Me Ajay Daby, ex-Drug Commissioner : «Les agresseurs du système frappent quand les institutions sont faibles»

Même si cela devra coûter, Me Ajay Daby est d’avis qu’il nous faut une commission d’enquête permanente. Pour l’ex-Drug Commissioner, il est temps que le Premier ministre agisse, maintenant qu’il est en présence du rapport Lam Shang Leen et des noms de ceux ciblés.

Nous voilà avec un deuxième rapport sur la drogue, après celui de sir Maurice Rault en 1986. Va-t-il encore une fois finir dans un tiroir ?
Le rapport d’une commission d’enquête sur la drogue est une suite d’une enquête, que les auditions se soient tenues à huis clos ou en public. Ce rapport est le résultat d’une enquête minutieuse et sérieuse sur un problème d’ordre national avec de possibles ramifications internationales. Ce n’est pas un jugement, mais un constat et une road map.

Soyez plus explicite…
Une road map est comme ces conseils et recommandations que font les assesseurs de la commission d’enquête sur leurs appréciations des faits et le traitement à donner.

Est-ce que le gouvernement a l’obligation de suivre ces recommandations ?
Les recommendations doivent être understandable in bold terms without fear or favour. And once they have done their best, they must leave the best.

Pourquoi ?
Because the rest will be destroy et ceux qui veulent faire partie de l’histoire will have to oblige.

Quelle est la prochaine étape après que le rapport ait été déposé ?
Il faut nommer une commission de gestion, car le rapport peut être problématique concernant la gestion des implications des recommandations.

N’est-ce pas du temps perdu ? Ne vaudrait-il pas mieux prendre des actions immédiates ?
Il y a beaucoup d’implications avec des problèmes législatifs et administratifs ainsi que la nomination de ceux qui suivront les résultats, car dans le domaine du trafic de drogue, ils deviennent résistants if not given the right dose at the right time. C’est comme les patients qui prennent trop d’antibiotiques. Finalement le médicament n’a plus aucun effet à un certain moment. Les trafiquants aussi deviennent résistants aux mesures qui sont prises pour leur casser les reins. Ils trouvent toujours d’autres astuces pour passer entre les mailles du filet des autorités.

Le rapport de l’ex-juge Lam Shang Leen fait-il craindre les barons de la drogue ?
Il y a le trafic et les individus. Le trafic est quelque peu perturbé et le rapport va permettre de contenir le problème de la drogue pour un certain temps, car la démarche name and shame a fait ses preuves. Mais il y a les individus qui sont des téméraires. It’s not game over. C’est pour cela que j’estime qu’il faut une relève pour affronter la mafia de la drogue, car ces parasites reviendront encore. La drogue est une guerre entre deux systèmes : la légitimité et l’illégitimité. Dans l’histoire d’un pays, les agresseurs du système frappent quand les institutions sont faibles.

Juste pour vous rappeler que le Premier ministre a juré qu’il compte en finir avec les barons de la drogue…
Comme Pravind Jugnauth sait qui ils sont maintenant, j’espère que ces gens-là ne se retrouveront pas au Parlement et encore moins au Cabinet. I tell him as a brother : walk the talk. Passez à l’action.

Il y a des avocats qui ont été cités dans le rapport, surtout ceux et celles qui ont fait des « unsolicited visits » lors desquelles ils ont rencontré des prisonniers. Cela vous fait quoi en tant qu’homme de loi ?
Je n’ai pas honte de la connerie de ces avocats. There is room for the best at the top. There is room for the worst at the bottom. Ce que je souhaite c’est que le Premier ministre fasse passer des législations pour revoir le fonctionnement du Bar Council et son mode d’élections. C’est le second appel en ce sens que je lui fais. Il ne faut pas que la loi du plus fort règne au sein de la confrérie des avocats.

N’est-ce pas étonnant qu’alors que la commission d’enquête siégeait, il y a eu des saisies de drogue ? Est-ce une façon de la part des barons de la drogue de narguer les assesseurs ?
La drogue est une économie parallèle, un gouvernement en sous-sol qui fonctionne par rapport à un programme de travail bien établi. C’est pour cela que j’insiste sur le fait qu’il faut une commission d’enquête permanente et une Drug Court avec un mandat spécifique. Celle-ci aurait pour tâche de suivre toutes les enquêtes policières ayant trait au trafic de drogue.

Une commission d’enquête coûte déjà ; maintenant en avoir une en permanence. Il s’agit d’un gros budget…
Une commission d’enquête ne doit pas fermer boutique. Quand il y a une permanence, il y a le Big Brother qui agit comme une Law Enforcement Agency et qui ne travaille pas sous le commissaire de police qui dirige des exécutants. C’est comme un Apec Body.

Les casinos sont aussi montrés du doigt pour le blanchiment de l’argent des barons de la drogue…
Don’t look for the little Buddha. Le Texas aux États-Unis a été créé pour les casinos. Le système américain a créé une basse-cour, un underworld de l’argent. Les casinos constituent un moyen de blanchir de l’argent. On crie au loup chez nous ? Maurice est une pâle copie du Texas. Vous pensez que ceux qui fréquentent les casinos vont aller jouer avec l’argent de la pension de la grand-mère ? Ils y vont avec de l’argent gagné facilement et de façon malhonnête. Les casinos existent pour ces raisons.

Vous cautionnez le blanchiment d’argent ?
Je ne cautionne pas, bien au contraire. Il faut fermer tous les casinos pour au moins 10 ans.

Et si on faisait comme Narendra Modi qui change les billets de banque fréquemment, piégeant ainsi l’argent au noir des trafiquants ?
C’est une excellente idée. On pourrait changer nos billets de banque chaque cinq ans. Il faut appliquer le remède de cheval contre les trafiquants. On est en état d’urgence. Fini le temps de faire du bla-bla-bla. J’espère que le rapport de l’ex-juge Lam Shang Leen sera un wake-up call au sein de la population. Il ne faut pas que l’après-Lam Shang Leen soit comme l’après-Maurice Rault.

Pourrait-on un jour mater les barons de la drogue ?
Il y a deux choses qui coïncident : l’ultimatum du gouvernement d’agir et savoir qui sont ceux qui tuent nos jeunes et ce qu’ils font. Pravind Jugnauth has got to strike sinon c’est lui qui deviendra la cible.