À la route Royale d’Helveltia, l’enseigne Magic Mirror ne semble pas payer de mine, mais la fabrique verrerie cache une véritable 'success story', incarnée par son directeur, Ravin Emraj. Ce dernier, issu d’une famille très modeste, a toujours cru en ses capacités d’entrepreneur, malgré l’adversité.
À quelques enjambées de son entreprise, de l’autre coté de la route, se trouve le domicile de Ravin, dans le quartier huppé d’Helvetia. Symbole de son ascension sociale, c’est là qu’il souhaitait loger ses parents. « Au moment où l’argent était nécessaire pour opérer ma mère, personne n’en avait. Aujourd’hui, j’aurai pu la sauver », lâche Ravin, la gorge nouée et flanquée de sa femme, Anousha, qui gère l’entreprise ‘in house’.
C’est dans le camp sucrier d’Helvetia qu’il a vu le jour dans une famille où le père, Bissoon Chan, était laboureur et la mère, Mantee, femme au foyer. Au décès de son père, celle-ci va élever seule la fratrie de huit enfants. « L’argent était rare, mais mon père avait réussi à acheter un bout de terre pour ses enfants », raconte Ravin, qui, durant ses vacances scolaires, s’en va chez l’usine Miroverre, où son salaire contribue au budget familial et assure ses propres dépenses.
Au sortir du collège, il décroche un emploi d’infirmier qui l’emmène d’un hôpital à l’autre, en passant par des dispensers. Mais, au bout de presqu’une année, il jette l’éponge, « car il se passait des choses » qu'il ne tôlerait pas, raconte-t-il. Ainsi, il va reprendre la route de Miroverre, où son frère aîné est déjà employé.
Cellule syndicale
Il n’a que 20 ans, mais il sait déjà qu’il ne restera pas manœuvre éternellement. « J’ai balayé, récuré, mais rapidement j’ai demandé à aller sur les machines, j’ai posé des vitres, biseauté. Je suis parti voir comment on dessinait sur les vitres. J’ai examiné les machines pour voir comment elles étaient faites. C’est comme ça que je suis devenu ouvrier, avec une bonne maîtrise de mon job, mais les augmentations de salaire étaient dérisoires, comparé aux nouveaux venus. »
À sa frustration s’ajoute l’obstacle rencontré à la mise sur pied d’une cellule syndicale dont il est l’artisan. Si la reconnaissance est finalement obtenue, les peines de Ravi ne sont pas pour autant terminées. Un jour, au moment où sa mère, gravement malade, doit subir une intervention majeure, il demande une permission. Mais, on lui refuse. « Je suis parti malgré leur interdiction et j’ai récolté un ‘warning’, on ne m’avait jamais pardonné mon activité syndicale. »
Sa mère ne survivra pas à cette deuxième opération, la première ayant eu lieu en Afrique du Sud. « J’était dévasté par sa mort, j’ai mis du temps pour m’en remettre. » À Miroverre, ses déboires lui valent une lettre de licenciement, mais au bout des négociations avec la direction, il repart avec un chèque de Rs 175 000.
Avec cette somme plutôt bien négociée, ses économies et un prêt, il loue un espace près de son domicile, s’achète des compresseurs et d’autres outils destinés à lancer une fabrique de verrerie. « Je savais ce que je voulais, c’était moitié-moitié à risque. Mais, j’avais une sorte de feu sacré. J’ai pris le bus pour voir les menuisiers pour leur proposer mes vitres. J’ai acheté les vitres à Maurice et j’ai fabriqué mes outils comme j’avais observé à Miroverre », se souvient-il, plus de 15 ans après.
Sortir la tête de l’eau
Un an plus tard, son entreprise Vitro Verre sort la tête de l’eau et réalise des bénéfices. « Deux ans après, les grosses commandes sont venues, dont des magasins, des hôtels, des écoles d’État, entre autres. J’ai du déménager du premier local, je suis venu à la route Royale à Helvetia. J’ai fabriqué des équipements, ‘cassé-ranzé’, ce qui m’a permis de faire des économies. Puis, j’ai créé une compagnie subsidiaire, Magic Mirror (Mts) Ltd, à la suite du rachat de l’enseigne Vitrolux, à Rose-Hill. Je voulais une visibilité urbaine pour diversifier ma clientèle. J’y ai investi une enveloppe de Rs 3,5 millions », fait-il ressortir.
Aujourd’hui à la tête d’une entreprise de 32 personnes et de trois succursales aux quatre coins du pays, dont une prévue à Triolet, Ravin a les idées résolument tournées vers le futur et l’innovation toujours en coin de mire. « En ce moment, je suis en attente de la certification ISO, laquelle sera prête lorsqu’on emménagera l’usine à Verdun ». Pour ces nouveaux locaux, il n’hésite pas à les comparer à un hôtel 5 étoiles, qui sera doté de technologies nouvelles, dont le recours à l’informatique et à la robotique.
« Il faudra investir dans des équipements modernes afin de lancer des produits innovants pour viser une clientèle haut de gamme. Quant aux embauches, il me faudra des personnes formées à l’informatique, mais qui sont aussi passionnées par ce travail », fait-il valoir, mais en nuançant : « Il y aura des contrats spécifiques, si un nouveau salarié s’en va avant son expiration, il lui faudra rembourser la période qui lui reste à travailler. Je me suis fait trop avoir dans le passé. »
Bénéfices réguliers
Malgré la bonne santé de son entreprise et des bénéfices réguliers chaque année, Ravin s’est toujours gardé d’un train de vie luxueux, ses seuls investissements étant l’acquisition d’une résidence à la phase 1 des Allées d’Helvetia ainsi que les frais de scolarité de ses enfants dans une école privée. « Je regarde de près les dépenses, je n’ai pas oublié mes origines et je sais que le business, c’est un investissement privé qui est tributaire de la situation économique.
Mais je suis satisfait que ma banque me fasse confiance », dit cet homme discipliné et besogneux, qui attend qu’on s’aligne sur ses principes. « Même mes enfants devront commencer par balayer et vider les poubelles s’ils veulent prendre la relève de l’usine. La direction d’une entreprise, ça se mérite. Ce sont eux qui décideront de la marche à suivre. »
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