Interview

Manvendra Singh Gohil, prince et gay : «J’aurais pu être tué»

Le Prince indien en compagnie de son ami américain, Duke De Andre Richardson. Le Prince indien en compagnie de son ami américain, Duke De Andre Richardson.

Manvendra Singh Gohil est le premier prince indien à afficher son homosexualité. Âgé de 51 ans, il dédie sa vie à la lutte pour les droits humains et ceux des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT). Lors de cet entretien, il aborde sa relation avec ses parents, son mariage annulé et son combat.

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Quand et comment avec-vous découvert votre homosexualité ?
Je devais avoir 12 ou 13 ans. C’était la période quand j’acquérais la maturité sexuelle. Petit à petit, je commençais à découvrir et à accepter les changements de la puberté. À l’école, j’avais beaucoup d’amies. J’étais triste quand les garçons les taquinaient. Je ne comprenais pas cette sympathie que je cultivais à leur égard.

Aujourd’hui encore, je partage une relation cordiale avec mes copines et certaines sont des figures connues à Bollywood. Je m’entendais très bien avec elles, mais à aucun moment je n’ai éprouvé des sentiments pour elles. J’étais plutôt attiré par les garçons. Je croyais que c’était une phase temporaire de ma vie.

Mais je ne pouvais aborder ce sujet avec mes parents. D’ailleurs, j’ai grandi avec une gouvernante comme c’est la tradition dans les familles royales. Il n’y avait donc aucun axe de communication entre mes parents et moi. Au départ, je croyais même que j’étais malade. J’avais tort ! Être homosexuel n’est pas une maladie.

Qui vous a encouragé à sortir de votre silence ?
Tout s’est fait graduellement. Je ne pouvais plus vivre dans une société hypocrite. Je suis gay, mais je devais dire à mes sujets que j’étais hétérosexuel. Mon premier mariage a été annulé après quinze mois seulement. Mon ex-épouse qui vient également d’une famille royale était frustrée, car notre mariage n’a jamais été consommé.

Elle ne m’a pas posé de questions. Elle avait probablement des doutes. Elle a donc pris l’initiative de demander à dissoudre notre mariage non consommé pour cause d’impotence. J’ai sollicité l’aide médicale pour prouver que je n’étais pas impotent. Mon ex-épouse a passé un test de virginité qui s’est révélé positif. J’ai également confirmé que je ne l’ai jamais touché. En Inde surtout dans une famille royale, les filles se réservent pour leur époux. Leur virginité est sacrée. Elle a pu refaire sa vie.

Ensuite, je subissais d’énormes pressions pour me remarier. Comme je suis le fils unique, j’étais pressenti pour être le prochain héritier du trône. J’ai une sœur cadette. La dynastie Gohil compte plus de 650 ans d’histoire. Je suis le 39e descendant dans l’ordre de succession. Cependant, je ne pouvais plus vivre avec ce poids. Je devais être honnête envers moi.
Je souffrais d’une dépression. J’ai annoncé la nouvelle à mes parents en 2002. Ces derniers se doutaient déjà de mon orientation sexuelle. Ils ont eu du mal à accepter cette vérité. Ils m’ont déshérité, mais la loi interdit cela en Inde. Mon père a tout de suite présenté ses excuses en public. En 2006, j’ai alors annoncé officiellement mon homosexualité dans les médias. J’ai dit que j’étais le premier membre d’une famille royale à accepter son homosexualité, mais je ne suis pas le seul gay.

Vous vous êtes ensuite investi dans le social. Dans quel but ?
En 2000, j’ai mis sur pied mon organisation : Lakshya Trust. Elle se concentre sur les droits des transgenres et des homosexuels au Gujarat, l’État où je suis né. Nous mettons l’accent sur la prévention et la sensibilisation du VIH/sida. Nous commençons à mener d’autres projets pour la population générale. Nous sommes une organisation de gays travaillant pour le bien-être des gays. Le gouvernement à travers le ministère de la Santé, nous aide.

Il existe un paradoxe en Inde. Les lois condamnent les rapports sexuels entre deux hommes et en même temps, nous soutient à distribuer gratuitement des préservatifs. Est-ce que cela signifie que le gouvernement commet un délit ? Il y a un incident qui nous a marqués. Un jour, le personnel de Lakshya Trust, offrait des préservatifs. Les policiers les ont arrêtés et les ont forcés à avoir des rapports sexuels avec eux. Qui sont les vrais criminels ? Nous avions à prouver que nous ne faisions rien d’illégal.

D’autre part, pourquoi une femme n’a pas le droit d’avoir des relations sexuelles avec une autre ? La section 377 du Code pénal indien est mal utilisée. Elle stipule « Quiconque a volontairement une relation charnelle contre l’ordre de la nature avec un homme, une femme ou un animal sera puni de prison à vie… » Chez vous, il y a la section 250 de la Constitution de Maurice.

La section 377 a vu le jour durant la colonisation britannique. Cela après la mutinerie indienne en 1857. Les Britanniques ont commencé à se sentir menacés à la suite de cette révolte. Pour démotiver les Indiens rebelles, les Britanniques ont alors décidé de nuire aux communautés qui étaient puissantes financièrement et socialement. Elles étaient les travailleuses du sexe et les transgenres. En Inde, les transgenres sont très respectés. Pendant des milliers d’années, ils ont protégé les familles royales. Leurs bénédictions sont souvent sollicitées lors des événements importants notamment à la naissance d’un enfant.

Comment est-ce que votre titre de prince vous aide dans votre combat ?
Être prince et gay a des conséquences négatives comme positives. Quand j’ai raconté mon histoire à la presse, je savais que j’aurais pu être tué à la parution de cette nouvelle. Je m’étais préparé à cette éventualité. Mais elle a eu un impact positif. Un club de personnes âgées à Gujarat par exemple a voulu m’honorer, car elles trouvaient que j’avais le courage de dire la vérité.

Je suis un défenseur des droits humains. J’ai dédié ma vie à cette cause. Quand vous êtes une figure connue, vous pouvez influencer les autres facilement. Je me sers de mon titre pour encourager les gens à respecter les droits des autres. Nous sommes tous égaux.

La communauté LGBT ne demande pas un traitement de faveur. Mais elle souhaite que son choix soit respecté et accepté. Plusieurs pays m’invitent à donner des causeries. Bientôt, je serai à San Francisco aux États-Unis pour la marche des fiertés.

Outre votre mission, quels sont vos passe-temps ?
Depuis que j’ai cinq ans, je joue à l’harmonium. Je pratique aussi le yoga. J’aime les animaux. D’ailleurs, j’ai participé à de nombreuses opérations de sauvetage des animaux. Je travaille également sur les projets de conservation du patrimoine.

 

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