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Malenn Oodiah : un artisan du vivre-ensemble mauricien tire sa révérence

Sociologue, penseur, activiste, écrivain, Malenn Oodiah était une figure marquante du paysage intellectuel et citoyen mauricien. Il nous a quittés vendredi, à l’âge de 68 ans. Infatigable artisan du dialogue, défenseur d’un humanisme social ancré dans les réalités locales, il a consacré sa vie à repenser la société mauricienne — pour qu’elle soit plus verte, plus humaine, plus juste.

Formé en sociologie, Malenn Oodiah a constamment mis son savoir au service de l’analyse des réalités locales. Dans ses écrits comme dans ses interventions publiques, il a ausculté Maurice sans complaisance : les failles démocratiques, les fractures sociales, les urgences écologiques, les pièges identitaires.

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Mais il n’a jamais sombré dans le cynisme. Au contraire : il a proposé. Il a rêvé. Il a construit.

Loin des discours technocratiques ou politiciens, sa parole se voulait celle d’un citoyen engagé, rigoureux, mais habité par l’espoir d’un avenir meilleur — pour tous. 

Il avait notamment mis en pratique une partie de ses convictions lors de son passage comme Head of Corporate Communication au sein du groupe Beachcomber Resorts & Hotels. L’hôtellerie fut pour lui un terreau d’expérimentation humaine.

Le « Projet de Société » : une boussole pour demain

Afin de sensibiliser le plus grand nombre à l’importance de penser dès aujourd’hui la société mauricienne de demain, il avait approché la direction du Défi Media Group et co-animé avec Nawaz Noorbux sur RadioPlus une série d’émissions autour du Projet de Société, une initiative citoyenne résolument tournée vers l’avenir.

Son slogan : « Vert, Humain, Moderne ».

Trois mots qui résument sa vision :
• Vert, pour une transition écologique réelle et urgente.
• Humain, pour replacer la dignité et la justice au cœur de l’action publique.
• Moderne, non pas dans un sens consumériste, mais comme ouverture à l’innovation, à la réflexion et à la participation citoyenne.

Ce projet ne s’est jamais voulu partisan. Il se présentait comme un laboratoire d’idées, un creuset de réflexions et un espace de pensée collective sur ce que pourrait être Maurice demain.

Un homme de culture et de terrain

En décembre 2020, Malenn Oodiah fonde Lakaz Flanbwayan, à Bambous : un espace culturel et artistique ouvert à toutes les générations. Entre ateliers, expositions, débats et spectacles, Lakaz Flanbwayan devient un lieu de vie, de création et de transmission. Durant la pandémie de Covid-19, il lance également Art Atak, une plateforme numérique destinée à donner de la visibilité aux artistes locaux, souvent laissés pour compte dans les circuits institutionnels.

Ces projets illustrent bien la philosophie de Malenn Oodiah : la transformation sociale passe par la culture, l’échange et la beauté partagée.

Penseur du long terme

Auteur engagé, il a publié plusieurs ouvrages, dont Up-Close (2017), un livre de photographies, Pour une Révolution Tranquille, et plus récemment, en 2024, après sept années de réflexion, Le Manifeste de l’Avenir.

Ce document, ambitieux et rigoureux, propose une refonte complète du modèle mauricien : gouvernance, économie, éducation, environnement, démocratie participative. 

Il ne s’agit pas d’un programme électoral, mais d’un appel : à penser autrement, à refuser la résignation, à reconstruire une société inclusive et responsable. 

Le manifeste a été reçu comme un signal fort dans une époque traversée par la défiance, le repli sur soi et les crises à répétition.

Valeurs et convictions

Malenn Oodiah se définissait comme humaniste. Il croyait profondément aux droits humains, à la justice sociale, à l’égalité réelle entre les citoyens, quelles que soient leurs origines, leurs croyances ou leur condition. Dans un pays aussi multiculturel que Maurice, il a milité inlassablement pour un vivre-ensemble sincère, fondé sur le respect, la connaissance mutuelle et la construction d’une identité collective.
Il était aussi un écologiste convaincu, dénonçant les dérives d’un modèle de développement court-termiste, extractiviste et destructeur des équilibres naturels. Il plaidait pour une économie plus sobre, plus résiliente, centrée sur le bien-être plutôt que sur la seule croissance.

L’héritage d’un homme libre

Malenn Oodiah laisse derrière lui un héritage intellectuel, culturel et politique de grande valeur. Il n’a jamais cherché le pouvoir, les projecteurs, ni les honneurs. Il a préféré le travail de fond, la pédagogie, la lenteur du dialogue, l’éveil progressif des consciences.

On se souviendra aussi de lui lors du passage du Pape François à Maurice en 2019… À son initiative, au Château du Réduit, le Souverain Pontife avait béni quelques-unes des 200 000 plantes endémiques qui devaient être mises en terre pour marquer la visite papale dans notre île.

Tout au long de son parcours, il a su incarner une vie en cohérence : entre ses convictions et ses actes, entre ses idées et son mode de vie. Jardinage, photographie et lectures : ses passions personnelles nourrissaient sa vision du monde.

Il vivait à Rose-Hill avec sa compagne, l’activiste engagée,  Adi Teelock. Sa dépouille sera exposée jusqu’à 14 heures ce samedi dans la chapelle ardente d’Elie & Sons à Beau-Bassin, et ses funérailles auront lieu juste après au cimetière de Phoenix.
 

 

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