Les conditions de vie des gens habitant dans des maisons contenant de l’amiante avaient, une fois de plus, été abordées à l’Assemblée nationale le mardi 2 juillet. Le député du Mouvement patriotique, Alan Ganoo, a exhorté le gouvernement à « reconditionner » ces demeures qui ont été construites depuis plusieurs décennies. Le Défi Plus a été à la rencontre de quelques habitants, qui disent être « conscients » qu’ils se donnent la mort à petit feu. Ils demandent au GM de leur donner un logis convenable.
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Si la région de Grande-Rivière Noire, dans l’ouest du pays, est en plein développement, au pied de la montagne ou sur la côte, les natifs luttent pour que leurs demeures soient rasées. Ils craignent pour leur santé. La raison : leurs maisons de quatre pièces (dont la superficie approximative est de 8 x 4 mètres) ont été conçues avec des cloisons en amiante (asbestos cement). L’amiante est une matière hautement toxique pouvant, entre autres, causer des problèmes respiratoires et le cancer du poumon. Environ 59 résidences (autrefois appelées « cités ») et près de 3 113 maisons EDC, ex-CHA, réparties à travers le pays, seraient concernées par cette situation.
Sur la longue liste des régions : Résidence La Mivoie, également connue comme EDC Rivière-Noire. Une vingtaine de maisons ex-CHA de cette région contiennent de l’amiante. Karen Hippolyte a 27 ans. Elle habite avenue des Eucalyptus à la Résidence EDC de Rivière-Noire. Cette jeune femme a perdu son frère Zacharie, 6 ans. Son benjamin est décédé en 2006 dans des circonstances troublantes.
Le petit, selon la sœur, serait mort des suites d’une tumeur au cerveau. Le personnel médical, explique notre interlocutrice, avait, à l’époque, attribué le décès à une longue exposition à l’amiante. Karen Hippolyte, qui parle en la présence de sa sœur aînée Natacha, raconte que son frère a lutté contre sa maladie pendant 2 à 3 ans.
« Je demande au GM de prendre conscience de la réalité »
« Nous vivons dans cette maison ex-CHA, construite en amiante depuis notre naissance. C’est un logis en dur, car les cloisons résistent à l’épreuve du temps. En été, l’intérieur de la maison est comme un four et, en hiver, le froid nous est insupportable en raison des cloisons et de la toiture en tôle », fait remarquer notre interlocutrice. Elle se dit « consciente » que le matériau ayant été utilisé pour la construction de la demeure familiale pourrait causer leur être fatal. « Nous ne sommes pas autorisés à découper, ou encore perforer les cloisons pour insérer ne serait-ce qu’un cadre photo.
ela, pour notre propre survie car les particules d’amiante pourraient nous être fatales au fil du temps en cas d’inhalation. Les autorités nous ont autrefois expliqué que des experts de la santé devront être dépêchés pour accomplir cette tâche délicate », dit-elle. Dans son message aux autorités, Karen Hippolyte va droit au but : « Je demande au gouvernement de prendre conscience de la réalité à laquelle nous sommes confrontés quotidiennement et de nous donner le coup de main nécessaire afin qu’on puisse avoir une nouvelle vie ».
Des demeures dans leur état initial et agrandies
David Garrick habite quelques mètres plus loin. L’homme de 29 ans semble être plus réticent à parler que sa voisine Karen Hippolyte. Lors de notre rencontre, notre interlocuteur dit avoir vécu pendant 17 ans, en compagnie de sa mère, dans une maison construite en amiante appartenant à son grand-père maternel. Sa mère, précise David Garrick, a élu domicile en périphérie de la capitale depuis l’année dernière. La demeure de couleur bleu ciel, sans fenêtres ni portes, est à l’abandon depuis environ un an. C’est un véritable taudis. Un matelas jonche le sol. Des ustensiles de cuisine sont éparpillés sur une table. Des fils électriques pendant çà et là. Des cloisons brisées… Un chien a élu domicile dans la maison. « J’ai toujours entendu dire que les maisons en amiante provoquent des maladies. Mais je ne sais pas lesquelles… » dit-il.
Son cousin, qui a souhaité préserver son anonymat, se mêle de la conversation. « L’EDC de Rivière-Noire compte environ 25 maisons contenant de l’amiante. Si certaines sont dans leur état initial, d’autres ont été rénovées ou agrandies. Mais la matière cancérigène est toujours présente car les cloisons ne peuvent être démolies en raison des particules d’amiante qui peuvent s’avérer fatales à la moindre inhalation », dit-il.
2 500 maisons pourvues d’amiante à travers le pays
2 500 maisons, réparties dans 43 cités à travers le pays, seraient pourvues d’amiante. Ces régions sont les Résidences EDC de Bois-Chéri, St-Pierre, Grande-Rivière Noire, Bambous, Case-Noyale, Chamarel, L’Escalier, Rivière-des-Galets, Plaine-Magnien, Argy à Flacq, ou encore à Piton. Ces maisons ont été construites dans les années 60, soit peu après le passage d’intenses cyclones, dont Carol. Le nombre de maisons contenant de l’amiante, qui était de 3 113 au départ, a été ramené à 2 500 au fil du temps. Selon des renseignements, des propriétaires ont préféré démolir leur demeure à leurs risques et périls devant « l’inaction » des divers gouvernements. D’autres propriétaires ont, eux, procédé à l’agrandissement de leurs logis.
Quelques sites publics contenant de l’amiante :
• Le système d’isolation d’Emmanuel Anquetil à Port-Louis
• Une partie de la toiture de l’hôpital de Candos
• 834 km de conduites de la Central Water Authority (CWA) (asbestos cement pipes) répartis à travers le pays contiennent également de l’amiante
Les dangers de l’amiante
Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), l’amiante est extrêmement dangereuse pour la santé. Des fibres sont produites quand les matériaux se détériorent ou lors des travaux. Ces fibres, qui sont hautement cancérigènes et qui provoquent des maladies respiratoires, sont impossibles à détecter à l’œil nu.
Le terme amiante désigne un groupe de minéraux fibreux d'origine naturelle. Il est utilisé comme isolant en bâtiment et comme ingrédient dans un certain nombre de produits (bardeaux de toiture et conduites d'approvisionnement en eau, entre autres).
Toutes les formes d'amiante sont cancérigènes. L’exposition à l’amiante peut entraîner un cancer du poumon, du larynx, ainsi que d’autres maladies. On estime également que plusieurs milliers de décès chaque année peuvent être attribués à une exposition à l'amiante dans le cadre domestique.
La résolution 58.22 de l'Organisation mondiale de la Santé sur la prévention et la lutte anticancéreuses invite instamment les États-membres à accorder une attention toute particulière aux cancers liés aux facteurs d’exposition évitables.
Les effets de l’amiante sur la santé prennent 20 à 40 ans pour être décelés et c’est pour cette raison qu’il faut des dépistages précoces. Les fibres d'amiante présentes dans l’air vont se déposer dans les poumons. Le tissu pulmonaire s'épaissit, la respiration devient difficile et douloureuse. Les cas les plus graves de cette insuffisance respiratoire peuvent être mortels. Les fibres endommagent alors le système immunitaire de la personne. Les macrophages, les soldats du corps contre les pathogènes sont affectés ; ceux-ci ne peuvent plus communiquer correctement avec le reste du réseau cellulaire d’où un dérèglement général. Avec des macrophages incapables de lutter contre une multiplication des cellules, l'organisme va développer un cancer, une vingtaine d'années après l'exposition aux poussières d'amiante.
L’OMS identifie aussi quatre axes pour lutter contre l’amiante, des mesures de prévention plus précisément. Pour éliminer les maladies liées à l’amiante, il faudrait prendre les mesures de santé publique suivantes :
- Admettre que le moyen le plus efficace d’éliminer les maladies liées à l’amiante est de cesser d’utiliser ce matériau, sous quelque forme que ce soit;
- Remplacer l’amiante par des matériaux plus sûrs et mettre au point des mécanismes technologiques pour favoriser son remplacement;
- Éviter l’exposition à l’amiante présente dans les bâtiments et l’exposition, et;
- Améliorer le diagnostic précoce et le traitement des maladies liées à l’amiante et la réadaptation sociale et médicale, et établir des registres des personnes exposées et/ou ayant été exposées à l’amiante.
Source : OMS
Reeaz Chuttoo de la CTSP : «Une démolition des maisons par implosion»
Le dossier de l’amiante dans des maisons et autres espaces publics est le cheval de bataille de la Confédération des Travailleurs du Secteur Publique (CTSP) depuis 2001. Le secrétaire général de la CTSP, Reeaz Chuttoo, explique que les autorités doivent procéder à la démolition des maisons contenant de l’amiante conformément au protocole, car « il est question de santé publique ».
« L’amiante n’a pas de vraie exposure limit. C’est-à-dire que la moindre particule dans l’organisme peut s’avérer fatale et provoquer des maladies respiratoires au fil du temps. Voter une somme d’argent pour l’encadrement des propriétaires des maisons est insuffisant. La volonté politique n’est pas présente ! Le gouvernement doit démolir ces demeures de façon méthodique, soit couvrir les maisons d’une matière imperméable et ensuite procéder à l’implosion de l’édifice. Une fois démolis, les restes doivent être enfouis et jamais déterrés pour le bien du public », explique Reeaz Chuttoo.
Le dirigeant syndical demande au gouvernement de publier le rapport de l’expert britannique John Addison, commandé en 2000 et déposé en 2001. Ce rapport, selon Reeaz Chuttoo, comporte non seulement des précisions par rapport aux sites contenant de l’amiante répartis à travers le pays mais également des recommandations visant à tacler le problème. Le gouvernement d’alors et le CTSP détiennent une copie de ce rapport.
« Au sein de la CTSP, nous continuons notre pression. Nous exhortons le ministère de la Santé à insister pour que les médecins réclament un work history des patients lors de chaque consultation. D’où le fait qu’il est important d’avoir un surplus de médecins dans les hôpitaux », recommande-t-il.
La question soulevée à l’Assemblée nationale
Le 26 juin dernier le député du PMSD, Thierry Henry, avait soulevé une question relative à la présence d’amiante dans certaines maisons situées aux résidences Balance, à Plaine-Magnien. Il a fait ressortir que « les habitants sont inquiets » et s’attendent à ce que le ministère fasse le nécessaire. Le ministre du Logement et des Terres, Mahen Jhugroo, a répondu que son ministère est « conscient de la situation et que le nécessaire sera fait ».
Le député du Mouvement Patriotique (MP), Alan Ganoo, avait également soulevé une question parlementaire en ce sens le mardi 2 juillet en prenant, comme appui, la situation dans l’ouest du pays, notamment à Rivière-Noire, entre autres. Dans sa réponse, le ministre Jhugroo a souligné que le gouvernement a revu à la hausse le montant déboursé dans l’achat de matériaux pour la construction et pour le coulage de la dalle pour les personnes vivant dans des maisons construites en amiante.
Ceux touchant jusqu’à Rs 10 000 par mois bénéficient jusqu’à Rs 100 000 pour l’achat de matériaux et pour le coulage de la dalle. Les personnes percevant une somme de Rs 10 001 à Rs 15 000 peuvent toucher un montant de Rs 70 000. Les familles touchant de Rs 15 001 à Rs 20 000 sont éligibles à une somme de Rs 50 000 pour démarrer et achever les travaux. Mahen Jhugroo avait aussi précisé que les quelque 200 familles domiciliées dans des maisons construites en amiante à Rivière-Noire peuvent bénéficier de ce nouveau programme.
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