Entre la volonté de changer de vie et l’emprise fatale des mauvaises influences, la trajectoire de Daren Rungasamy s’est arrêtée brutalement le 23 décembre. Son père témoigne avec amertume des efforts de son fils pour s’en sortir.
« Kan so mama inn mor, li finn dir li pou sanze, e vremem li’nn sanze »
« Si seulement il m’avait écouté… » Logen Rungasamy pleure la disparition de son fils Daren, âgé de 30 ans. Ce commerçant de Plaine-des-Papayes avait tout tenté, multiplié les mises en garde, surveillé de près ce fils fragile qu’il voyait se débattre entre la volonté de changer et l’emprise de mauvaises fréquentations. « Il avait de mauvaises fréquentations et se laissait influencer », confie le père.
Le jeune homme est décédé le 23 décembre, six jours après avoir été lynché à Terre-Rouge alors qu’il était surpris en train de commettre un vol avec effraction. Une fin tragique d’autant plus cruelle qu’elle intervient après une tentative sincère de reconstruction.
Il y a un an et demi, Daren avait perdu sa mère, terrassée par la maladie. Le choc avait été violent. Lui qui avait connu la drogue et « était sur une mauvaise pente », selon son père, avait alors pris une ferme résolution : changer de vie. « Kan so mama inn mor, li finn dir li pou sanze, e vremem li’nn sanze », raconte Logen. Cette fois, le jeune homme semblait déterminé à tenir parole.
Passionné de cuisine, Daren avait travaillé dans un restaurant avant de tout arrêter pour se consacrer à sa propre affaire. « Li dir mwa li pou travay pou limem… li finn ouver so snack a-kote ek mo tabazi », explique le père. Ce qui permettait à Logen de garder un œil sur son fils. Pour lui, c’était une aubaine : le jeune homme, qui avait déjà connu plusieurs démêlés par le passé, semblait enfin se ressaisir.
Et pendant plusieurs mois, cela avait marché. « Li lev trwazer ou katrer gramatin. Li fer depans, li pe organiz so bann zafer », détaille Logen avec une fierté encore palpable. « Comme ma boutique est juste à côté du snack, je le surveillais de près. Il commençait tôt le matin, fermait l’après-midi pour se reposer, puis rouvrait jusqu’au soir. Les affaires marchaient bien », souligne le père. Mais il restait vigilant, conscient que le plus dur était de tenir son fils éloigné de ceux qui avaient toujours eu une mauvaise influence sur lui.
En novembre, Logen a dû s’absenter du pays. Avant de partir, il a mis son fils en garde. « Je devais voyager. Je lui ai demandé d’être prudent durant mon absence. Il m’avait assuré qu’il allait bien se tenir », raconte-t-il. Le père est parti rassuré, ou du moins il a voulu le croire. Deux semaines plus tard, à son retour, la déception a été immédiate. « Je l’ai appelé à mon arrivée, mais il ne répondait pas », explique-t-il. Daren n’était pas à la maison.
Ce qui s’était passé pendant son absence, Logen l’a appris par bribes. « J’ai appris que durant mon absence, ceux qu’il considérait comme ses amis venaient au snack et restaient tard. Ils en profitaient. Mon fils s’est de nouveau laissé influencer », poursuit-il avec amertume. La rechute avait été rapide, presque prévisible. Il avait suffi de deux semaines sans surveillance, de quelques soirées où les « amis » traînaient tard au snack, pour que tout s’effondre.
Le 13 novembre, un retraité de 64 ans avait signalé le vol de Rs 40 000 à son domicile de Terre-Rouge, sur la route principale. L’argent était conservé dans une sacoche bleue rangée dans un tiroir de la chambre à coucher. Les images de son système de vidéosurveillance montraient un homme de corpulence moyenne, vêtu d’un T-shirt blanc et d’un short noir, pénétrant dans sa maison.
Quelques semaines plus tard, le 16 décembre, un autre habitant de Terre-Rouge déclarait le vol de plusieurs objets : des bouteilles de whisky, des bijoux en or, des écouteurs, ainsi qu’une somme de Rs 35 000 en espèces. Une vitre de la porte de la cuisine avait été brisée pour accéder à l’intérieur. Le montant total du butin était estimé à environ Rs 347 000.
Le lendemain, le 17 décembre, Daren a été pris sur le fait chez un habitant de Terre-Rouge. Plusieurs personnes du quartier l’ont lynché avant l’intervention de la police pour l’extirper. Logen a appris la nouvelle la semaine dernière. « On m’a alerté qu’il avait été impliqué dans un vol et que des gens l’avaient lynché. Il a passé six jours à l’hôpital », relate-t-il.
Six jours pendant lesquels aucun de ces « amis » qui traînaient au snack n’est venu le voir. « Kot sa bann kamarad-la ? Mo garson inn fer sis zour dan lopital, personn pa inn amenn mem enn ver delo pou li », lâche le père, meurtri.
Interrogé par les enquêteurs de la CID de Terre-Rouge, assistés par la DCIU, Daren avait reconnu avoir commis les deux vols. Il avait toutefois affirmé avoir été agressé par des membres du public avant son arrestation. Se plaignant de malaise, il avait été transporté à l’hôpital SSRN où il avait été admis.
« Mo dakor li’nn fer enn erer, me pa ti bizin bat li e touy li koumsa »
Le 22 décembre, il avait obtenu son autorisation de sortie et avait été conduit au centre de détention de Piton. Mais le lendemain, alors que les agents le tiraient de sa cellule pour le placer dans leur véhicule afin de se rendre en cour de Pamplemousses, il a succombé à ses blessures. « Mo dakor li’nn fer enn erer, me pa ti bizin bat li e touy li
koumsa », lâche Logen.
Les limiers de la MCIT ont arrêté trois hommes : Pazhany Ben Moodaly, 32 ans, Seeva Veerasamy, 62 ans, et Shamougen Veerasamy, 26 ans. Lors de leurs auditions respectives, chacun a livré sa version des faits concernant le déroulement de l’incident. Selon leurs déclarations, Daren se serait rendu au domicile de Pazhany Ben Moodaly, où il aurait été surpris en pleine action. Les autres individus concernés auraient alors été alertés et se seraient rendus sur place.
Les suspects contestent toute intention de tuer, affirmant ne pas avoir voulu causer la mort de la victime. Ils soutiennent n’avoir infligé que quelques gifles, selon leurs propos. Les policiers dépêchés sur les lieux ont procédé à leur identification.
Présentés vendredi devant la cour de Pamplemousses, les trois hommes ont été provisoirement inculpés avant d’être reconduits en cellule policière. L’enquête se poursuit et les forces de l’ordre sont toujours à la recherche d’autres personnes susceptibles d’être impliquées dans cette affaire.
Pour Logen Rungasamy, reste l’amertume d’une reconstruction avortée. Son fils s’était levé à 3 heures du matin pour faire tourner son snack, avait organisé ses affaires, semblait enfin sur la bonne voie. Puis il avait suffi de deux semaines d’absence, de quelques « amis » qui traînaient tard le soir, pour que tout bascule. « Si seulement il m’avait écouté… » répète-t-il. Mais il est trop tard.





