’il est pour des législatives. Il dit avoir vu venir ce départ, car l’ex-ministre était malheureux aux Affaires étrangères.

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La démission de Vishnu Lutchmeenaraidoo vous étonne-t-elle ? 
La démission de Vishnu Lutchmeenaraidoo ne m’étonne guère. Il y avait un mismatch de culture. Il est revenu en politique pour sir Anerood Jugnauth. Le désaccord sur l’emprunt qu’il avait pris l’a profondément marqué. Mais, quand l’affaire est venue en cour, Maxime Sauzier et moi-même avions plaidé que c’était un emprunt privé d’un client avec sa banque et qu’il avait mis sa maison comme garantie. Il n’y avait donc rien d’anormal. D’ailleurs, le Directeur des poursuites publiques l’a bien vu et a ordonné d’arrêter toute poursuite. Mais cette affaire a touché au plus profond la dignité de l’ex-ministre des Finances. Il voulait partir déjà à cette époque, d’autant que SAJ n’était plus Premier ministre. Il était malheureux aux Affaires étrangères. C’est pour cela que je voyais venir son départ en tant que ministre et député. Vishnu, c’est un homme d’honneur.

Quand il dit « Monn plin », cela vous fait quoi ? 
Il y a bien plus que cet « enough is enough ». Je pense qu’il pensait que la politique économique menée par le gouvernement n’était pas défendable. Il y a aussi l’aspect passionnel de l’homme. 

Quand il a critiqué le taux de croissance de 3 % auquel il n’adhère pas, ne visait-il pas directement le leader du MSM et ministre des Finances ? 
S’il a fait cette remarque à quelqu’un particulièrement, pas de problème. C’est le fond de sa pensée d’ancien ministre des Finances, qui a fait connaître de fortes croissances au pays dans le passé. Mais, si cette remarque est du domaine institutionnel, c’est inapproprié. S’il s’était adressé au secteur privé en leur disant de manière générale qu’une croissance de 3 % est médiocre, cela passerait. Mais cela ne passe pas vis-à-vis d’un gouvernement auquel il appartient. C’était inapproprié de sa part.

Est-il parti en sachant qu’il pouvait être ‘sacked’ ? 
Vishnu n’est pas un tricheur. Il n’y a que les petits esprits qui pensaient qu’il allait être viré du gouvernement. Son départ n’était pas à l’agenda de Pravind Jugnauth. Le Premier ministre n’est pas un homme de confrontation. Il attend son heure et laisse du temps au temps. He is not out to kill.

En atterrissant aux Affaires étrangères, avait-il l’impression d’avoir été mis au rencart comme un ‘has been’ ? 
Son départ des Finances il l’a senti, d’autant que le PM a conservé Dev Manraj. Il est quand même un senior politician. Atterrir aux Affaires étrangères a dû être un affront pour lui. Je sais qu’il voulait démissionner déjà à cette époque, mais il est resté à la demande de Pravind Jugnauth et de SAJ.

Que reste-t-il de l’Alliance Lepep ? 
Un gouvernement est fait de grands esprits. Il faut des notables. La présence de SAJ rassure ce gouvernement, tout comme Vishnu le faisait. J’ai tout dit et comprenne qui pourra…

Est-ce que cette démission va peser lourd pour le gouvernement ? 
Quoi que l’on puisse dire, Vishnu Lutchmeenaraidoo avait une valeur de symbole fort. Il est temps que le MSM reconnaisse la contribution des anciens. Voyez la grandeur du Parti Travailliste, qui respecte ses anciens et ne va jamais disparaître. Si le MSM veut continuer à exister, il ne faut pas qu’il ne compte que sur des gens comme Sherry Singh. Soit c’est le bout du rouleau, soit c’est un nouveau départ pour le MSM.

Une partielle est-elle envisageable au no 7 ou des législatives sont-elles meilleures pour le gouvernement ? 
Si le gouvernement donne une partielle, ce sera une insulte. Qu’on n’utilise pas l’argent du peuple pour lui faire assister à un piteux spectacle. Mieux vaut qu’on aille directement vers des législatives.

Dans l’éventualité d’une partielle, Navin Ramgoolam ou un candidat rouge peut-il passer ? 
Tout dépendra de la campagne que le PTr va mener. Tout est une question de art and science. Gagner une élection dépendra du mood de l’électorat. Un candidat peut être médiocre, mais briller lors d’une élection. Quand le MSM subit un contrecoup, cela bénéficie toujours au Parti Travailliste, jamais au MMM. On l’a vu à la partielle de Quatre-Bornes. Le Mauricien veut toujours d’un gouvernement stable, c’est dans nos gènes. Il va penser à ses enfants, à son bien-être avant de voter.

Et si le gouvernement vient de l’avant avec un budget ‘labous dou’, a-t-il une chance de revenir au pouvoir, tout en dépoussiérant le parti ? 
Un bon budget a toujours son poids, quand un gouvernement va vers des élections. Mais attention, l’électorat est intelligent, surtout qu’on a une classe moyenne très puissante. Cette classe moyenne veut du long terme. Un budget ‘labous dou’ n’aura aucune incidence sur elle et cela concerne toute la classe moyenne, de toutes les communautés. Donc, un budget à court terme peut avoir un effet boomrang (backlash), surtout dans les régions urbaines. Il faut savoir que c’est la classe moyenne qui fera les élections et le prochain gouvernement. You can’t fool them anymore.

Avec le départ de la vieille garde de SAJ, y aura-t-il un renouveau au sein du MSM derrière Pravind Jugnauth ? 
Depuis le départ, SAJ avait préparé le renouveau en la personne de son fils. Il faut maintenant qu’il crée cette adhésion autour de lui et s’entoure de véritables amis. Alors là, ce sera possible.

Quelle serait la nouvelle configuration politique pour les prochaines législatives ? 
J’estime qu’il y a de la place pour un juste milieu. Il n’y a plus cette tendance à dire mon leader, c’est-à-dire le Mauricien moyen, pas les riches, ceux qui se sont embourgeoisés, ceux qui sont excentriques. Le Mauricien moyen réfléchit avant de voter.

Et si le MMM se joignait au MSM en envoyant Bérenger au Réduit ? Est-ce qu’une telle éventualité est possible ? 
Si Paul Bérenger va au Réduit, il aura un prix à payer. Il n’a plus rien à offrir, il a un programme à court terme. Ne va-t-il pas être en porte-à-faux avec le MMM ? Car, après lui, le MMM a encore un avenir et celui qui le succédera ne va pas penser pour le court terme.

Un retour aux affaires du PTr, avec Ramgoolam aux commandes, est-il réalisable ? 
Vous savez, en politique, tout est possible. SSR est parti, puis est revenu. Idem pour SAJ. Never write-off someone, as choices are limited in politics in Mauritius.

 

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