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Magazine Jeune Afrique: entre alignements politiques et paris économiques

Le dernier numéro de l’hebdomadaire international Jeune Afrique barre sa Une avec un dossier spécial sur Maurice. Le supplément d’une trentaine de pages fait un constat critique qui diffère des autres publications spécialisées sponsorisées par des institutions publiques. Jeune Afrique aborde sans complaisance deux volets : la politique et l’économie tout comme le prélude, signé Marwane Ben Yahmed, qui fait la part des choses entre « un pays sans équivalent », où « tout n’est pas pour autant idyllique ». Surfant sur l’essor économique et son maintien en pole position des classements internationaux, il évoque des signes d’essoufflement économique et « l’éternel jeu de chaises musicales » politique. Sous un titre fort incitatif, « La nouvelle jeunesse du vieux SAJ », Olivier Caslin, l’envoyé spécial de Jeune Afrique, fait états des défis économiques et de la succession du Premier ministre. Au cours de ces derniers mois, il relate que SAJ « a vu à son tour sa crédibilité de chevalier blanc ternie lorsque Pravind… a été rattrapé par la justice dans une affaire de conflit d’intérêts ». Il cite un homme d’affaires qui lui a confié que « toutes ces incertitudes autour de l’avenir du père comme celui du fils sont désastreuses pour l’image du pays ». Revenant sur les résultats surprenants des élections générales de l’année dernière, l’envoyé spécial de Jeune Afrique cite un diplomate étranger, basé apparemment à Maurice : « La surprise a été totale, elle l’est encore neuf mois plus tard », que ce soit pour l’ancien Premier ministre et celui en poste. Le premier subit ses « excès autocratiques » et le second, qui n’aura pas la tâche facile pour « mettre sur orbite son fils Pravind, son dauphin putatif qui n’a pas hérité de son caractère bien trempé, peine à s’imposer».

Ministre fantaisiste

L’auteur attribue à Somduth Dulthumun, « très influent président de la Sanathan Dharma Temples Federation », une part de responsabilité  dans la défaite de Navin Ramgoolam. Les propositions de réformes controversées de la Constitution portant sur les pouvoirs du Premier ministre et du Président ont joué contre l’alliance Ramgoolam-Bérenger car la « majorité hindoue était contre une remise en question du compromis historique qui, depuis l’Indépendance, garantit à sa communauté de tenir les leviers politiques du pays ». Avant d’enclencher la relance économique, note le journaliste, le Premier ministre a procédé à une vaste opération de nettoyage, dont la « première victime » a été l’ancien Premier ministre. Il évoque ainsi les perquisitions et les saisies au domicile de celui-ci. Il relate aussi l’affaire BAI, dans laquelle les ressources du ministère des Finances ont été sollicitées, faisant défaut au temps consacré pour « élaborer sérieusement le plan de relance économique ». Dans un autre ordre d’idée, Olivier Caslin aborde la relève politique à Maurice qui est minée par les dynasties : Ramgoolam, Bérenger et Jugnauth. Il évoque ainsi les différents régimes dirigés par ces trois familles et les prétendants, nommément Xavier-Luc Duval, Showkutally Soodhun et Nando Bodha. Dans un entretien que lui accorde Paul Bérenger, celui-ci parle aussi de la relève, mais sous un angle différent. « L’objectif d’Anerood était de mettre le pied de son fils à l’étrier, mais son plan tombe à l’eau. Et comme il avait fait le ménage en éliminant tous les concurrents susceptibles de faire de l’ombre à Pravind, j’affirme… que l’avenir appartient au MMM », soutient-il. Jeune Afrique n’est pas tendre envers le Premier ministre sur le plan économique qui « est loin aujourd’hui de tenir ses promesses en évoquant la dette publique, le chômage qui s’enkyste et les investissements en berne ». L’objectif d’atteindre une croissance supérieure à 5,5 % en 2016 par le ministre des Finances est considéré comme « fantaisiste » par les experts consultés par le magazine qui souligne toutefois que le Premier ministre est intervenu pour préciser qu’une telle croissance n’est pas prévue avant 2017. Le magazine hebdomadaire international cite aussi un membre du secteur privé évoquant le programme du Premier ministre, annoncé le 22 août dernier, sur les réformes sociales, la mise en place de villes intelligentes, de l’économie bleue, du hub régional : « Il  a fait preuve d’un sens certain de la formule, mais a-t-il les moyens de ses ambitions, qui se chiffrent à plusieurs centaines de milliards de roupies ? » Les propos repris de l’économiste Swadicq Nuthay sont beaucoup plus nuancés : « Les intentions sont bonnes, mais c’est faire un pari sur l’avenir alors que le privé est déjà financièrement essoufflé » dit-il, quand on lui parle des investissements de Rs 185 milliards attendus du secteur privé, alors que l’État injectera Rs 4 milliards dans le développement du port. Olivier Caslin se fait l’écho des critiques des observateurs sur le calendrier du gouvernement et non sur les projets de l’État. « Les smart cities, comme le port, peuvent tirer la croissance et fournir une partie des 100 000 emplois promis, mais pas avant plusieurs années », lui confie un banquier.

Bons scores

Le journaliste de Jeune Afrique rappelle, toutefois, que les indicateurs fondamentaux restent satisfaisants, « s’appuyant sur un environnement des affaires sans égal en Afrique, l’économie mauricienne demeure la plus compétitive du continent ». Il étale ainsi les bons scores de Maurice dans le rapport ‘Doing Business’ de la Banque mondiale. Olivier Caslin a aussi interrogé Brinda Dabysing, représentante de cette institution à Maurice, qui déclare que « si Maurice veut réaliser ses objectifs et devenir un pays à revenu élevé en 2020, elle devra innover et se moderniser, en investissant notamment dans le capital humain afin de développer de nouvelles compétences ». Dans un entretien avec le ministre des Finances, Jeune Afrique invite Vishnu Lutchmeenaraidoo à revenir sur le sujet épineux de la perception dont souffre l’offshore mauricien. C’est ainsi que le Grand Argentier défend l’image de ce secteur en soulignant que « nous œuvrons depuis des années pour que notre place financière soit la plus transparente possible et n’avons pas vocation à servir de bouc-émissaire. Maurice n’a aucun intérêt à être un paradis fiscal. Et il ne le sera jamais ». Le ministre profite aussi de l’occasion pour expliquer la stratégie d’expansion de zone économique en Afrique, le développement de l’économie bleue et la transformation du port en hub régional.
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