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Maya Sewnath : «L’État fait plaisir aux Mauriciens sur le dos des employeurs»

Maya Sewnath.

Le montant de la compensation a eu l’effet d’une douche froide sur Maya Sewnath. La vice-présidente de la SME Chambers évoque les diverses craintes des PME : l’effet domino de cette hausse salariale, l’impact de la compensation sur la compétitivité des entrepreneurs ou encore le risque de licenciement et de fermeture.  

C’est officiel ! Les employés toucheront une compensation variant entre Rs 1 500 et Rs 2 000 à partir de janvier 2024. Que pensez-vous de ce quantum ? 

Je suis restée bouche bée en prenant connaissance du quantum décidé. Avec le paiement du salaire minimum et maintenant la compensation salariale, on est en train de pousser les PME vers la fermeture. C’est aussi dommage que les PME n’aient pas été invitées à participer aux consultations tripartites. Et maintenant, on nous met devant le fait accompli. Attendons voir ce que le gouvernement préconisera pour les PME. 

Le quantum décidé, qui est de 10 %, est au-delà du taux d’inflation (estimé à 7,1 % cette année). D’aucuns disent que c’est une mesure politique. Vos commentaires ? 

Le gouvernement est en train de faire beaucoup de cadeaux. Li pe fer labous dou. L’État fait plaisir aux Mauriciens, mais sur le dos des employeurs. Il ne faut pas oublier que ces hausses salariales auront un effet domino sur les charges financières liées aux ressources humaines (CSG, heures supplémentaires, etc.). Nos coûts augmentent. Et notre souci, c’est comment faire face à la compétition locale et internationale. On nous mène vers une mort lente. Je crains fort que dans les années qui viennent, on n’entend plus parler de PME et d’entrepreneuriat.

Nous ne sommes pas contre le fait de payer les employés. Cependant, il faut prendre en considération le contexte actuel. Nous ne vivons pas un boom économique où l’argent coule à flots et où les ventes explosent. Si c’était le cas, il aurait été tout à fait normal de partager le gâteau. Or, la situation économique est difficile. C’est pourquoi on ne sait pas quoi faire avec ces hausses qui viennent.  

Le ministre Bholah a déclaré que l’État accorderait un soutien financier aux PME qui auront des difficultés à payer la compensation. Êtes-vous satisfaite par cette déclaration ? 

Depuis quelque temps, l’État dit qu’il va nous aider. Comment ? Quel sera le mécanisme qui sera mis en place ? Est-ce que c’est la Banque de développement (DBM) ou la Mauritius Revenue Authority (MRA) qui agira comme facilitateur ? Est-ce que l’aide sera sous forme de prêt ou de subvention ? Si l’État paiera la compensation, qu’en est-il des autres prestations associées ? Nous attendons de voir ce que proposera le gouvernement avant de nous prononcer.
 
Outre la compensation salariale, les opérateurs devront trouver les ressources financières pour respecter le nouveau seuil du salaire minimum. Comment cela va-t-il augmenter les coûts fixes des PME et impacter vos opérations ?

Nos opérations seront affectées par le coût de la main-d’œuvre. Les grandes entreprises ont les moyens de délocaliser leurs opérations dans des pays où la main-d’œuvre est moins chère. Ce n’est pas le cas des PME. Nous allons devoir aussi faire face à un débalancement en termes salarial et à une certaine frustration parmi le personnel. Les employés qui touchent actuellement Rs 16 500 voudront être augmentés. Si ce n’est pas le cas, il y a le risque qu’ils soient démotivés. Les coûts de production seront tellement impactés que nous serons moins compétitifs face à nos concurrents. De même, comment feront les opérateurs qui ont déjà confirmé les commandes à un prix défini alors que des hausses des coûts les attendent en janvier ? Les PME se retrouvent aujourd’hui au bord du gouffre. 

Pour SME Chambers, les PME ont deux choix : fermer boutique ou augmenter les prix de leurs produits avec des conséquences sur leur compétitivité…  

En effet ! Mais, il y a aussi une troisième option, celle de licencier. Il y a une possibilité que certains opérateurs licencient ceux qu’ils emploient à temps partiel et ce sont malheureusement dans la plupart des cas des femmes. Les employés les moins compétents risquent aussi de se retrouver sur le pavé. 

Parlant de compétitivité, ne faut-il pas relativiser sachant que la hausse des salaires est un phénomène mondial qui touche également nos compétiteurs ? 

Il y a des augmentations salariales, mais elles ne sont pas aussi conséquentes comme à Maurice. On ne dit pas qu’il ne faut pas compenser les travailleurs, nous sommes nous aussi les employés de nos entreprises. Mais, nous souhaitons juste savoir si nous bénéficierons des mêmes avantages que les grandes entreprises. 

SME Chambers a demandé une rencontre urgente avec le Premier ministre… Quelles sont les questions que vous souhaiteriez aborder avec lui ? 

Nous attendons une réponse. Nous avons donné un ultimatum jusqu’au 15 décembre. Nous comptons évoquer avec lui les problèmes que rencontrent actuellement les PME. Nous aimerions aussi savoir si les travailleurs étrangers sont concernés par ces hausses salariales tout en sachant que les opérateurs paient déjà leur logement, leur nourriture et d’autres frais. Pour ce qui est des aides, nous aimerions savoir si nous obtiendrons les facilités que les grandes entreprises ont obtenues avec la Mauritius Investment Corporation (MIC) ou s’il y a la possibilité que certains prêts/aides financières soient rayées. 

 

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