C’est un double coup que nous prépare Mario Armel en fin d’année 2024 : d’abord un concours de karaoké local et, plus ambitieux, un album fusion sur vinyle avec la complicité de musiciens issus du répertoire rock et classique. L’interprète d’Anita My Love’ n’est visiblement pas prêt à délaisser sa guitare.
Rencontré à Plaisance, Rose-Hill, sa ville d’adoption depuis plus de 20 ans, Mario Armel, piercing à l’oreille et regard de ‘rastaquouere’, n’a rien perdu de sa verve. C’est qu’il est resté cet éternel gamin de Port-Louis de Ward 1V, issu d’un milieu de musicien. « Mon père était membre du Police Band, tandis que ma mère travaillait dans le département des décors du théâtre de Port-Louis. Ma sœur aînée, avec sa voix classique, se produisait souvent aux côtés de Serge Lebrasse ou du Typhoon Band. Mais si j’ai gardé cet esprit jeune, c’est surtout grâce à ma femme, monitrice d’aérobic », précise-t-il avec le sourire, avant d’ajouter : « Je connaissais le théâtre de Port-Louis du grenier jusqu’aux bas-fonds. Un jour, je suis allé là-bas avec ma sœur et à l’entracte, je me suis mis à pleurer. Lorsqu’elle m’a demandé la raison, j’ai dit que je voulais moi aussi monter sur scène et chanter. J’y suis allé et j’ai fredonné un morceau de Ricky Nelson intitulé ‘I Know That Someday’, puis, plus tard une chanson de Yel Damoo, ‘Laisse mo al lot coté dilo’. C’était deux morceaux prémonitoires au regard de ma carrière jusqu’à ce jour.
Déjà adolescent, je voulais aller à Nashville parce que j’adorais la musique country », dit-il.
Écumer des boites
S’il n’a pas pu fouler la ville d’adolescence du ‘King’, il a pris du plaisir à écumer des boites d’Allemagne ou d’Afrique du Sud. « Je n’ai jamais été véritablement un chanteur de séga, je préfère parler de musique mauricienne. C’est dans cet esprit que j’ai réécrit la musique d’Anita My Love’ pour Anne-Marie Sophie, Ce morceau, je l’avais écrit en 1974 lorsque j’étais en Afrique du Sud, c’est pourquoi il est en anglais. J’avais déjà mes influences country puis les sonorités latines, dont celles de Santana, s’y sont greffées. Deux ans plus tard, j’ai sorti le disque à Maurice avec l’accompagnement d’un Anglais à la flute traversière. C’était une sonorité quasi révolutionnaire, il y avait aussi un accent grave. C’est pourquoi le morceau a gardé son actualité », indique-t-il.
Si les concerts à l’étranger ont été ces espaces déterminants pour donner libre cours à ses inspirations, celles-ci restent néanmoins très locales. « En 1967, j’avais déjà composé ‘Maria Theresa alors que je faisais la partie occidentale du groupe Universal ou je reprenais des morceaux d’Adamo, de Christophe ou encore de Bobby Solo. C'était mes premières expériences avec un groupe dont le répertoire était principalement oriental. Maria Theresa, quant à elle, fusionnait ces influences en mêlant des accents afro-cubains et anglo-saxons », se souvient-il.
En 1973, à l’occasion de l’organisation de la conférence de l’OCAM à l’ile Maurice, il croise la chanteuse indienne Usha Uthup-Iyer, invitée pour l’occasion. « Elle séjournait à l’hôtel Trou-aux-Biches avec lequel j’avais un contrat. Je lui ai appris des rudiments du kreol, elle avait alors chanté ‘Montagne Chamarel’ de Cyril Labonne. Elle a aussi eu une influence sur moi. Je me souviens toujours d’un article de Coll Venkatasamy où il m’avait décrit comme ‘L’homme fusion’. Il avait déjà bien résumé ma démarche artistique », ajoute notre interlocuteur.
Aussi n’est-il guère étonnant que le registre fusion retrouve sa résonnance chez lui en 2024, un peu ‘lassé’ des mêmes prestations au karaoké. « Le karaoké a ouvert de nouvelles perspectives en intégrant des sonorités électroniques, explorées notamment par mon fils Ilario. Cependant, j'avais le besoin de retrouver ce que je percevais comme l'authenticité », fait-il valoir.
Il s’agit d’un album qui entend placer l’ile Maurice sur la carte mondiale de la musique, aussi je lance un appel au gouvernement et aux sponsors pour nous accompagner"
‘Virtuoses’
Pour donner corps à ce projet de disque qui paraitra sur un album vinyle, il va s’entourer de musiciens qu’il considère comme des ‘virtuoses’ dans leurs disciplines respectives, à savoir Kenneth Babajie, pianiste de formation classique, Mitterrand Hansley Félicité, guitariste d’inspiration classique et enseignant au Conservatoire de musique François, le bassiste Mike Davy, formé au rock et Mike Leste, percussionniste de formation. « J’ai eu l’occasion d’écouter tous ces musiciens sur les réseaux sociaux, j’ai tout de suite compris qu’ils seraient intéressés par mon projet. Je pense que mon nom y a été pour quelque, y apportant une crédibilité au projet. Il est évident qu’il fallait que ce soit quelque chose qui corresponde à la propre démarche musique de chacun d’entre eux, aussi je n’ai pas tiré toute la couverture sur moi, mais c’est moi qui en porte la réalisation de bout en bout », explique Mario Armel.
Je connaissais le théâtre de Port-Louis du grenier jusqu’aux bas-fonds. Un jour, je suis allé là-bas avec ma sœur et à l’entracte, je me suis mis à pleurer. Lorsqu’elle m’a demandé la raison, j’ai dit que je voulais moi aussi monter sur scène et chanter"
Collaboration unique
Une rencontre initiale avec Kenneth Babajie chez lui deux semaines de cela a déjà permis de jeter les bases de cette collaboration unique en son genre et le lundi 22 juillet 2024, une première séance de répétition est prévue avec l’ensemble des musiciens. « Il a fallu se mettre d’accord sur la disponibilité de chacun. Mais tout le monde est intéressé par cette expérience et moi-même, j’attends qu’elle donne naissance à de nouvelles sonorités. Je conçois cette rencontre comme une opportunité de montrer ce que l’ile Maurice, réceptacle de cultures venues d’Orient, d’Afrique et d’Europe est en mesure de créer sur le plan musical », souhaite-t-il. L’album sera composé de ses propres titres refondus dans le registre ‘fusion’ mais aussi d’un duo avec Sangeeta Deerpaul, son amie de longue date. Quant aux rémunérations de chacun des collaborateurs/trices, il compte sur les sponsorings et les recettes provenant des concerts. « Je suis conscient que cette musique ne fait pas partie du registre populaire et que les concerts risquent de ne s’adresser qu’à une audience sélective. Par ailleurs, en termes de concerts, il nous faudra des salles pourvues d’une acoustique appropriée, étant donné que nous aurons un piano à queue sur la scène. C’est un projet que nous concevons avec le plus grand sérieux, nous n’épargnons aucun détail et chacun y engage son image. J’y mets toute mon énergie. Il faut se dire que Mario Armel est ‘still alive and kicking’. Il s’agit d’un album qui entend placer l’ile Maurice sur la carte mondiale de la musique, aussi je lance un appel au gouvernement et aux sponsors pour nous accompagner », conclut-il.
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