La situation est pour le moins tendue entre la Banque de Maurice et certaines banques commerciales. En toile de fond, des spéculations sur le marché des devises qui ont valu des sanctions à huit banques et des lettres d’avertissement à quatre autres.
Le manque de devises sur le marché avait, dans le sillage de la pandémie, instauré un climat d’instabilité sur le marché des changes. La reprise du tourisme et du secteur de l’exportation a en 2022 contribué à l’obtention respective de Rs 64,85 milliards et Rs 101,68 milliards de revenus. Cela aurait dû apporter un certain apaisement sur le marché. Or, deux interventions combinées de 20 millions de dollars de la Banque de Maurice en mars dernier démontrent que la situation ne s’est pas pour autant améliorée. Le gouverneur de la Banque de Maurice pointe du doigt un jeu de dépréciation spéculative de la roupie par certaines banques et opérateurs économiques. Le sort des mauvais joueurs est connu : huit banques devront payer des amendes, alors que quatre autres ont reçu des lettres d’avertissement.
L’économiste Sameer Sharma affirme qu’il n’est pas surpris de la décision de la Banque de Maurice qui est erronée dans la mesure où la roupie se déprécie pour des raisons fondamentales. « Les différentes interventions de la Banque centrale sur le marché des changes ont vidé les réserves. Ce sont les banques commerciales qui en font les frais », s’attriste-t-il.
Cédric Béguier, Head of Research and Portfolio Management International chez Ekada Capital, est quant à lui d’avis que c’est bien de sanctionner les banques, mais il faudra aussi être plus ferme avec les opérateurs. « Les banques font leur travail avec peu de moyens. Il y a une forte demande de devises, mais les banques en ont au compte-gouttes. Les spéculations et la rétention sont de bonne guerre », poursuit Cédric Béguier.
D’ailleurs, un banquier fait comprendre que les sanctions ne vont pas influer sur la disponibilité des devises. Ce qui pousse Sameer Sharma à dire que cette décision est plus politique que pragmatique. « Il faut voir cette situation dans un contexte électoral. Le ministre des Finances avait également mis les banques en garde. Toutefois, c’est la BoM qui a un problème de liquidité en devises », argumente Sameer Sharma.
Les banques vont-elles de ce fait contester la décision de la Banque centrale ? Un banquier décrit la situation comme « pot de terre contre pot de fer ». Selon lui, les banques n’iront pas en contestation pour ne pas envenimer la situation.
Inverser la tendance
Les intervenants sont d’avis que le pire concernant la dépréciation de la roupie est derrière nous. Néanmoins, Cédric Béguier préconise d’instaurer des mesures incitatives pour que les acteurs économiques remettent un peu de devises dans la machine. Il propose l’émission d’obligations d’État en devises. Sameer Sharma, de son côté, suggère au gouvernement de venir de l’avant avec un Budget 2023-24 responsable, sans mesure populiste, mais avec des réformes structurelles et un contrôle des dépenses. La roupie, précise l’économiste, se stabilisera ainsi par rapport à 2022.
Une bouffée d’oxygène pour les importateurs ?
Les « monetary fines » dont devront payer huit banques pourraient, selon Cédric Béguier, Head of Research and Portfolio Management International chez Ekada Capital, déboucher à un peu moins de spéculation. Les importateurs se retrouvaient souvent dans l’étau de la non-disponibilité de devises et d’une monnaie étrangère vendue à des taux perplexes.
Riad Chitabahal, directeur d’Iglo Aluminium, concède que certaines banques choisissaient à qui vendre des devises. « Je pense que la situation peut s’améliorer si la BoM suit ce dossier de près. Les importateurs ont été pénalisés dans ce jeu. Nous avons à plusieurs reprises étaient contraints de payer le stockage de nos conteneurs, car il était compliqué d’obtenir les devises nécessaires pour les importations », explique-t-il.
Toutefois, Cédric Béguier craint que dans le fond, le problème reste le même. « La peur d’une dévaluation de la roupie risque de pousser les pourvoyeurs de devises à conserver leur monnaie étrangère », soutient-il. L’économiste Sameer Sharma rappelle pour sa part que l’injection de 200 millions de dollars par la BoM en avril 2020 n’a pas eu l’effet escompté. « Pourquoi est-ce que ceux qui ont des devises vont les convertir ? Le rôle du secteur privé est de maximiser les bénéfices. Les hôtels vont convertir le montant nécessaire pour payer leurs dettes locales et payer les salaires », fait-il comprendre.
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