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Malgré la lettre «anonyme» de dénonciations : l’enquête de l’Icac ouverte contre Ameenah Gurib-Fakim en 2018 piétine

Vers le 20 mars 2018, le Premier ministre, Pravind Jugnauth, reçoit une lettre anonyme faisant une série d’allégations graves contre Ameenah Gurib-Fakim. Le 23 mars 2018, le chef du gouvernement annonce, en conférence de presse, l’avoir transmise à l’Independent Commission against Corruption (Icac). Le 23 mars, Ameenah Gurib-Fakim se retire officiellement de son poste de présidente de la République.

Un peu plus de quatre ans plus tard, il revient que l’Icac n’a guère avancé dans cette affaire. « L’enquête est toujours ouverte, mais rien n’a bougé. Pour le moment, nous n’avons rien trouvé », confie-t-on à l’Icac. Rien ne permet aux limiers de procéder à de nouvelles interrogations ou interpellations. Pas question cependant pour le moment de mettre un terme aux investigations.

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L’Icac va-t-elle ouvrir une enquête séparée après un rapport qui semble révéler que l’auteur de la lettre  serait un ancien « Senior Advisor » du Bureau du Premier ministre.

Le 27 mars 2018, lors de la Private Notice Question (PNQ) du leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, le Premier ministre avait « invité tous ceux qui ont des informations à venir de l’avant et donner des preuves à l’Icac. Personne ne devrait avoir des hésitations pour donner des preuves, car les informateurs et témoins qui collaborent avec l’Icac jouissent d’une protection concernant leur identité. Ils sont aussi protégés contre toute poursuite au criminel et au civil en conformité avec les sections 48 et 49 de la Prevention of Corruption Act ».

Malgré cet appel, l’Icac n’a pu recueillir, jusqu’ici, des preuves concrètes ni des témoignages compromettants dans cette affaire. Au niveau des soupçons sur l’identité de l’auteur de la lettre, l’Icac indique que celle-ci enquête uniquement sur des délits sous la Prevention of Corruption Act et de la Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act. « Les allégations rapportées dans la presse semblent porter sur soit complot soit sur des dénonciations fausses et malicieuses. Cela tombe sous la juridiction de la police », y indique-t-on.

«Un patriote engagé»

Une correspondance qui compte cinq pages et est signé par « Un patriote engagé » s’adresse au Premier ministre à partir de sa « plus profonde conviction qu’un Chef de gouvernement se soucie avant tout de la réputation de son pays et du bien-être de ses citoyens. Je n’ai aucune raison de ne pas vous faire confiance en ce sens ». Il soutient aussi qu’il entreprend « une démarche pouvant nous mener à un assainissement de la situation et arrêter cette hémorragie, donnant lieu à son lot de confusion jour après jour ».

Une série d’allégations, certaines sous forme de questions, est listée, avec la demande faite au Premier ministre de « référer les allégations et accusations à l’institution compétente et existante pouvant enquêter sur des allégations parues dans la presse ».

Le « patriote engagé » suggère que cette institution enquête sur un ancien haut cadre de la Présidence qui a été engagé par une des compagnies d’Alvaro Sobrinho, mais aussi pour savoir si celui-ci a « bénéficié de biens ou de facilités de la part de M. Sobrinho ». Il suggère aussi une enquête sur l’utilisation de la Carte Platinum appartenant au Planet Earth Institute par Ameenah Gurib-Fakim et pour déterminer s’il a été question « d’accélérer les procédures pour aider les demandes de licences en provenance des compagnies de M. Sobrinho lors d’un déjeuner à la State House en l’honneur du Planet Earth Institute ». Il demande aussi d’enquêter sur les « circonstances entourant les licences bancaires ou autres, obtenues par Monsieur Sobrinho à la suite de ce déjeuner ».

Une écriture qui tend à révéler l’auteur de la lettre anonyme

Un rapport de 21 pages, établi par Patrice Balletti, un expert français en documents et écritures attaché à la Cour d’appel de Saint-Denis, à La Réunion, vient, quatre ans plus tard, établir l’identité de son auteur.
Trois documents ont été présentés à l’expert : la correspondance anonyme de cinq pages datant du 20 mars 2018, rédigée sur ordinateur, mais avec des griffonnages et corrections qui y ont été apportés par la suite ; un document de deux feuilles manuscrites et finalement un document officiel en format A4, daté du 4 février dernier, et portant deux lignes d’écriture et une signature manuscrites. Sur le dernier document figure la signature qui ajoute à la plume les nouvelles fonctions d’un ancien Senior Advisor du Premier ministre et qui est aujourd’hui en poste dans une corporation quasi-étatique. Dans ses conclusions générales, l’expert indique que les trois documents ont été manuscrites « de la même main ». Il indique aussi qu’il y a des « similarités de fonds (pression, nourriture, structure, vitesse, rythme, mouvement, inclinaison, modes de liaison, amplitudes » et de formes (proportions, accents finals, éloignement point final) ». L’expert arrive à la conclusion qu’il « apparaît très distinctement un nombre très important de ressemblances, de fonds comme de formes (pression, nourriture, structure, vitesse, rythme, mouvement, proportions, inclinaison, direction…), au regard du très faible pourcentage de différences, uniquement cantonnées à la forme, et toutes explicables par les différents contextes de production graphique, entre les écritures de question tracées sur le document anonyme adressé à « l’Honorable Pravind Jugnauth, Premier ministre de la République de Maurice », daté du mardi 20 mars 2018, et celles originales tracées sur les documents de comparaison C1 (écriture manuscrite non datée recto deux feuilles blanches) et C2 (document « Notice to Dissenting Shareholder »), nous orientant vers leur identité de main ».

Vérifications au niveau du PMO

Au niveau du PMO, l'on maintient que les allégations contre un ancien Senior Advisor du chef du gouvernement « sont fausses » et résulteraient d'une “machination visant à nuire à une personne proche du PM.

Le rapport de la commission d'enquête sur Ameenah Gurib-Fakim remis au président bientôt

Le président de la République, Prithviraj Roopun, devrait accuser réception du rapport de la commission d'enquête sur Ameenah Gurib-Fakim. C'est ce que confirment des sources à la Cour suprême. Le rapport devrait ensuite être remis au chef du gouvernement, qui informera le conseil des ministres. Décision sera ensuite prise de rendre public le rapport ou non. Le Premier ministre, Pravind Jugnauth, avait annoncé la mise sur pied de cette instance le 23 mars 2018. L'ancien Chef juge Asraf Caunhye avait été nommé président de la commission. À ce moment-là, il occupait le poste de Puisne Judge. Ses assesseurs, Nirmala Devat et Gaitree Jugessur-Manna, étaient alors Puisne judges.

Ils avaient eu comme attributions d'enquêter sur les circonstances ayant mené à la mise sur pied d’une commission d’enquête sur l’affaire Alvaro Sobrinho par Ameenah Gurib-Fakim le 17 mars 2018 et s'il y avait là une violation de la Constitution.

Parmi les autres attributions, la commission d’enquête doit établir s'il y avait eu l'implication, directe ou indirecte, d’hommes de loi dans l’institution de cette commission d’enquête. La commission se penche sur l' « unlawful, improper or indecorous use of the Office of the President », qui a mené à la démission d’Ameenah Gurib-Fakim le vendredi 23 mars 2018, après un bras de fer de plusieurs jours avec le gouvernement. Une éventuelle révision des procédures de révocation d'un président et vice-président de la République figure aussi dans les attributions de cette instance. 

Réactions

Reza Uteem :

« Cette affaire tend vers un complot au Bureau du Premier ministre contre l’ancienne Présidente. C’est un délit punissable par 10 ans de prison. Maintenant, c’est au Commissaire de police de prendre ses responsabilités ».

Khushal Lobine : 

« J’ai pris connaissance à travers la presse et les réseaux sociaux. On souhaite avoir plus de détails et les autres versions pour savoir de quoi il s’agit. On veut en savoir davantage sur ce rapport et sur cette lettre. Nous n’avions jamais eu une copie même si le Premier ministre nous avait dit au Parlement en 2018 qu’il allait nous en donner une. On demande une enquête approfondie ».

Arvin Boolell : 

« Cette affaire montre l’état d’âme, l’esprit et la façon de faire de Pravind Jugnauth et de son équipe. Ken Arian devra répondre. Il doit avoir le courage de venir dire si, oui ou non, il est l’auteur de cette lettre. Ça montre la mauvaise foi des chefs de « La Kwizinn » et ça tend à confirmer que nous sommes dans un État autocratique. Si cette affaire est vraie, il mérite tout le mépris et il doit partir. Ça montre à quel niveau ils peuvent descendre. La politique de bas étage a toujours été prônée par le MSM de Pravind Jugnauth ». 
 

 

 

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