Malik Al Farwa : de la Syrie à Cité Martial

Malik Al Farwa

Malik Al Farwa, 52 ans, a fui les bombes pour venir s’abriter sous le soleil de Maurice. Il est Syrien et fier de l’être. Mais, à cause de Bachar el-Assad, il a tout plaqué. Il est devenu marchand de briyani à Résidences Richelieu. Rencontre.

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Du matin au soir, à Maurice, on est peinard, dit-il. Là-bas, plus précisément à Ghouta, dans la banlieue de Damas en Syrie, il pleut des bombes. Bachar el-Assad est passé par là depuis 2011. « Vous, les Mauriciens, ne savez pas la chance que vous avez de vivre dans un pays multiculturel, en paix et en respect des uns des autres, ce que nous vivions aussi dans mon pays, jusqu’à ce que le dictateur en décide autrement », dit ce Syrien avec émotion.

Le visage racé, portant une djellaba gris cendre et le fez du même ton, revenant de la mosquée de la rue Gorah-Issac, il nous reçoit avec sa deuxième femme, Nashreen, une Mauricienne à Cité Martial. Sa première femme aussi est une Mauricienne qu’il a rencontrée en Grèce, lors de ses études universitaires en 1987.

Le Coran ne nous dit pas de tuer, de torturer, mais d’aimer l’autre»

Régime autoritaire

Il est père de six enfants, cinq garçons et une fille. « Mais, la famille a éclaté. Certains sont au Canada, d’autres ont trouvé refuge ailleurs. Ma maman et des cousins sont toujours à Ghouta, la région limitrophe de Damas ».

Comment vivez-vous ce terrible drame qui a lieu dans votre pays ? « Mal, je prends des nouvelles dès que je peux. Certains proches sont encore à Ghouta, à Damas. Certains sont emprisonnés et torturés, d’autres sont morts, d’autres ont disparu, c’est l’enfer en Syrie », lâche-t-il.

Qu’est-ce qui a causé cette révolte des Syriens qui a fait que le régime baasiste en place réprime ? « Le printemps arabe a débuté en Syrie. Il y avait un ras-le-bol général avec un régime autoritaire avec Bachar el-Assad et sa clique de Russie et d’autres alliés. Mais l’Occident voyait cela comme une bénédiction, les Musulmans et les Arabes étaient mal vus. Plus on était de morts, mieux c’était. Mais, on n’est pas Daesh, ni l’État islamique. Le Coran ne nous dit pas de tuer, de torturer, mais d’aimer l’autre. Ce que nous faisions vis-à-vis des chrétiens, c’est cela l’islam, le vrai. »

La répression

N’avez-vous pas approché le Conseil national syrien pour décrier les exactions qui vous étouffaient ? Malik passe ses doigts dans sa barbe grise et lâche dans un patois avec un léger accent : « Nos élus, tous proches de Bachar, sont élus avec 99,99 % des voix, imaginez la farce. Ce sont des élus qui “tapp la me pou tou seki Bachar dir ; ki kapav fer, dir mwa ?” ».

Mais il y a bien une coalition qui soutient les rebelles ? Malik sourit. Pour lui, tant que la Russie et l’Iran et Al Quaida et le Hezbollah seront derrière Bachar el-Assad tout espoir est perdu.

Comment cette guerre a-t-elle commencé ? Selon certaines nouvelles sur Internet, c’est après que des enfants aient placé des écriteaux contre le régime de Bachar. « Effectivement, des adolescents ont placé des écriteaux contre le régime et les soldats ont retracé ceux qui ont acheté des pots de peinture et ensuite la répression a commencé. Ils ont torturé des gens de la province de Draa pour leur faire parler et dénoncer ces adolescents », répond Malik.

Certains sont emprisonnés et torturés, d’autres ont disparu, c’est l’enfer en Syrie»

Il y a aussi la célèbre prison de Saydiana… « Cette prison-là, c’est le martyr. Il y a eu plus de 200 000 disparus. On y entre gras et gros, on en sort avec les os sur la peau, car “pa donn manze. Enn dizef pou 10 dimounn” ».

À ce propos, Malik conte l’histoire terrible de son frère. « Il a été arrêté avec son camion chargé de légumes et on a fait de fausses allégations contre lui. Il est resté emprisonné durant 50 jours sans preuve qu’il ait commis une offense. Il est sorti comme un zombie, ayant perdu des dizaines de kilos. “Li finn sorti bagett nett” ».

Est-ce pour cela que vous avez élu domicile à Maurice ? « Il est difficile de tolérer un dictateur, de voir le pays qui fout le camp, de voir Bhar qui contrôle la Syrie. La barbarie est contraire à l’Islam, mais prônée par Bachar avec la complicité de Poutine, de l’Iran et de l’Irak. Je suis un des six millions, voire plus, à avoir fui le pays. »

Quel espoir ? « Tant que Bachar sera au pouvoir avec l’aide de ses amis russes et iraniens et les autres terroristes, aucun. Mais, il y a un homme : Mahdi, de l’Arabie, qui les matera tous et redonnera espoir aux Syriens. Et Bachar le sait, de même que ses complices. Bachar ose dire que c’est lui notre seigneur, notre Dieu et si on pense le contraire, on est massacré. »

Malik dit qu’il pleure à chaque fois qu’il voit des images de son pays dévasté, ces fuyards qui cherchent refuge ailleurs, laissant tout derrière eux, toute une vie de sacrifices, de labeur, par la faute d’un homme : Bachar el-Assad. « Heureusement que je vis ici, je suis un homme comblé, je travaille et gagne ma vie avec le soutien de ma famille mauricienne. »

Dans une petite ruelle de Résidences Richelieu, tout près du jardin d’enfants du coin, Malik vend du briyani (bœuf, poulet et poisson), aidé de sa femme Nashreen. Mais, au fond de ses yeux, il y a la tristesse de vivre loin des siens. « Allah libérera la Syrie bientôt et fera payer cash Bashar », dit-il, avant d’aller préparer les épices pour le repas du soir.

 

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