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Madagascar: présidentielle sous tension, boycottée par l'opposition

Madagascar, où la capitale sort d'une nuit de couvre-feu, a commencé à voter dans le calme jeudi pour le premier tour de sa présidentielle dans un contexte de vives tensions entre le camp du président sortant, Andry Rajoelina, et dix candidats de l'opposition qui ont appelé au boycott.

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Alors que le président sortant parie sur sa réélection dès le premier tour, l'un des principaux enjeux du scrutin sera de voir si les électeurs favorables à l'opposition, parmi les onze millions d'inscrits, décident ou non de rester chez eux.

"On ne veut plus de manifestation, on ne veut plus de problème dans le pays. On veut choisir par nous-mêmes, en votant", explique à l'AFP Alain Randriamandimby, 43 ans, imprimeur de T-shirts, au petit matin.

Les bureaux de vote doivent rester ouverts jusqu'à 17 heures (14H00 GMT) sur la grande île de l'océan Indien, dont la population de 29 millions d'habitants demeure l'une des plus pauvres de la planète en dépit d'importantes ressources naturelles.

En 2018, la participation au premier tour avait été inférieure à 55%. Finalement élu à l'issue de ce scrutin, Andry Rajoelina, 49 ans, qui avait accédé une première fois au pouvoir en 2009 à la faveur d'une mutinerie chassant l'ex-président Marc Ravalomanana, brigue un second mandat.

Depuis un récent scandale sur sa double nationalité française et malgache, son éligibilité est contestée par l'opposition, qui dénonce des manœuvres du pouvoir pour le reconduire.

Dix opposants et candidats, ralliés dans un collectif rassemblant notamment deux ex-présidents et d'anciens ministres, ont dénoncé "un coup d'Etat institutionnel" et réclamé une suspension du processus électoral.

"Nous refusons l'élection de jeudi et nous appelons tous les Malgaches à considérer que cette élection n'existe pas", a déclaré mardi au nom du collectif le candidat Hajo Andrianainarivelo, 56 ans.

Depuis début octobre, les opposants ont multiplié les appels à manifester dans la capitale. Ces protestations, régulièrement dispersées au gaz lacrymogène, n'ont toutefois mobilisé que quelques centaines de soutiens.

Le préfet d'Antananarivo a condamné mercredi des "actes de sabotage" après des incidents la veille et déclaré un couvre-feu nocturne jusqu'à jeudi 04H00 locales (01H00 GMT).

Les candidats de l'opposition, qui réclament une intervention de la communauté internationale, ont annoncé leur intention de poursuivre la contestation dans les prochains jours.

"On t'achète" 

Andry Rajoelina se retrouve de fait aux prises avec deux candidats encore officiellement en lice. Confiant, il s'est dit lors d'un récent entretien à l'AFP sûr de l'emporter au premier tour. Déployant de gros moyens, il a sillonné le pays en hélicoptère ou avion privé pendant la campagne.

"C'est irresponsable d'inciter les électeurs à ne pas aller voter", a fustigé sa porte-parole de campagne, Lalatiana Rakotondrazafy, accusant l'opposition de vouloir "saboter" le scrutin par "une tentative de prise en otage de toute la nation".

La crise politique dans le pays a été déclenchée en juin par la révélation dans la presse de la naturalisation française, en toute discrétion, d'Andry Rajoelina en 2014.

Selon l'opposition, il a dès lors perdu sa nationalité malgache et ne peut pas se présenter au scrutin. Mais la justice a refusé d'invalider sa candidature.

A la veille du vote, sur le marché d'Analakely dans le centre de la capitale, des passants marquent une pause devant l'étal d'une marchande de journaux et scrutent les gros titres, l'air soucieux.

"Le peuple, avec le collectif des dix candidats, prend conscience de la dictature qu'il subit", lâche Chrishani Andrianono, 55 ans. Depuis qu'il est au pouvoir, "on ne voit pas ce qu'il a fait pour nous", poursuit-il au sujet de l'actuel président, évoquant l'état de misère d'une grande partie du pays.

Benedicte Lalaoarison, 61 ans, devant son stand de sous-vêtements, n'a pas le temps de se soucier de politique: "Ce qui compte, c'est de nous en sortir au jour le jour".

Vonjisoa Tovonanahary, 34 ans, raconte que dans son quartier, "tout le monde parle des cartes pour recevoir de l'argent" distribuées selon lui par des pro-Rajoelina.

"On t'achète", lâche-t-il avec dégoût. "Moi, je suivrai la consigne et je n'irai pas voter."

© Agence France-Presse

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